LA CABANE DANS LES BOIS *** II ***
PIROS - SALLE DE SOIN
Kybop était groggy. Son corps était une épave, mais une flamme de vengeance brûlait encore en elle. Elle sentait que quelque chose s'animait dans ses tripes. Ses paupières s'ouvrirent lentement, tout était flou, mais elle reconnaissait cet endroit.
Alors c'est ici que j'ai failli rendre mon dernier souffle ? Trop naze... grogna-t-elle.
Elle commença à retirer les fils qui la reliaient à ces machines de malheur, mais elles se mirent à sonner dans un vacarme infernal.
— Mince !
Tout cela lui rappelait les réveils matinaux sur Eltanin, et une seule envie la taraudait : tout casser. Elle poussa alors le chariot chargé de machines, et elles s'effondrèrent dans un fracas assourdissant. Quelqu'un, certainement alerté par le bruit, entra dans la pièce en trombe.
— Mais qu'est-ce que vous faites bon sang ! réprimanda Sylice.
Après lui avoir passé un savon en bonne et due forme, Sylice s'adoucit, étrangement inquiète pour elle, un intérêt dont Kybop ne la pensait pas capable. Un check-up complet plus tard, elle lui ordonna de se rallonger et de se reposer.
— Ne bougez plus, ne cassez rien, ne râlez pas.
— Je vais faire ce que je peux pour les deux premières injonctions, mais je ne peux rien pour la dernière.
Sylice expira un ricanement discret.
— Vous êtes insupportable.
Malgré ses mots, Kybop sentait une pointe de sympathie dans sa voix.
— Désolée pour le matériel. Et merci.
Sylice fit celle qui n'avait pas entendu. Elle était du genre à être incapable de recevoir un compliment.
— Sylice ?
Kybop prononça son nom pour capter son attention. Cela eut l'effet escompté. Sylice l'écouta.
— Merci d'avoir fait tout votre possible. Je vous dois la vie.
Les joues de Sylice rougirent légèrement alors qu'elle se mit à tapoter sur ses machines nerveusement.
— Ok. Restez ici. Dormez. Je reviendrai plus tard.
Sur ces mots, elle tourna les talons et disparut rapidement. Kybop se retrouva seule, mais pas longtemps. Une autre personne entra dans la pièce, tout essoufflée.
— Kybop !
C'était Lilas. Elle se jeta presque sur elle. Toujours assise sur le rebord de son lit, Kybop se retrouva avec une princesse larmoyante dans les bras. Cette odeur... Sa peau...se delecta-t-elle.
Elle l'enlaça spontanément par la taille, désireuse de la sentir contre elle. La bouche de Lilas effleura son épaule, et elle se laissa complètement aller, ses pleurs ne cessant pas. Kybop ne dit rien. Elle non plus. En resserrant ses bras autour d'elle, Kybop sentit qu'elle lui rendait la pareille. Malgré la chaleur de ce moment, son corps n'était pas tout à fait rétabli. Ses mains se posèrent délicatement sur son ventre pour lui faire signe de faire doucement. Lilas s'écarta d'elle, reniflant.
— Par le Saint, j'ai bien cru vous perdre.
Kybop lui sourit bêtement, posant une main sur sa plaie.
— Je suis désolée de vous avoir sauté dessus. Est-ce que ça va ? Vous voulez que j'appelle Mlle D'Argon ? Je peux aussi demander à…
Lilas était dans tous ses états, ne cessant de parler. Kybop la laissa déblatérer sans l'interrompre, amusée de la voir s'agiter ainsi, mais ça la peinait également. Elle savait que Lilas réagissait comme ça parce qu'elle était submergée par tout ce qui se passait autour d'elle. Elle n'avait aucun contrôle sur rien, tout le monde lui dictait quoi faire pour éviter le danger. Sous la menace d'inconnus... Abandonnant son trône pour une mission de la dernière chance. Kybop n'osait imaginer ce qu'il se passait dans sa tête.
Toujours une main sur son ventre, Kybop agrippa son poignet avec celle qui lui restait.
— Lilas. Stop.
Elle resta figée, la regardant en pleurant.
— Je vais bien.
Elle revint se réfugier dans ses bras, cette fois avec bien plus de douceur, relâchant dans un long soupir toute la tension de son corps.
— Ne me faites plus une frayeur pareille.
ZOLDELLO - FORÊT
Houda et Brizbi continuèrent de courir en direction de l'abri, le souffle court et le cœur battant. Après une course effrénée, elles y arrivèrent enfin. Brizbi saisit la scientifique par le bras et la propulsa à l'intérieur.
— Entre là !
La porte claqua derrière elles, et Houda se retrouva plaquée contre un mur, le cœur en émoi. Brizbi s'approcha d'elle, une main sur sa bouche.
— Pas un bruit. Ils nous ont suivies.
