JOVO *** I ***
JOVO - MAISON DES MONTY
Brizbi et Houda étaient installées dans l'ancienne chambre de la scientifique, prêtes à passer la nuit. Brizbi venait de prendre une douche bien chaude et sortait de la salle de bain attenante, vêtue uniquement de sous-vêtements, sans accorder la moindre attention à Houda. Houda fit mine de détourner les yeux, mais ne put s'empêcher de l'observer discrètement. La tenue de Brizbi était simple mais terriblement suggestive : une chemise blanche, s’arrêtait juste au bas de ses fesses, à demi ouverte, dévoilant le haut de sa poitrine, tandis que ses longues jambes tatouées étaient entièrement visibles. Houda lutta pour ne pas la fixer, laissant son imagination imaginer ce qui se cachait sous ces maigres bouts de tissu. Assise au bord de son lit, les mains crispées sur ses cuisses, elle ressemblait à une enfant attendant des instructions, tout en luttant intérieurement contre les désirs charnels auxquels elle se refusait.
Brizbi, consciente de l'effet qu'elle produisait, s'approcha et se posta devant elle, les bras croisés, rehaussant sa poitrine de manière presque provocante.
— On peut savoir pourquoi tu ne bouges plus ? Qu'est-ce qu'il se passe ? demanda-t-elle avec un sourire enjôleur.
Houda tenta de reprendre contenance, refusant de la laisser s'immiscer davantage dans ses pensées.
— Je réfléchis, répondit-elle, faussement détachée, le regard fuyant.
Brizbi haussa un sourcil, peu convaincue. Elle se pencha, appuyant ses mains sur les cuisses d'Houda, réduisant encore la distance entre elles. Houda ne put s'empêcher de remarquer la peau couleur caramel de Brizbi, à peine recouverte par sa chemise.
— Il y a un souci, princesse ? glissa-t-elle avec malice.
— Je ne suis pas une princesse, Brizbi... et oui, tout va bien, souffla-t-elle, visiblement agacée.
— Si tu le dis... murmura Brizbi.
Sans prévenir, elle se pencha davantage et déposa un baiser sur la commissure des lèvres de Houda, un contact qui dura trois longues secondes. Trois secondes pendant lesquelles elle lutta intérieurement pour ne pas céder à l'envie irrésistible de l'attirer à elle pour la dévorer. Lorsque Brizbi se redressa, son sourire était plus satisfait que jamais.
— Bonne nuit, ma belle.
Elle lui adressa un dernier sourire plein de sous-entendus avant de se diriger vers le canapé où elle s'installa pour la nuit.
Une fois que l'objet de tous ses désirs fut caché sous sa couette, à l'abri de son regard, Houda s'allongea enfin dans son lit. La frustration qui la rongeait s’échappa dans un long soupir de soulagement. Qui aurait cru que leur rencontre prendrait une telle tournure ? D’abord otage d’une jeune femme instable et menaçante, elle était désormais sa complice dans une aventure où Brizbi se révélait être un soutien sans faille. Houda s’interrogea, troublée, et s’en voulut de ressentir quelque chose pour cette fille. Repensant à ses cours magistraux pendant ses études sur Hasture, elle revit son professeur de psychologie parler du syndrome de Stockholm. Elle secoua la tête pour chasser l'idée d'être sous l’emprise de quelqu'un.
Après s’être recentrée sur Brizbi, qui s’était confortablement installée sur le canapé, sa réflexion prit une autre direction. Après tout, n’était-ce pas elle qui la suivait partout, désormais ? Est-ce que le geôlier lui-même pouvait tomber sous l’emprise de son otage ? Elle esquissa un sourire en pensant à ce nouveau syndrome, tout droit sorti de son esprit malsain. Elle jeta un dernier coup d'œil discret par-dessus sa couverture, son esprit en ébullition. Par moments, elle imaginait encore Brizbi surgir pour lui trancher la gorge. Son instabilité d’autrefois planait toujours dans un coin de son esprit, c'était une femme qui restait imprévisible. Houda finit par la chercher des yeux. Seuls ses cheveux blonds étaient visibles, étalés gracieusement sur le coussin, tombant en cascade dorée le long du canapé. L’envie de la rejoindre devint irrésistible.
Comme si elle avait senti ce regard posé sur elle, Brizbi se tourna dans sa direction. Leurs yeux se croisèrent dans l'obscurité feutrée de la chambre. D’une voix étrangement douce, elle murmura :
— Viens avec moi, princesse. Il n’y a pas assez de place pour deux sur ce petit canapé…
Houda esquissa un sourire amusé.
