GOLTON II *** II ***

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GOLTON II - DANS UN COIN DE LA FORÊT

Au même moment, surpris par un brouhaha qui ne semblait pas si loin, Tiger et Lozy se dissimulèrent dans un buisson sans feuille. Mort, comme tout ce qui les entourait. Mais les branches qui s'entremêlaient leur offraient un abri assez opaque pour ne pas être vues.

— C'est qui, ceux-là ? s'interrogea Tiger en tendant l'oreille.

Ils observèrent Fyguie, Katany et Dozik passer, complètement stupéfaits.

— Ils sont bruyants... murmura Tiger, un sourire malsain aux lèvres.

— Quelle bande d'idiots... s'amusa Lozy.

— C'est des Adhara, ces deux-là.

— Oui... Étrange... Je n'en avais jamais vu.

— Faut dire qu'ils ne quittent pas trop leur planète, d'habitude...

Dans un mouvement instinctif, Lozy saisit son poignard et commença à se lever pour lancer l'assaut.

— Hop, hop, hop, la stoppa Tiger en attrapant délicatement sa comparse par le poignet. Tout doux, ma belle. Tu ne vois pas ce qui se passe ?

Contrariée, mais attentive, elle hocha la tête négativement.

— C'est exactement ce dont je te parlais. Ils sont là pour quelque chose. Cela a forcément un rapport avec Fiora et ses manigances, murmura Tiger en baissant la voix. Et elle ne sait pas qu'ils sont là.

Un petit sourire effrayant se dessina au coin des lèvres de Lane.

— Je vois.

— Laissons les choses se faire... Mais restons attentifs. Continuons de les suivre pour en savoir plus.

PIROS - SALLE DE TÉLÉCOMMUNICATION

Non loin des lieux inquiétants de l'exploration de Golton II, où l'ombre du danger planait à chaque pas, l'équipage du Piros se réfugia dans la sécurité lumineuse de la salle de télécommunication. Lilas et les autres s'y retrouvèrent, prêts à élucider d'autres mystères en présence de Saranthia et de Milo. Une fois installés, l'appel se lança, projetant leurs visages sur l'écran, le précieux objet en main.

— Avez-vous commencé la lecture, Régente Saranthia ? demanda Zorth en prenant place.

— Non, nous vous attendions, répondit-elle.

Brizbi et Slikof, relégués dans un coin de la pièce, restaient les bras croisés, visiblement frustrés d'être laissés à l'écart des équipes d'exploration. Le vieux livre prophétique ne les intéressait guère ; ce qu'ils préféraient, c'était l'action, le frisson des missions sur le terrain. Ici, ils se sentaient condamnés à une attente insupportable, une punition déguisée. Leurs visages renfrognés rappelaient ceux de deux enfants boudeurs, offrant un contraste frappant avec l'excitation palpable des autres. Car pour ces derniers, l'idée que la Régente puisse tenir la prophétie entre ses mains était presque inimaginable. C'était comme si la chimère qu'ils poursuivaient depuis si longtemps venait soudain de se matérialiser, bien réelle, à portée de main. Et pourtant, la distance qui les séparait de Zoldello et l'aspect usé de ce vieux livre projeté sur l'écran en faisaient encore un mirage. Personne n'avait encore eu l'honneur de le toucher, et son existence restait suspendue quelque part entre le mythe et la réalité.

Au même moment, Saranthia ouvrit le livre à la page du titre.

— Ce que je n'ai pas précisé la première fois, dit-elle, c'est qu'il est annoté "Exemplaire N°3".

— Comme s'il en existait d'autres... Intéressant, remarqua Sylice en plissant les yeux.

À la page suivante, Saranthia découvrit un sommaire.

— Le livre comporte quatre chapitres.

— Quels sont-ils ? demanda Zorth, levant la main.

Chapitre 1 : Sang-Rouge, Chapitre 2 : porteuse de L'Œil, Chapitre 3 : le Portail, et Chapitre 4 : l'Équilibre.

— Commençons par le début. Lisons tout cela dans l'ordre, proposa Tamy.

Mère de trois terribles bambins, elle perçut une excitation palpable envahir la pièce, et tenta de canaliser l'énergie comme elle le pouvait.

— Bien, Mme Ristoc, acquiesça Saranthia.

Houda, dans le même coin que Brizbi, semblait totalement désintéressée. Elle brillait par son absence depuis le malheur survenu à ses parents et personne ne pouvait l’en blâmer. Mais cette fois, elle avait fait l'effort de sortir de sa cabine. De temps à autre, Brizbi jetait un coup d'œil furtif pour s'assurer qu'elle allait bien. Parfois, Houda répondait à son regard, parfois elle semblait être ailleurs, plongée dans un coin de son esprit qu'elle seule connaissait.

