WALDO GOLT *** I ***

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L'AN 3427- 25 ANS PLUS TOT - QUELQUE PART - DANS UNE GALAXIE INCONNUE

Les doigts de Waldo effleurèrent les sillons des vieilles écritures gravées sur le précieux livre. Il ne comprenait pas tout, mais l’énigme le captivait. Dans la pièce, seul le froissement des parchemins poussiéreux et, par moments, le crépitement du feu rompait le silence. Sa concentration était à son comble, lorsqu’une main se posa sur son épaule.

— Toujours plongé dans ce vieux grimoire ? demanda Sandor en pressant affectueusement son épaule.

Waldo lui répondit d’un soupir amusé.

— Tu devrais songer à dormir, ajouta Alida. Ton teint fait peur à voir.

— J’y songe, Ali… j’y songe.

La jeune femme s’assit à ses côtés, son allure empreinte d’une grâce naturelle, presque royale.

— Ta fille te réclame, murmura-t-elle. Fiora déborde d’énergie, comme toujours.

— Déborde d’énergie ? Épuisante, tu veux dire ! répliqua Sandor, la voix faussement outrée.

Ils éclatèrent de rire. Alida, pensive, laissa son regard vagabonder. Elle effleura son ventre d’un geste tendre, et Waldo, remarquant le geste, lui adressa un sourire complice.

— Félicitations, dit-il. Sandor m’a déjà soufflé la nouvelle.

Elle inclina légèrement la tête en signe de gratitude.

— Merci. Mais les choses vont se compliquer… Je ne serai bientôt plus en état d’aider Sandor comme avant.

— Je m’en sortirai très bien tout seul, mon amour, intervint Sandor avec un clin d’œil rassurant.

— Sous-entends-tu que ta femme ne sert à rien ? riposta Waldo avec une lueur malicieuse dans les yeux.

Alida éclata de rire, dissipant la panique sur le visage de son époux.

— Allons, ne sois pas si sérieux. Je sais que tu n’as pas voulu dire ça, ajouta-t-elle avec douceur.

— Ne te moque pas trop de moi, Waldo, grogna-t-il en plaisantant. Je finirai par être seul à cause de toi !

Waldo se leva et serra son ami dans une étreinte chaleureuse.

— Rassure-toi, Sandor. Votre couple est comme le feu et la chaleur : inséparables.

Alida se leva également, rompant leur discussion légère.

— La vérité, c’est que Sandor aura tout de même besoin d’une personne de confiance à ses côtés, dit-elle, plus sérieuse.

Waldo acquiesça, comprenant l’allusion.

— C’est pour cela que je compte sur toi, reprit-elle. Je sais que la prophétie te demande beaucoup, mais la dynastie Iker doit rester ta priorité.

— Tu peux compter sur moi, Alida, répondit-il fermement.

— Pendant ma grossesse, je serai moins disponible. J’espère que tu pourras épauler Sandor dans ses tâches.

— Avec plaisir, ajouta Waldo en lui assénant une tape dans le dos.

— Et moi, je ferai tout pour préserver la lignée, assura Sandor avec gravité.

Un sourire satisfait illumina le visage d’Alida.

— Bien. Si vous le permettez, je vais voir le guérisseur. Il prétend avoir une concoction miracle pour mes fatigues matinales.

Elle quitta la pièce, un sourire narquois sur les lèvres. Dès qu’elle fut hors de portée, Waldo se pencha vers Sandor.

— Alors… la descendance est en route ?

Sandor, submergé par l’émotion, renifla en silence.

— Oui. La lignée ne s’éteindra pas avec nous, murmura-t-il.

— Un futur roi ou une future reine pour Ebredès ?

— Peu importe. Ce sera l’avenir. C’est écrit.

Le silence s’installa, chargé de sens. Sandor fixa le livre sur le bureau, celui que Waldo consultait quelques minutes plus tôt.

— Encore faut-il réussir à le traduire entièrement, lâcha-t-il.

— Nous y arriverons, répondit Waldo avec détermination. Ensemble, nous trouverons un moyen d’arrêter les éclipses.

Sandor hocha la tête, son visage marqué par la fatigue et l’espoir.

— La confrérie a payé un lourd tribut pour ces textes, reprit-il d’un ton grave. Trop de sang a coulé au cours des quatre derniers siècles. C’est à nous de terminer leur œuvre.


L’AN 3431- 21 ANS PLUS TOT - ZOLDELLO - PALAIS D’ULTYA

Waldo se tenait seul devant une large fenêtre, un livre ouvert entre les mains. Ses doigts glissaient lentement sur les pages jaunies, avec une précaution presque révérencieuse, comme s’il craignait de briser un secret enfoui.

— J’ai passé ma vie à tenter de te comprendre, murmura-t-il. Te lire, te relire, tourner encore et encore tes pages...

Sa voix s’effaça dans les vastes couloirs du palais. Il ferma les yeux, le poids de la fatigue alourdissant ses épaules.

— Alida et Sandor... Avaient-ils tort ? Avaient-ils mal compris ?

— Que chuchotes-tu dans les couloirs, Waldo ?

La voix du roi résonna derrière lui. Gotbryde émergea de l’ombre, non loin de la chapelle. Waldo sursauta légèrement, mais il reprit rapidement contenance.

— Vous étiez auprès de Calyssia ? demanda-t-il calmement.

Gotbryde acquiesça d’un geste lent, le regard tentant vainement de cacher sa tristesse.