— Il n’y a aucune logique là-dedans, Brizbi… S’il n’y a pas de place pour deux, tu ferais mieux de venir dans le lit, non ? répondit-elle en souriant.
— Mais si j’ai trop de place, je n’aurai plus d’excuse pour me coller à toi… rétorqua Brizbi avec une sensualité désarmante.
Sans réfléchir, comme si ces mots étaient le signal qu’elle attendait, Houda se leva et laissa tomber ses vêtements sur le sol à mesure qu'elle se rapprochait d'elle. De son côté, Brizbi avait déjà tout retiré, comme un traquenard savamment orchestré de longue date. Arrivée devant le canapé, totalement nue, Houda lança avec un brin d’humour :
— Puis-je ? demanda-t-elle en mimant une révérence.
— Avec plaisir, Votre Altesse, répondit Brizbi en soulevant la couette.
Houda se glissa contre le corps chaud de sa complice de la nuit, et leurs poitrines se rencontrèrent dans une étreinte brûlante. Brizbi en profita pour la ramener au plus près de son visage.
— Tu sais que la nuit risque d’être courte…
Alors qu’Houda s’apprêtait à répondre, Brizbi profita de ses lèvres entrouvertes pour y glisser sa langue, l'attirant vers elle avec passion. Un frisson parcourut Houda, de la nuque jusqu’au creux de ses reins, s’épanouissant en une vague brûlante. Sur cet espace délicieusement restreint, leur jeu langoureux devint un véritable combat au corps-à-corps. Brizbi explora chaque centimètre de la peau d’Houda du bout des doigts, tandis que celle-ci la redécouvrait du bout des lèvres. Les deux femmes perdirent toute notion du temps, abandonnées aux plaisirs d’un instant suspendu que seules les premières lueurs du jour viendraient interrompre.
PIROS - EN APPROCHE D'HASTURE
La famille Ristoc avait passé tout son temps collé aux vitres du vaisseau depuis leur départ d'Adhara. Ils n’avaient jamais eu l’habitude de voyager aussi loin. Les têtes roses étaient naturellement curieuses et enjouées ; leur présence mettait un peu de vie dans cette carcasse métallique. Fyguie roucoulait à longueur de journée aux côtés de Sylice. Ils étaient devenus littéralement inséparables, à tel point qu’ils ne semblaient plus se soucier de rien d’autre que d’eux-mêmes, bien à l'abri dans leur petit monde. Leur bulle d'amour paraissait imperturbable.
Kylburt, fidèle à lui-même, passait le plus clair de son temps dans la salle d’entraînement, à martyriser son sac de frappe. Ça lui permettait de conserver un calme olympien, et c’était tant mieux : personne ne voulait d’une armoire à glace sur les nerfs dans cette boîte de métal perdue dans l’espace.
Zorth s’était fait discret depuis la dernière réunion à bord. Quelque chose le tracassait. Lui qui n’avait pas pour habitude de rester seul s’était pourtant reclus dans ses quartiers tout au long du voyage. Même ses échanges avec le reste de l’équipage étaient devenus succincts. Aucune envolée lyrique, pas d’index qui se dressait pour appuyer ses propos ; il semblait quelque peu éteint. Milo et Lofy Birland avaient tenu le bar durant ce dernier trajet, avant leur départ imminent pour Zoldello. La commissaire n’était pas dupe ; elle savait très bien que son acolyte avait un faible pour la Reine Saranthia. Après dix ans à travailler ensemble, elle le connaissait presque par cœur. Mais dès que Milo se laissait guider par ses émotions, il perdait tout bon sens, et c’était justement pour cette raison qu’elle avait décidé de le suivre. Elle ne voulait pas qu’il se retrouve dans une situation délicate parce que cet idiot avait choisi de suivre son cœur plutôt que sa tête. Derrière sa froideur apparente, elle veillait discrètement sur lui et tenait beaucoup à son binôme.
Dogast passait le plus clair de son temps dans son cockpit, malgré un pilote automatique parfaitement fonctionnel. Kybop n’était même pas certaine qu’il ait une véritable cabine dans le Piros. Il fumait des cigarillos à la vanille tout en scrutant l’espace infini. Difficile d'imaginer à quoi il pensait dans son petit boudoir.
Quant à Slikof, cette tête de mule, il avait finalement eu le courage de leur avouer, après un coup dans le nez, qu’il avait un faible pour Binny. Kylburt, tellement fier de cette confidence, lui avait donné une tape dans le dos qui l’avait fait tomber de sa chaise, déclenchant un fou rire mémorable.