Tandis que trois personnes manquaient cruellement d'attention, les autres n'attendaient qu'une chose : que la Régente, la seule capable de lire ces écrits avec Lilas, continue. Et c'était ce qu'elle faisait.

— C'est étrange. Ce n'est pas vraiment un texte, mais plutôt une... liste ?

— Montre-moi, Saranth, demanda Lilas, excitée comme une puce.

Elle lui tendit la page, et Lilas la scruta attentivement.

— Oui... C'est un listage de personnes.

— Oui, chère cousine, et certains sont barrés, ajouta Saranthia.

D'une voix sortie d'outre-tombe, Houda prononça la triste vérité.

— Morts. Certainement morts.

Tout le monde la regarda, un peu effrayé par sa froideur et son détachement apparent. Mais Lilas réalisa qu'elle avait raison. C'était une liste des Sang-Rouge à travers l'univers, et un bon nombre d'entre eux n'étaient plus en vie.

— Je remarque aussi qu'ils sont toujours par deux, ajouta la princesse. La liste regroupe systématiquement deux personnes ensemble. Du même nom.

— Même famille ? murmura Tamy, pensant à voix haute.

— Certainement, supposa Lilas.

— Et sont-ils toujours barrés tous les deux ? demanda Sylice, frustrée de ne pas pouvoir examiner cela par elle-même.

— Non. Ce n'est pas forcément le cas pour tous. Mais le seul duo où les deux sont en vie est...

Saranthia hésita, cherchant le détail du doigt.

— Kybop et Fyguie, termina Zorth avec aplomb.

— Exactement !

Saranthia s'attarda un peu plus longtemps sur la liste, et son visage se décomposa.

— Quoi ? demanda Lilas, voyant l'expression de sa cousine changer.

— Il y a le nom de ton père et celui de ma mère côte à côte... Gotbryde d’Ultya et Tyra d’Ultya. Tous deux barrés...

— Comment est-ce possible ? s'exclama Milo.

— Eh bien, ils sont morts, Milo, répondit Saranthia sur un ton quelque peu condescendant.

— Oui, je le sais bien, le roi Gotbryde est décédé il y a peu. Cela m'amène à la question suivante : qui a barré ce nom ? Milo marqua un silence, laissant le reste du groupe réfléchir. Ce livre ne semblait pas avoir été ouvert depuis des années, au vue de la couche de poussière qui le recouvrait. Si vos parents tenaient à jour cette liste, il serait impossible qu'ils aient pu rayer le nom du roi.

Un silence lourd s'installa. Ce que venait de déduire l'Officier Kal était pertinent. Quelque chose leur échappait. Un élément ne collait pas.

— Cela voudrait aussi dire qu'ils étaient des Sang-Rouge, enchaîna Zorth. D'autres noms dans cette liste vous semblent-ils familiers, Saranthia ?

Elle continua de scruter la liste, tentant de reprendre ses esprits.

— Non. Personne, lança-t-elle presque soulagée.

— Autre chose sur ce chapitre ? demanda Tamy pour clore la discussion.

— Non. Nous avons fait le tour. Passons au deuxième, s'empressa de dire la Régente en tournant la page.

GOLTON II - ZONE INCONNUE

Alors que le groupe progressait vers la zone fantôme, un pressentiment envahit Kybop : tout ne se déroulerait pas comme prévu.

Mais en même temps... est-ce qu’une seule chose s’est déjà passé comme prévu ? pensa-t-elle.

Ils avançaient sur des chemins sinueux et secs, chaque pas faisant craquer le sol comme s’ils piétinaient des dépouilles abandonnées depuis une éternité. Des os calcifiés par l'épreuve du temps se brisaient sous le poids de leur expédition, accentuant l'impression de traverser un cimetière oublié. L'obscurité régnait en maître, seulement troublée par des brumes fines qui saturaient l'air d'humidité, alourdissaient leurs poumons. Golton II ressemblait à un petit caillou misérable, un grain de charbon presque entièrement consumé, perdu au milieu d'une braise mourante. Kybop comprenait difficilement pourquoi les Golts avaient choisi de vivre ici. Ces êtres mégalomanes, avides de grandeur et de pouvoir...

Pourquoi ne pas conquérir des lieux plus prospères, plus accueillants ?

Soudain, Kylburt disparut en une fraction de seconde.

— Où est-il passé ? s'écria Binny, à l'affût d'une quelconque menace.

— Kylburt ! cria Kybop dans l'espoir qu'il lui réponde.

