SARGA *** I ***

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PIROS - LABORATOIRE

Le calme du Piros s'était dissipé dans un chahut inextricable. Sylice tentait, tant bien que mal, d'organiser les soins dans le laboratoire, préparant méticuleusement divers outils médicaux, son calme olympien contrastant avec l'urgence de la situation. Rien ne semblait l'atteindre. Elle demeurait imperturbable. Tandis qu'ils essayaient de suivre le rythme, Houda et Fyguie s'efforçaient tant bien que mal de rendre leur assistance utile.

— Nous ne sommes pas médecins, Mlle D'Argon, chuchota Houda, un peu gênée.

— Je ne vous demande pas de les soigner, juste de m'assister. Vous êtes des scientifiques, j'espère que vous avez un minimum de connaissances pharmaceutiques.

Le ton sec et sarcastique de Sylice ne laissait place à aucun débat. Fyguie et Houda acquiescèrent et se mirent au travail.

— Qu'est-ce qu'on peut faire pour vous aider ? proposa urgemment Fyguie.

— Hé... Calmez-vous tous les trois, s'impatienta Slikof. Ce ne sont que des égratignures.

L'espion ne se laissait pas faire et s'agitait dans tous les sens pour qu'on le laisse tranquille.

— Non, ce n'est pas rien, Slikof ! Vous saignez de partout ! reprit Zorth, fronçant les sourcils.

— Oui, mais ce ne sont que des blessures superficielles. Il n'y a pas d'urgence, rajouta-t-il en époussetant sa chemise.

— Il a raison, il y a une autre urgence... concéda Kylburt sur un ton grave.

Zorth croisa le regard vide de Kylburt et comprit qu'autre chose de plus important les préoccupait. Quelque chose de difficile à entendre. Le conseiller royal ne tenait plus en place, il voulait savoir ce qui s'était passé au palais.

— Que s'est-il passé ?

Les deux hommes baissèrent les yeux. Leurs visages étaient tendus et éteints.

— Répondez-moi ! s'impatienta-t-il.

— Le roi Gotbryde est mort, murmura Kylburt, la voix plate, presque sans émotion.

Un silence lourd tomba sur la pièce. Zorth, figé, semblait absorbé par le choc. Slikof, toujours le regard rivé au sol, portait la honte comme un manteau de plomb. Lui qui croyait pouvoir protéger le roi à tout prix, l'échec lui pesait davantage que tout. Kylburt, triste mais calme, restait silencieux.

Le reste de l'équipage ne connaissait pas le roi, mais la douleur se partageait, implicite. Tout le monde savait qu'avant d'être un roi, il était un père. Le père d'une personne présente sur le Piros.

— Mais... comment ? Zorth laissa échapper la question, un murmure brisé.

Il s'effondra sur une chaise, le visage plongé dans ses mains. Le roi était un ami de longue date, un homme qu'il respectait et chérissait. Kylburt, assis près de Slikof, posa une main réconfortante sur son épaule, bien qu'il sût que les mots n'y changeraient rien. Au-delà de sa mission de protéger la famille royale, il venait aussi de perdre un ami.

— Je dois parler à la princesse. J'ai échoué. C'est à moi de lui annoncer.

Slikof tenta de se lever, mais la douleur au flanc le cloua au sol.

— Non, Slikof. Peu importe ce qu'il en est, je suis certain que vous avez fait tout ce qui était en votre pouvoir. Si la mort du roi doit être ainsi, elle ne saurait se reposer sur vos épaules. En tant que plus proche de la princesse, il m'incombe de m'en charger. Je saurais m'en acquitter. Je saurai trouver les mots.

— Aucun mot que vous prononcerez n'amoindrira sa peine, Zorth. Perdre un proche ne s'adoucit pas avec une simple tournure de phrase, confessa Slikof sur un ton amer.

Zorth savait qu'il avait raison. Il n'y avait pas de mots. Mais, malgré tout, il restait convaincu que cette tâche lui incombait.

— N'en discutons plus. Ma décision est prise. Je lui en parlerai. Mais il va falloir que vous m'expliquiez ce qu'il s'est passé et qui sont ces personnes ?

Kylburt, qui voyait son ami hésiter, prit la parole.

— Lorsque nous sommes arrivés dans la salle du trône, le roi était déjà en compagnie de deux inconnus. Des officiers de la police de Terre II.

Houda fit un geste surpris en direction de Fyguie, happée par le récit de Kylburt.

