HASTURE *** II ***

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JOVO - MAISON DES MONTY

Le chauffeur venait de déposer les deux jeunes femmes devant la demeure des Monty. En voyant l'immense manoir, Brizbi ne put retenir son étonnement.

— Cette baraque est immense... C'est moi ou tu n'es pas n'importe qui ?

Houda arbora un air renfrogné.

— Je ne suis personne.

Sans dire un mot de plus, elle s'avança d'un pas décidé jusqu'au seuil. Brizbi la rejoignit et se plaça à ses côtés. Avant qu'elle n'ait le temps de sonner, le majordome ouvrit la porte et l'accueillit avec un large sourire.

— Vos parents sont dans le salon principal, annonça-t-il.

Elle saisit Brizbi par le bras pour se donner du courage et s'enfonça dans la maison, suivant la direction indiquée par le domestique. À mesure qu'elle explorait les lieux, Brizbi peinait à cacher sa surprise et sa fascination. Une fois dans le grand salon, une femme élégante, arborant la même chevelure bronze qu'Houda, se retourna et lui adressa un immense sourire.

— Houda !

La femme, d'une élégance raffinée, se jeta sur Houda pour la serrer dans ses bras.

— Bonjour, maman, lâcha-t-elle avec un sourire coupable.

Une fois l'étreinte terminée, elle posa son regard, bien différent, sur son père.

— Papa.

Il lui sourit, mais sans effusion. Stoïque, il la salua discrètement.

— Houda.

C'était un homme à la carrure impressionnante, vêtu d'un uniforme militaire qui dégageait une certaine inflexibilité.

— Qui est la jeune femme qui t'accompagne ? demanda-t-il avec suspicion.

Visiblement, Houda n'avait pas prévu les questions que son père allait poser. Croire qu'il se contenterait d'un simple bonjour était une grave erreur. Un peu paniquée, elle ouvrit la bouche, mais aucune parole ne sortit. C'est alors que Brizbi prit la parole.

— Brizbi Varane, Monsieur Monty. Hackeuse informatique.

— Et vous travaillez pour qui ? gronda-t-il, sans attendre de réponse.

— Pour le plaisir, Monsieur, répondit-elle avec un sourire malicieux.

Il laissa échapper un rire inattendu, ce qui dissipa immédiatement l'atmosphère pesante qui régnait dans la pièce. Profitant de cette accalmie, la mère d'Houda se tourna vers son amie pour se présenter.

— Bonjour, Brizbi Varane. Nous sommes les parents d'Houda. Je suis Félira Monty, et voici mon mari, Diago, déclara-t-elle en désignant son époux d'un geste de la main. Venez, allons boire quelque chose ; vous nous raconterez ce que vous faites ici.

Félira attrapa le bras de sa fille avec entrain. Alors qu'Houda avançait au bras de sa mère, elle traversa les pièces comme si elle effectuait un voyage dans le temps. Elle se sentait comme une étrangère, un spectre errant dans une maison qu'elle avait autrefois appelée chez elle. Ce lieu ne la réconfortait en rien. Elle ressassait son enfance, empreinte d'un éternel regret, marquée par des parents aux exigences insurmontables. Ces attentes l'avaient poussée à partir, loin de cette toxicité familiale. Les standards des Hasturiens étaient si élevés qu'une famille comme la sienne aurait probablement souhaité un enfant plus intelligent, plus ambitieux.

Bien que la chaleur des retrouvailles avec sa mère lui réchauffât le cœur, Houda ne pouvait s'empêcher de ressentir un tiraillement. Les étreintes de Félira, loin de la réconforter, lui pesaient comme un fardeau supplémentaire, rendant difficile pour elle de savourer ces instants d'affection.

Non loin de la salle à manger, Diago invita Brizbi à les rejoindre à table. Les politesses s'enchaînèrent, et alors que le vin commençait à couler, une ambiance festive s'installa progressivement. L'arôme du vin rouge flottait dans l'air, mêlé aux effluves d'un plat mijoté qui s'échappaient de la cuisine. Brizbi ne tarit pas d'éloges sur le vin qu'ils venaient de lui servir, et Houda, impressionnée, observa l'incroyable capacitée d'adaptation de son acolyte. Ses parents, d'ordinaire très austères, se métamorphosaient en doux agneaux bavards à son contact.