— JE VAIS BIEN ! répondit-il d'une voix lointaine.

— MAIS TU ES OÙ ? hurla Binny, tournoyant un peu partout.

— JE CROIS QUE JE N'AI PAS VU LE TROU AVEC TOUT CE BROUILLARD !

Lorsque le groupe se tourna pour suivre le son de sa voix, un épais brouillard violet gâcha leur vue. En voulant tout simplement le rejoindre, ils manquèrent également de vigilance.

— FAITES GAFFE IL Y A...

Il n'eut pas le temps de finir sa mise en garde que Binny et Kybop tombèrent à leur tour dans la crevasse. La chute fut impressionnante, mais, par chance, ils atterrirent dans l'eau.

GOLTON – DANS LE GOUFFRE

Kylburt se trouvait assis sur le rebord d'immense escalier en pierres massives. Le colosse de Zoldello était trempé de haut en bas, tout comme eux.

— On doit prévenir l'autre groupe, déclara Kybop trempée. Ces trois idiots vont certainement tomber dans le panneau.

Binny ouvrit son visiocommunicateur, quand un bruit lointain l'interrompit.

— Vous avez entendu ça ?

Un bruit sourd, provenant des entrailles de la terre.

— Oui. J'ai entendu, lui confirma Kylburt en tournant la tête en direction de la potentielle menace.

Ils tendirent alors l'oreille pour en savoir plus. Le bruit recommença trois ou quatre fois sans qu'ils ne puissent vraiment en déterminer la nature. Kylburt leva son doigt en direction du haut de l'escalier.

— En tout cas, c'est par ici.

— Oui, acquiesça Binny. On fait quoi ?

— AHHHHHHHHHHAAAHHH !!!

— MERDEUUUUUH !!

Trois gros ploufs successifs retentirent dans la grotte. Ils se retournèrent et découvrirent sans surprise deux têtes roses et un scientifique sortir de l'eau.

— Oups... Avec tout ça, je n'ai pas eu le temps de les prévenir, s'amusa Binny.

Kybop ne put s'empêcher de s'en vouloir de ne pas les avoir averti à temps, mais la joie de les retrouver finit par l'emporter. Un à un, ils émergèrent de l'eau, trempés jusqu'aux os. Dozik éclata de rire, trouva de l'amusement dans la situation, tandis que sa sœur, furieuse de ressembler à un vieux chien mouillé, lui asséna une claque derrière la tête. Kylburt les observa avec un sourire en coin, comme un grand frère attendri, amusé par leur chamaillerie. Finalement, Fyguie s'approcha de Kybop d'un pas léger, son rire sincère dissipant rapidement le souvenir de sa chute. Lorsqu'il la retrouva enfin, son sourire effaça toute trace de traumatisme.

— Bon... Bha on dirait qu'on va continuer ensemble, se réjouit Fyguie.

Elle fixa son visage et constata à quel point cette joie était sincèrement partagée. Le voir sourire simplement parce qu'il l'avait devant lui la remplit d'une chaleur indescriptible. Ce foutu frère jumeau. Un élan fraternel la submergea et, sans réfléchir, elle passa son bras autour de son cou, le secoua un peu, serrant sa prise. Il éclata de rire, glissant à son tour un bras autour de sa taille pour s'ajuster à son rythme.

— Je suis content qu'on continue ensemble. J'étais mal à l'aise à l'idée d'être séparés dans deux équipes différentes, lui avoua-t-il le plus simplement du monde.

— Moi aussi, p'tit frère.

— Hey ! J'suis pas ton p'tit frère ! se défendit-il en riant.

Ils poursuivirent leur ascension, prévenant l'autre groupe des bruits suspects qu'ils avaient entendus, les invitant à rester sur leurs gardes.

— On se dirige peut-être tout droit vers un monstre gigantesque ! lança Dozik, ponctuant ses propos de grands gestes.

Étonnamment, il souriait largement, comme s’ils venaient de découvrir quelque chose d'enthousiasmant. Katany, elle, roula des yeux, exaspérée par les bêtises et l'exubérance de son frère.

Leur ascension les mena directement à un couloir lugubre, jonché de toiles d'araignées et de débris. Un souffle glacial traversa l'espace, comme un courant d'air provenant de nulle part. L'ambiance changea immédiatement au sein du groupe. Dozik, qui s'était montré joyeusement expansif jusqu'ici, cessa de parler et se cacha derrière sa petite sœur. Kylburt avança prudemment, jetant des regards vigilants dans tous les recoins. À ses côtés s'avança Binny, les yeux brillants, comme si le danger lui procurait une certaine excitation.