— Lorsqu'ils m'ont aperçu, ils m'ont immédiatement reconnu. La femme a réagi sans hésiter, mettant son arme en joue, ce qui a suscité la colère du roi. Ses gardes ont alors réagi promptement, prenant à leur tour les armes. Après un échange houleux, les menaces se sont dissipées, et les armes ont été abaissées. L'homme, que l'on appelait Milo, me semble-t-il, nous a expliqué qu'il cherchait une jeune femme, Kybop. Enfin, il ne connaissait pas son nom, mais il avait un hologramme pour l'identifier. Puis, tout a basculé. Des rafales de balles ont surgi de toutes parts. Personne n'a compris ce qui se passait. Gotbryde nous a alors conduits dans le Secrétoire, et les deux policiers nous ont suivis. Ils ont même prêté main forte. Une fois à l'abri, nous avons exposé notre situation au roi, lui confiant que nous manquions de temps. C'est alors qu'il nous remit cette puce.

Kylburt brandit l'objet entre deux doigts.

— À peine le temps d'échanger davantage, la porte de la salle a éclaté sous l'assaut. Les balles ont sifflé, effleurant nos oreilles, perforant les murs. D'où nos égratignures, comme l'a souligné Slikof. Rien de grave. Mais lorsqu'on s'est retournés, le roi gisait, frappé en pleine poitrine. Il venait de recevoir une balle en plein thorax. Mourant...

Sa voix se brisa, se dissout dans l'air lourd de la pièce.

— Tandis que j'aidais les policiers à nous couvrir, Slikof s'occupa du roi.

— Je lui ai tenu la main, en lui promettant que nous prendrions soin de Lilas, murmura le chef des Oiseaux de Nuit, d'une voix brisée. Il a souri, et puis, dans un dernier souffle, il s'éteignit.

Et ainsi mourut le roi Gotbryde...

Un silence lourd et accablant s'abattit sur la pièce. Finalement, personne n'eut besoin de soins médicaux, mais plutôt de réconfort. Tous semblaient accuser le poids de la défaite, face à un ennemi mystérieux, dont la menace demeurait inconnue.

PIROS - CABINE DE LILAS

Zorth accomplit sa tâche, le cœur aussi vide que lourd. Il annonça la funeste nouvelle à la princesse, l'enfant désormais orpheline. Bien entendu, Lilas s'effondra. Elle hurla, pleura, puis, soudainement, se fit silencieuse, comme si une prise de conscience abrupte l'avait frappée. Elle traversa les étapes du deuil avec une rapidité saisissante : le choc, le déni, la colère, la tristesse, la résignation, et, enfin, l'acceptation. Comme si elle pressentait qu'elle ne disposerait pas du temps nécessaire pour vivre cette épreuve. Le deuil, ce luxe cruel, réservé à ceux qui n'ont pas le fardeau de la responsabilité, n'était pas à sa portée. Lilas ne pouvait se permettre de s'abandonner à sa douleur. Son royaume n'avait plus de guide, plus de direction. Un roi assassiné, une princesse en exil.

Qui pourrait bien prendre en main Zoldello ?

Engloutie par son chagrin, Lilas était là, figée, sur son lit, le regard perdu. Des décisions royales devaient être prises, et c'était à elle qu'incombait cette tâche. Mais les options étaient désespérément limitées. Deux seulement s'offraient à elle. Prendre le trône de son père ou nommer quelqu'un pour gouverner en son absence.

L'idée d'un régent lui semblait la plus sage. Une personne de confiance, capable de remplir cette fonction sans hésitation, sans crainte des dangers. Mais assumer le rôle de deux têtes couronnées, assassinées l'une après l'autre, cela relevait de la folie. Elle avait besoin de quelqu'un de respecté par le peuple, et qui comprenne la réalité des menaces.

— Nous devons partir pour Sarga ! ordonna Lilas, d'un ton ferme, sans la moindre place pour la discussion.

— Mais princesse, nous avons une mission. Avec tout le respect que je vous dois...

— Avec tout le respect que je vous dois, Zorth, je ne vous demande pas votre avis.

Son ton était sec, autoritaire, tranchant, un aspect qu'il ne lui connaissait pas. La tête haute, ses yeux la fixaient avec une détermination implacable, coupant court à toute objection.

— Mon royaume ne peut pas rester sans gouvernance. Sinon, il sombrera dans le chaos. Nous irons sur Sarga, un point c'est tout.

Zorth baissa la tête, un signe d'acquiescement silencieux.

— Bien. Puis-je vous demander pourquoi ?

Lilas lui adressa un regard dur, mais son expression se fit plus assurée.

— Je sais déjà qui prendra la régence. Et cette personne se trouve là-bas.

Sur ces paroles, Zorth acquiesça silencieusement, vaincu par l'autorité incandescente qui émanait de cette reine en devenir. Il prit conscience de sa place : celle du simple conseiller dans un royaume en déclin, et se remit sans réserve au jugement de la princesse Lilas. Persuadé qu'elle avait, sans doute, de très bonnes raisons de lui ordonner de se rendre sur cette planète de glace.

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