Pour quelqu'un qui semblait dépourvu d'empathie, Brizbi savait s'y prendre. Avec une aisance désarmante, elle faisait des courbettes, détournant l'attention ou changeant de sujet sans difficulté, apportant une légèreté inattendue dans cette pièce chargée d'histoires familiales.

— Alors, expliquez-nous : qu'est-ce qu'une hackeuse informatique fait en compagnie de ma fille ? s'interrogea la mère d'Houda.

— Et d'ailleurs, qu'est-ce que notre fille fait ici ? ajouta Diago sur un ton réprobateur.

Brizbi remarqua qu'ils s'adressaient à elle comme si Houda n'était pas là.

— Eh bien, nous devons nous rendre quelque part. Et il se trouve qu'Hasture était sur notre chemin, rétorqua-t-elle en se servant un verre.

— Très bien. Mais où et pourquoi ?

Les questions de Diago se firent plus précises.

— À Kapu. Une mission scientifique, pour le compte de l'ASIPY.

Il la scruta en buvant une gorgée de vin.

— Vous n'êtes pas une scientifique, Mlle Varane.

— Insinuez-vous que l'informatique ne soit pas une science ? s'amusa-t-elle en haussant un sourcil.

Il se contenta de lui sourire. Brizbi se montrait quelque peu insolente, mais cela ne sembla pas le déranger. Il savait que ses questions étaient incisives, presque accusatrices. Le ton qu'elle employait pour lui répondre lui paraissait peut-être légitime.

— Bien. En tout cas, nous sommes chanceux de pouvoir profiter de la présence incroyable de notre fille, qui semblait avoir oublié l'existence de ses pauvres parents, reprocha-t-il en levant son verre vers elle.

Houda encaissa le sous-entendu, baissant les yeux.

— Vous avez raison, M. Monty, vous avez bien de la chance, affirma Brizbi en le fixant.

La petite pique de la jeune femme rendit Félira nerveuse, et elle s'empressa de changer de conversation pour aborder un sujet plus léger. Le repas se terminant, elle décida d’en savoir plus sur leur venue.

— Bon ! Allons vous installer, enfin, si vous comptez rester un peu parmi nous, bien sûr ?

— Oui, peut-être un jour ou deux, informa Houda, complètement détachée.

— Alors, suivez-moi !


MAISON DES MONTY - CHAMBRE D'HOUDA

Après avoir été installées par la mère d’Houda, sa fille se laissa tomber sur le lit. Assise sur le coin, elle devint silencieuse.

— Tu ne devrais pas tenir tête à mon père, conseilla Houda.

— Je fais ce que je veux, ma belle, défia Brizbi.

Elle s’appuya sur le rebord de la fenêtre, admirant les jardins.

— Bon, ok, je laisse ton vieux papa tranquille. Mais il va falloir que tu m’expliques. Qui sont vraiment tes parents ? demanda-t-elle, curieuse.

— Les Guidants de la planète d’Hasture et quelques éminents scientifiques, répondit-elle, exaspérée.

Brizbi se tourna pour rejoindre Houda sur le lit.

— Et tu comptais me le dire quand ?

— Pour quoi faire ? Qu'est-ce que ça change, de toute façon ? On n’est pas ici pour faire un repas de famille, juste en escale, rétorqua Houda, indifférente.

— Alors, qu’est-ce qu’on fait dans cette maison ? Si tu n’avais pas l’intention de voir papa et maman, on aurait pu rester dans ton appartement, fit-elle remarquer.

Une larme roula sur la joue d’Houda.

— Je... Je ne sais pas... avoua-t-elle, sanglotant.

— Quoi ? Tu espères la reconnaissance de papa Monty ? Écoute, ma belle... La reconnaissance, c’est un poids, expliqua-t-elle sur un ton sarcastique.

— Dit celle qui a besoin de quelqu’un pour exister... rétorqua Houda avec colère.

Brizbi feignit d’être touchée, se tenant la poitrine.

— Wouah... Une balle perdue pour moi ! lança-t-elle de manière dramatique. Mais crois-le ou non, ce n’est pas la reconnaissance que je cherche. J’ai juste besoin de repères. Quand je suis seule, je me perds. Mais on ne parle pas de moi, corrigea-t-elle.

— Je ne t’ai pas demandé de donner ton avis, murmura Houda.

Brizbi marqua une pause, cherchant à apaiser l’atmosphère avant de prendre une profonde inspiration.

