LA FLAMME DU SAVOIR *** II ***

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NABHI-BAIE

La journée s'était déroulée dans une succession de festivités et d'éclats de joie. Nourriture et boissons affluaient de toutes parts. Adhara était une terre de partage. Après la cérémonie, Binny expliqua à Kybop une de leurs traditions ancestrales, celle de « l’Ange inconnu ». Quand une famille traversait des difficultés, le soir venu, quiconque le souhaitait déposait devant leur porte de la nourriture ou toute autre offrande dont elle pourrait avoir besoin. Au matin, lorsqu’elle découvrait les présents sur le seuil, elle ne savait pas qui étaient ses bienfaiteurs, car la croyance exigeait de ne jamais révéler l’identité des donateurs. Ainsi, chacun devenait potentiellement l’ange inconnu. Cette coutume nourrissait bienveillance, altruisme et bonheur. Sur Adhara, il était essentiel de renforcer l’entraide et la solidarité.

J’aime cette planète... pensa Kybop.


QUELQUE PART DANS L’ESPACE

— Kapu, tu dis ? interrogea Brizbi.

— Oui, en tout cas, c’était sa dernière destination connue...

— Qu’est-ce qu’il y a là-bas ?

— Je ne sais pas. Un portail.

Brizbi hocha la tête, ne cherchant même pas à en savoir plus.

— C’est loin. On devra faire des escales, ce n'était pas comme si elles avaient dérobé le plus gros vaisseau...

— Alors, on s’arrêtera ici.

Houda pointa une planète du doigt.

— C’est quoi ce caillou ?

— Hasture.

— La planète des cerveaux ?

— Ma planète, oui.

Brizbi haussa les sourcils, étonnée.

— Je ne m’en serais jamais doutée, plaisanta-t-elle.

— Merci...

Houda s’enfonça dans son siège en soupirant.

— On va rendre visite à mes parents, grogna-t-elle sans cacher son manque d'enthousiasme.

— Déjà ? Je ne pensais pas que tu étais prête à me présenter à ta famille.

Houda secoua la tête. Elle trouva la remarque amusante, mais préféra couper court aux espoirs de Brizbi.

— Que ce soit bien clair entre nous : on n’est pas un couple.

— Ok.

— Je ne suis pas ta petite amie, précisa Houda.

— Ok.

Houda sondait Brizbi, qui ne semblait pas du tout affectée par ses paroles.

— On est ici pour rejoindre l’équipage et les aider dans la mesure du possible. Si, bien sûr, je peux me rendre utile...

— Ok.

La situation était encore confuse pour Houda, qui elle-même ne comprenait pas ce qu'elle ressentait pour Brizbi. C'était la première fois qu'une femme lui faisait cet effet-là, mais elle s'en méfiait autant qu'elle s’en souciait. Elle se laissait entraîner par sa nouvelle acolyte dans ce voyage vers son passé. Retrouver ses parents ne la réjouissait pas, mais l’escale était nécessaire.


NABHI - MAISON D'HIRSULE

— Maintenant que l'Azurin est allumé, l'Oracle pourra communiquer directement avec nous depuis le Temple Sacré.

— Oui, les choses vont enfin pouvoir redevenir comme avant, répondit Tamy avec soulagement.

— Le peuple Adhara redeviendra le sauveur des peuples, souligna Hirsule.

— Oui. Je n'en reviens toujours pas... ajouta Binny en secouant la tête.

Binny était déchirée. Elle n’avait pas envie de briser la joie qui envahissait de nouveau les personnes qu’elle aimait. Leur dire qu’elle devait repartir, qu’elle avait décidé de poursuivre la mission Miren jusqu’au bout, était difficile. Katany, à ses côtés, lui tenait le bras comme si elle risquait de disparaître à tout moment. Mais elle n’avait pas le choix ; elle devait leur annoncer son départ, consciente qu’il n’y avait pas de bonne manière de le faire.

— Je dois vous dire quelque chose. Vous êtes tous ici, et j’en suis si heureuse. Vous retrouver a été son plus grand bonheur. Mais...