Soudain, un bruit sourd. Il venait de la porte à la droite de Kybop. C'était exactement le même son qu'ils avaient perçu depuis l'escalier.

On est un groupe, on doit fonctionner ensemble, se répétait Kybop dans sa tête.

Elle se souvint des quelques mots échangés avec la princesse avant de partir. Cette promesse à demi-mot, celle de ne pas prendre de risques inutiles. Elle décida alors de prévenir les autres.

— J'ai entendu quelque chose.

— Quel genre ? demanda Kylburt en revenant vers elle.

— Le même que tout à l'heure. Derrière cette porte.

Kylburt les écarta avec une facilité déconcertante, d'un simple geste du bras.

— Ok, poussez-vous. Je vais l'ouvrir. Je suis le plus costaud.

— Et ? s'indigna Binny, comme si cela était sujet à débat.

— Depuis quand faut-il être le plus costaud pour ouvrir une porte ? demanda Dozik, également susceptible.

— C'est comme ça, tête rose, plaisanta Kylburt en lui donnant un coup de coude qui le fit vaciller. Tu vas m'en empêcher, peut-être, avec ta silhouette de brindille ?

Dozik, un peu vexé, ne répliqua rien et le toisa de haut en bas.

— Bon, ok. Je me mets derrière toi. Je te couvre, annonça Kybop, arme à la main.

Kylburt arrachait quasiment la porte lorsqu'une silhouette presque aussi imposante que la sienne se plaça devant lui. Immobile. Une silhouette qui resta bouche bée devant celui qui venait de le libérer, et qu'il reconnut d'un coup d'œil.

— Kylburt ?

— Impossible... souffla Kylburt, semblant voire un fantôme.

Alors qu'ils avaient du mal à réaliser à qui ils avaient affaire, une deuxième silhouette, bien plus fine et fébrile, s'avança lentement vers eux. La pâleur de son visage et ses gestes hésitants trahissaient une fatigue extrême, presque surnaturelle. Cette blancheur cadavérique était accentuée par l'obscurité oppressante dans laquelle ils se trouvaient. La femme, au visage anguleux et aux traits fins, semblait plus une apparition fantomatique qu'une personne bien en vie. Son corps fragile vacillait légèrement à chaque pas, comme si le moindre mouvement pouvait la faire sombrer. Le visage de Kylburt se décomposa lentement, une expression de stupeur totale traversa ses traits, comme s'il venait d'apercevoir un spectre du passé.

— Bonjour, Kylburt, dit-elle faiblement.

Sa voix avait l’air brisée par des mois, peut-être des années, de silence.

— Qui sont-ils ? demanda Fyguie.

Sans réponse, Dozik l’attrapa par le bras pour tenter de le sortir de son état de stupeur.

Kylburt resta figé, la bouche grande ouverte. Ce fut finalement l'inconnu lui-même qui prit les choses en main et brisa le silence.

— Je suis Hyldon, et voici ma femme, Tyra d’Ultya.

Un souffle d'incrédulité passa parmi eux. Des regards brefs se croisèrent, cherchant à comprendre ce qu'ils venaient d'entendre. Leurs yeux passèrent sur leurs visages fatigués, leurs vêtements usés et abîmés, puis revinrent sur Kylburt, comme une tentative de démêler une blague de mauvais goût.

— Vous... Vous êtes les parents de Saranthia ? finit par dire Binny.

Elle s'avança dans leur direction, comme si l'absurdité de la situation l'empêchait de croire ce qu'elle entendait. Ils sourirent faiblement et leur silence confirma leur identité.

— Se porte-t-elle bien ? demanda Tyra, ses yeux s'illuminant brièvement d'une inquiétude maternelle.

— Oui. Elle... commença Dozik avant d'être brutalement interrompu.

Hyldon prit un air grave, presque sombre. Sa posture se fit plus raide, et il se rapprocha, comme si chaque mot qu'il allait prononcer pouvait les engager dans une lutte pour la survie.

— Pas le temps. On doit partir. Les Golts vont tôt ou tard savoir que vous êtes ici. Il faut que nous partions tout de suite. Nous n'aurons peut-être jamais une occasion comme celle-ci, dit-il d'une voix pressée.

Il prit la main de Tyra dans la sienne, comme pour s'assurer qu'elle était toujours là, à ses côtés.

D'un geste franc, Kylburt attrapa le bras de la princesse pour l'aider à se tenir debout. Ils étaient tous les deux dans un état pitoyable, leurs corps marqués par l'épreuve, l'esprit sûrement brisé. Kybop n'osait imaginer l'histoire, sombre et pleine de souffrance, qui se cachait derrière leur captivité, et ce qu'ils avaient dû endurer pour arriver jusque-là.

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