Alors que Kybop refaisait le film de leurs derniers instants à bord du Piros, une main douce s’était posée sur son épaule.
— Hey. Qu’est-ce que tu fais, le regard dans le vide ?
Lilas venait d’entrer dans la cabine sans qu'elle ne s’en rende compte. Lorsque Kybop l’avait découverte, ses yeux s’étaient écarquillés devant la beauté de sa tenue.
— Wow... avait-elle lâché simplement.
Son onomatopée, d’une éloquence rare, avait fait sourire Lilas.
— Tu es ravissante, princesse, avait-elle dit d'une voix douce, presque gênée.
Lilas glissa ses mains derrière sa nuque, son regard plein de séduction, perçant le sien.
— Ravissante, hein ?
Les mains de Kybop entourèrent sa taille et elles se balancèrent doucement de droite à gauche.
— Ravissante comment ? questionna-t-elle, un sourire malicieux aux lèvres.
Kybop leva les yeux au plafond, feignant de chercher une réponse satisfaisante, l'air taquin.
— Attention à ce que tu vas dire... sourit la princesse, son regard faussement menaçant.
— Ravissante comme un bonbon, répondit Kybop.
— Un bonbon à quoi ?
Kybop partit semer des baisers sur son cou, s'amusant à la taquiner.
— Un bonbon acidulé.
— Ceux qui nous font faire la grimace ?
— Exactement... Ces plaisirs coupables qui nous laissent toujours en redemander. Encore, murmura Kybop à son oreille, en mordillant doucement son lobe. Et encore...
Lilas frémit puis la repoussa légèrement tout en riant, ses joues s'empourprant.
— Pas maintenant... on doit se préparer. Nous arrivons sur Hasture.
— Que je me prépare ? s'étonna Kybop.
— Oui. Hasture est l'une des plus grandes capitales de l'Élégance. Zorth adore venir ici...
Kybop fronçait les sourcils, devinant où elle voulait en venir. Elle n’était pas du genre à se mettre sur son trente et un ; elle préférait des vêtements qui laissaient libre cours à ses mouvements. Elle doutait de trouver quelque chose de convenable dans sa garde-robe, et, pour être honnête, l'idée de fournir un effort vestimentaire lui semblait si futile.
— Et donc ? Tu veux que je me déguise ?
— Non. Que tu assumes la facette sexy qui sommeille en toi, susurra-t-elle en pinçant sa lèvre supérieure entre ses dents, tel un petit animal.
Elle la libéra sans la quitter du regard pour s’assurer de l'effet qu'elle lui faisait.
— Si tu continues, on n'enfilera rien du tout. Au contraire.
Kybop essaya de la rattraper par la taille, mais elle s’échappa en direction du couloir. Lilas lui fit signe de patienter sagement, l’index levé dans sa direction. Elle sortit de la cabine, la laissant seule un instant.
— Je ne suis pas si cruelle. Je te laisse le choix, expliqua-t-elle avant de disparaître complètement.
— Oh, mais vous êtes trop bonne, Votre Altesse ! ironisa Kybop en courbant l'échine.
Une minute plus tard, Lilas revint enfin, montrant deux tenues qu'elle avait soigneusement préparées.
Le premier choix n'était pas une évidence pour Kybop : une robe noire, près du corps, ornée de manches longues délicates et d’épaulettes en dentelle raffinée. Chaque détail était soigneusement travaillé, témoignant d’un savoir-faire exceptionnel, mais les robes… Ce n’était pas vraiment son style. De plus, elle ne pouvait s’empêcher de penser que la situation pourrait dégénérer à tout moment, et ces vêtements seraient un véritable handicap pour sa liberté de mouvement.
L’autre option, en revanche, lui paraissait bien plus adaptée. En s’approchant du lit, elle découvrait une tenue en cuir souple, d’une épaisseur rassurante. Elle épousait les courbes de son corps sans être contraignante, ressemblant à un tailleur à la fois élégant et audacieux. La veste, courte et structurée, arborait un col relevé qui soulignait ses épaules, ajoutant une touche de caractère à l’ensemble. Le pantalon, quant à lui, était ajusté aux chevilles, sans excès de tissu ni volants. Cette combinaison semblait parfaite pour être élégante tout en se sentant à l'aise si la situation venait à devenir plus compliquée.
Une fois la tenue enfilée, Kybop était plus que satisfaite de son choix. Elle se sentait pleinement en possession de ses moyens. Le reflet dans la glace confirmait qu’elle avait pris la bonne décision. Les robes entravaient trop les mouvements, tandis que celle-ci lui permettrait d'affronter n'importe quel imprévu. Bien que Lilas n’approuvât pas son choix, Kybop percevait qu’elle l’appréciait tout de même. Elle la dévorait des yeux, visiblement fascinée. Kybop écartait les bras pour qu’elle puisse admirer son allure.