Ils la regardèrent tous, une certaine appréhension dans les yeux. Ce "mais" avait un goût amer de déjà-vu. Kat resserra la main autour du bras de sa sœur.

— Je dois repartir.

— Quoi ? s’exclama Tamy.

— Mais qu’est-ce que tu racontes ? s’énerva Katany en fronçant les sourcils.

— J’ai une mission à terminer avec mes amis.

— Jamais ! Tu as déjà accompli l’impossible ! On vient à peine de te retrouver ! grogna sa sœur.

— Kat a raison. Tu ne peux pas ! ajouta Dozik, la main sur le cœur.

— Vous ne comprenez pas… Ce n’est pas une mission ordinaire. Il s’agit de l’univers tout entier, argumenta Binny.

Elle commença à leur expliquer ce qu’ils n’auraient jamais imaginé entendre. Mais à mesure que son récit avançait, les visages se fermaient, et l’inquiétude se lisait dans leurs yeux. Les Adhara avaient toujours été sensibles au sort de l’Univers ; la vie, la survie.

— Si tu pars, je pars ! affirma Katany en tapant du pied.

— Moi aussi ! ajouta son frère en s’avançant d’un pas.

Tamy les arrêta immédiatement.

— Non, calmez-vous. Personne n’ira nulle part ! répliqua leur mère, tentant d’apaiser les tensions.

— Elle a raison, les Adhara ne peuvent pas s’éclipser comme ça, souligna Hirsule. Nous avons chacun notre rôle ici. Tu as pu partir en tant que porteuse de lanterne, mais tu ne peux pas partir sans but.

— J’ai un but ! interrompit Binny.

— Toi peut-être, mais pas ton frère et ta sœur.

— Si le sort de l’univers est en péril, alors nous sommes tous concernés, souligna Katany.

— Katany a raison. C’est notre affaire à tous. Qui veut partir le pourrait, appuya Dozik.

— Calmez-vous, mes enfants !

Le cœur de Tamy se serra, elle ne voulait pas voir l'un de ses enfants repartir d'Adhara.

— Quelles sont vos chances, exactement, ma chérie ? demanda-t-elle, inquiète, en prenant délicatement les mains de sa fille dans les siennes.

— Je ne sais pas. Je n’ai aucune certitude. Je sais juste que nous nous rendons sur une planète appelée Kapu.

Hirsule, figé de surprise, ne put s'empêcher d'intervenir.

— Kapu ? Mais pourquoi ?

— Il y aurait quelque chose là-bas... Un portail, précisa Binny en scrutant le visage de Hirsule. Pourquoi cette surprise ?

— Une vieille prédiction me revient en mémoire, murmura Hirsule, visiblement troublé. Elle est rédigée dans un ancien dialecte, et la traduction a toujours été ambiguë. Mais elle évoquait Kapu, cette planète précisément.

— Que dit-elle ? demanda la mère, ses yeux brillants d’intérêt.

— "Három rózsaszín fej fogja Adhara nevét vésni Kapu-ra." Cela signifierait, en langue ancienne : « Trois têtes roses graveront sur Kapu le nom d’Adhara. »

Tamy laissa échapper un long soupir. Les prophéties, pour les Adhara, étaient sacrées, suivies comme des lois ancestrales. Et à présent, elle comprenait que ce destin pourrait la forcer à laisser partir ses trois enfants.

— Ma famille… N’a-t-elle pas déjà assez donné ? murmura-t-elle, la voix étranglée.

Hirsule posa une main ferme sur son bras, en signe de soutien.

— Tu pourrais les suivre, Tamy.

Le visage de ses enfants s’illumina de surprise, une attente suspendue à ses lèvres.

— Les suivre ? répéta-t-elle, encore ébranlée par la suggestion.

— Oui, dit doucement Hirsule. Comme l’as dit très justement Katany, l’univers est l’affaire de tous.

Soudainement consciente de cette nouvelle voie qui s’ouvrait à elle, Tamy redressa les épaules, une flamme de détermination dans le regard.

— Alors, oui, je les suivrai !

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