— Écoute, je vois bien que tu es en colère. Alors, je vais essayer d’y mettre les formes, expliqua-t-elle. Ton père, c’est un gros militaire idiot. Ça se voit à des années-lumière qu’il souffre d’un manque de reconnaissance. Je parie que tes grands-parents étaient stricts et froids. S’il reproduit ce schéma, ce n’est pas par hasard.

Elle se rapprocha, insistante.

— Tu te fourres le doigt dans l’œil si tu penses qu’il va te prendre par la main pour te dire que ce que tu fais, c’est bien. Ça lui écorcherait la gorge, crois-moi. Attendre la reconnaissance d’un type comme ton père, c’est comme entrer dans une cellule et jeter les clés par la fenêtre. La reconnaissance, c’est la monnaie des pauvres. Tu n’as pas besoin de lui, assura-t-elle en posant sa main sur la cuisse d’Houda.

La jolie rousse serra les dents, ses poings crispés sur ses cuisses pour contenir ses larmes.

— C’est juste que... J’aimerais qu’il me voie, pleura-t-elle.

— Il te voit, mais il est incapable d’apprécier qui tu es. Parce qu’il ne s’apprécie pas lui-même. C’est aussi évident que le nez au milieu de la figure. Il place toujours la barre trop haute. C’est pour ça qu’il a des épaules si larges, expliqua-t-elle avec humour.

Houda fronça les sourcils, ne comprenant pas l’allusion.

— Il faut être solide pour porter le poids de la déception, lança-t-elle en lui donnant un coup d’épaule complice.

— T’es vraiment con... admit-elle dans un sourire.

— Tu sais quoi ? On va profiter de cet endroit qui sent le fric. On va boire, manger, puis se casser comme deux gros matous ingrats, proposa-t-elle en passant son bras autour de son cou.

— Ok, faisons ça... acquiesça-t-elle en déposant sa tête sur son épaule.


JOVO - DANS UN BAR

Fiora et Drike venaient d’entrer dans un bar animé de la gigapole Hasturienne. Les lumières tamisées et le brouhaha des conversations camouflaient parfaitement leur discussion.

— Pourquoi est-ce que Bogz ne répond à aucun de nos appels ? Il est censé s'occuper de Saranthia ! s’emporta-t-elle.

Elle ne décolérait pas. Son regard scrutait la salle, comme si elle cherchait quelque chose ou quelqu’un sur qui passer ses nerfs.

— Je ne m’en sors pas avec cet idiot. Pourquoi est-ce que ton frère est un abruti ? demanda-t-elle, agacée.

Drike, stoïque, ne réagit pas immédiatement. Sa mâchoire se crispa, et une ombre de colère traversa son visage. Son frère était loin d’être une lumière, mais il s’inquiétait pour lui.

— Ce n’est pas normal, déclara-t-il en portant son verre à ses lèvres.

— Je vais envoyer d’autres hommes sur Zoldello, assura Fiora.

Tout en poursuivant leur discussion, Drike fit signe au barman de lui apporter un autre verre.

— En attendant, gardons ces deux idiotes à l’œil, précisa Fiora.

— Je me suis renseigné sur cette fille. Figurez-vous que ce n’est pas n’importe qui.

— C’est qui alors ? s’enquit-elle, intriguée.

— C’est la fille des Guidants d’Hasture.

— Mais qu’est-ce qu’elle faisait avec la princesse et sa bande de guignols ? s’étonna Fiora.

— Aucune idée. Mais comme vous dites, elle était dans le vaisseau, et elle semble vouloir se rendre quelque part, répondit Drike.

— Qui est l’autre fille qui la suit partout ? interrogea Fiora.

— Aucune idée...

— Alors renseigne-toi sur elle aussi. Je veux des réponses, ordonna-t-elle.

Il hocha la tête en levant son verre, comme pour sceller un pacte.

— Tout ça prend une tournure que je n’aime pas du tout... marmonna-t-elle, préoccupée. La fille des diplomates va devenir notre cible numéro un. On la chope, et on lui soutire toutes les informations possibles.

— Et l’autre ? demanda Drike.

— On l’élimine. Je ne pense pas qu’elle nous soit utile, répondit-elle. Mais méfions-nous. Elle n’a pas l’air inoffensive, prévint-elle.

— On agit quand ?

— Quand je n’aurai plus soif. Je dois passer mes nerfs avant d’agir, annonça-t-elle. Ensuite, on dort. Et on avisera demain. J’ai quelques appels à passer sur Goltons II...

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