— Alors ?
— Eh bien… La robe était parfaite, mais je dois avouer que ces habits te donnent un air...
Lilas pencha la tête sur le côté, cherchant le bon adjectif qualificatif.
— Charismatique, sauvage et autoritaire.
— Vraiment ? ria Kybop. Tu vois tout ça à travers ces bouts de tissu ?
Elle s’approcha de Lilas, sans pour autant la toucher, savourant le moment.
— Mais il y a bien d'autres choses que j’aimerais voir à travers...
Lilas glissa ses doigts sous la lanière en cuir qui se trouvait sous sa poitrine pour la ramener avec force contre elle. Une fois face à face, Kybop s’amusa avec une proposition pleine de promesses.
— Si tu es une gentille princesse aujourd’hui, je te montrerai à quel point je peux être charismatique, sauvage et autoritaire... chuchota-t-elle en souriant.
— Je vais voir ce que je peux faire... répondit Lilas en se mordant les lèvres.
La porte de la cabine de Kybop s’ouvrit, interrompant leur petit jeu de séduction. C'était Zorth.
— Il est temps. Nous allons débarquer au beau milieu de la nuit, informa-t-il, tout heureux.
— Pourquoi maintenant ? demanda Kybop, curieuse de connaître ses intentions.
— Nous allons rencontrer les Guidants de la Planète pour leur expliquer notre visite de courtoisie. Je me suis dit que la princesse serait l'interlocutrice parfaite pour cette entrevue.
— Mais je n'ai rien à leur dire, s'inquiéta Lilas.
— Ils devaient penser qu’ils étaient là pour une simple visite, expliqua Zorth pour la rassurer. Profitons-en pour créer une nouvelle amitié diplomatique. Si quelqu’un apprenait qu’ils étaient ici, cela pourrait paraître suspect. Nombre de malandrins attendaient l’occasion rêvée pour leur nuire. Un atterrissage de nuit était bien plus discret. Nulle n’était moins attentive qu’une âme assoupie, déclara-t-il en redressant l’index. Présentons-nous, profitons de l’accueil, et repartons dès l’aube, une fois ravitaillés. Ils ne descendraient que tous les trois. Le reste de l’équipage réceptionnerait ce que les Guidants voudraient bien leur fournir directement depuis les soutes.
Soudain, un vieux souvenir remonta à l’esprit de Kybop. Houda lui avait fait quelques confidences autour d’un verre de trop. Elle lui avait dit que les Guidants d’Hasture étaient ses parents.
— Zorth... Il y a un élément dont je dois vous parler avant de débarquer. Houda, Houda Monty. C’est la fille des Guidants que nous nous apprêtons à rencontrer.
Le gudjanien se figea, comme s’il n’avait pas compris.
— Pardon ? demanda-t-il, l’air incrédule.
— Oui, la jeune femme qu’ils avaient abandonnée à son propre sort sur Zoldello était leur fille... rétorqua Kybop, la voix pleine de reproches.
Lilas grimaça. Visiblement, personne ne le savait, et Kybop n’avait pas pensé une seconde qu’ils s’apprêtaient à rencontrer ses parents. C’est lorsque Zorth parla des Guidants que son cerveau fit des connexions.
— Cela nous met dans une situation compliquée... avoua la princesse, le visage déconfit.
Zorth leva son index, prêt à contre-argumenter.
— Ils ne savent rien de nos pérégrinations à travers l’espace !
— Mais nous n’allons pas leur mentir, Zorth ! s’insurgea Kybop, le front plissé.
— L’omission, Mlle Flokart ! L’om-iss-ion ! articula-t-il grossièrement. Cela se révélait être un doux ami pour ne pas se créer d’ennemis. Ils ne leur mentiraient pas. Mais s’ils n’abordaient pas le sujet, n’en parlaient pas, termina-t-il en se frottant les mains.
— Cela lui semblait un peu hypocrite de leur part. Profiter de leur amabilité tout en sachant qu’ils avaient laissé leur fille aux mains de personnes malveillantes...
Sans relever ses propos, Zorth se rapprocha de Lilas pour scruter Kybop, avant de changer totalement de sujet, comme si la discussion était close.
— Cette tenue vous confère un certain charisme, Mlle Flokart. C’est indéniable.
Un peu décontenancée par son compliment et le changement de cap de la conversation, Kybop se contenta de lui dire merci.
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