Houda acquiesça, les yeux écarquillés de terreur. Brizbi retira sa main de sa bouche et porta un doigt sur ses lèvres, murmurant un léger « Chut ». Avec détermination, elle se dirigea vers la fenêtre, mais Houda l'attrapa brutalement par le bras, l'attirant vers elle. Une balle fila soudainement, frôlant la tempe de sa geôlière. La scientifique, toujours contre le mur, se retrouva avec Brizbi contre elle, une trace de sang perlant sur son crâne.
— Est-ce que ça va ?
Brizbi inclina la tête sur le côté, l'air confus.
— Tu viens de me sauver la vie, là ?
Houda maintenait toujours son emprise sur le bras de Brizbi, sans répondre. Elle se contenta de la regarder intensément.
— Bon, tu as raison. On aura le temps d'en parler plus tard. On se barre d'ici.
Leur balade s'était rapidement transformée en une lutte pour leur survie. Impossible de voir leurs poursuivants ; il serait bien trop risqué de tenter d'apercevoir qui les traquait. L'objectif principal était d'avancer.
Soudain, sans que Houda ne comprenne pourquoi, Brizbi se jeta violemment sur elle, les faisant rouler en bas d'une petite colline. Une fois au bas de la pente, la scientifique se retrouva sur Brizbi, qui lui fit signe de se taire encore une fois. Elles entendirent alors des pas précipités sur le sentier qui les surplombait. Elles ne les avaient pas vues s'écarter de leur trajectoire. Elles avaient échappé au danger... pour l'instant.
Dans un élan de soulagement, Houda se laissa complètement tomber sur Brizbi, s'allongeant sur elle. Son oreille reposa contre sa poitrine, et elle put entendre son cœur battre la chamade, un écho de l'adrénaline qui les traversait toutes deux.
Elles restèrent ainsi un moment, reprenant leur souffle dans le calme. Houda se surprit même à fermer les yeux, comme si elle n'avait rien à craindre. L'énergie de la course et le frisson de l'instant se mêlaient, créant une bulle de sérénité presque inappropriée. Finalement, elle se redressa, prenant appui sur ses mains, se retrouvant juste au-dessus de celle qu'elle considérait encore comme une menace quelques minutes auparavant.
— On fait quoi maintenant ?
Brizbi afficha un rictus plein de sous-entendus.
— Tu parles de quoi ? De survivre à nos poursuivants ? De trouver un moyen de s'échapper ? Ou...
Ne finissant pas sa phrase, elle glissa doucement ses mains froides sous le chemisier d’Houda, le soulevant légèrement au niveau de sa taille.
— Et alors quoi ? Tu me fais l'amour dans l'herbe puis tu m'emmènes à ta baronne de la drogue ? s'énerva Houda.
Ses mains continuèrent leur chemin, effleurant la peau d’Houda, tandis qu'elle se mordillait la lèvre avant de reprendre d'un air provocateur :
— Pourquoi pas...
La main de Brizbi s'installa doucement dans sa nuque, l'attirant délicatement vers elle. Houda ne lutta pas et leurs bouches étaient maintenant à un millimètre l'une de l'autre. Une attirance réciproque, inexplicable, vibrait entre elles. Houda stoppa cette folie en posant délicatement ses doigts sur les lèvres de Brizbi. Elle sentit un sourire provocateur se former sous sa main, et les papillons dans son ventre s'agitèrent, tourbillonnant d'excitation.
Elles se fixèrent intensément pendant plusieurs secondes. Finalement, Houda retira sa main sans jamais quitter Brizbi des yeux. Leur respiration devint fébrile, l'air chargé d'une tension qui n'avait rien à faire là. Brizbi glissa ses deux mains de part et d'autre de la nuque d’Houda, qui ferma les yeux en frissonnant sous ce contact, se laissant emporter par la chaleur de ce moment inattendu.
Houda n'arrivait plus à réfléchir. Elle était partagée entre l'envie de lui flanquer sa main dans la figure et celle de lui sauter dessus. Mais la réalité de l'instant était toute autre. Pour le moment, elles devaient vraiment se mettre en sécurité. Rien n'indiquait que leurs poursuivants n’étaient pas encore dans les parages.
ZOLDELLO - AILLEURS DANS LA FORÊT
— Elles sont où ? Elles n'ont pas pu disparaître comme ça ! rugit Fiora.
— Mais qui sont ces filles ? demanda Drike, son ton empreint d'inquiétude.
— Je n'en sais rien, mais elles viennent du palais, répondit Fiora, les sourcils froncés. Il faut que je trouve un moyen d'y entrer ! C'est devenu une véritable forteresse depuis que nous avons éliminé Gotbryde ! Il est grand temps de mettre un terme à cette maudite famille d’Ultya une bonne fois pour toutes !
Le vent fit frémir les feuilles dans la forêt de Zoldello, dans une symphonie inquiétante. Les bruits des pas précipités résonnèrent au loin, évoquant la traque de prédateurs à l'affût de leurs proies. Chaque craquement de branche fit naître chez Houda un frisson d'angoisse. Dans l'ombre dense de la forêt, le danger était omniprésent, et l'issue de cette chasse restait incertaine.
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