— Oui. J’aime venir la voir avant le coucher du soleil. Il m’est encore douloureux de m’endormir dans un lit où son absence laisse un vide glacial.

Waldo baissa les yeux, touché par les mots du roi.

— On ne s’imagine pas à quel point la chaleur d’un être aimé peut manquer, souffla-t-il.

Gotbryde avança jusqu’à la fenêtre et s’arrêta à côté de Waldo.

— Elle n’avait pas besoin de me toucher pour que je sente sa présence. Son existence seule réchauffait ma peau, même à distance. Et maintenant... je sais que je ne ressentirai plus jamais cela. C’est comme... une éclipse.

Le mot fit frémir Waldo. Il déglutit avec difficulté.

— Vous avez votre fille, tenta-t-il doucement.

— C’est vrai. Elle est tout pour moi. Mais j’aurais tant aimé que Calyssia la voie grandir...

Waldo posa une main réconfortante sur l’épaule de Gotbryde.

— Vous êtes un homme fort, Gotbryde.

— Et pourtant, je doute. Je doute de tout, Waldo. Les prophéties, les luttes incessantes... J’ai déjà trop perdu. Je refuse de risquer davantage.

— Mais c’est justement pour ne pas perdre plus que nous devons continuer à nous battre, rétorqua Waldo avec une intensité nouvelle.

— Est-ce vraiment mon combat ?

— Vous êtes un Sang Rouge, murmura Waldo en baissant le ton. Bien sûr que ce combat est le vôtre.

Gotbryde se tourna vers lui, ses yeux brillants d’une lueur inquisitrice.

— D’où venez-vous, Waldo ? Pourquoi êtes-vous sur Zoldello ? Qui vous envoie ?

Waldo inspira profondément avant de répondre.

— La confrérie. Vous savez de laquelle je parle.

— N’êtes-vous pas un Golt ? N’êtes-vous pas en train de vous tromper de camp ?

— Pourquoi parler de camps ? demanda Waldo avec calme. Nous cherchons tous la même chose : rétablir l’équilibre.

— Notre prophétie ne prône pas l’écrasement d’autres peuples pour y parvenir, répliqua Gotbryde, le regard perçant.

— Et je ne suis pas de ceux-là. Vous le savez.

— Je ne sais rien, Waldo. Vous ne répondez toujours pas à mes questions.

Après une hésitation, Waldo décida de livrer un morceau de vérité.

— Je viens d’une galaxie lointaine. La galaxie d’Elso.

— Jamais entendu parler, grogna le roi.

— C’est normal. Peu de gens la connaissent.

Gotbryde se gratta la barbe, intrigué.

— Que faisiez-vous là-bas ?

— J’aidais la Dynastie Iker, sur la planète Ebredès.

— Des Sang Rouge ?

— Oui. Mais avant tout, des amis. Ils étaient des amis, corrigea Waldo un ton plus bas.

Le regard de Waldo s’assombrit. Gotbryde comprit le sous-entendu et s'en saisit.

— Étaient ?

— Oui. Comme la reine Calyssia, tout ne s’est pas bien terminé pour eux.

Le roi laissa échapper un ricanement discret.

— Vous espérez vraiment me convaincre avec des histoires de héros tombés au combat ?

Waldo esquissa un sourire amer.

— Peut-être est-ce maladroit, mais ces héros ont contribué à faire avancer la prophétie. Le portail, les univers divergents, les reliques...

— Ce ne sont que des mots, coupa Gotbryde sèchement. Où est ce portail ? Que sont ces univers divergents ? Toujours les mêmes questions sans réponse. Vous ne savez rien.

Waldo serra les dents, conscient qu’il touchait du bout des doigts quelque chose de crucial.

— Justement. Si nous trouvons ces réponses, imaginez ce que nous pourrions accomplir.

— Je crois que tout cela n’est qu’une chimère, tranche Gotbryde. Seule ma sœur et son époux s’accrochent encore à ces illusions.

— Peut-être ont-ils raison.

— Je repose ma question, Waldo. Que faites-vous ici ? Qu’est-ce qui vous a amené à Zoldello ?

Après un instant de silence, Waldo murmura :

— Les dernières paroles de Sandor Iker. C’est lui qui m’a dit de continuer ma quête ici.

Gotbryde marqua un silence respectueux à l’évocation de Sandor. Puis sa curiosité reprit le dessus.

— Votre ami, que lui est-il arrivé ? demanda-t-il d’une voix grave.

— Tout comme vous et vos ancêtres, il a été la cible des partisans de la prophétie des Sang Rouge, répondit Waldo avec une pointe de tristesse.

— Je me doute bien. Mais que s’est-il passé exactement ? insista Gotbryde.

— Ils se sont introduits de nuit dans le château, expliqua Waldo, le regard fixé au sol. Sandor a voulu protéger sa famille... Cela lui a coûté la vie.

Gotbryde hocha la tête, pensif.

— De nuit... Cela leur ressemble bien. Vils et fourbes, toujours dans l’ombre.

Le roi fixa Waldo d’un regard accusateur.

— Vous devez être au fait qu’un bon nombre d’entre eux sont des Golts. Tout comme vous.

Waldo baissa les yeux, légèrement honteux. Une part de lui détestait l’idée de partager ne serait-ce qu’une infime fraction d’ADN avec cette organisation.

— Rassurez-vous, reprit Gotbryde. Je ne vous accuse de rien. Je trouve simplement étrange qu’un Golt se montre si investi dans cette cause.

— C’est vrai, concéda Waldo. Je n’y étais pas destiné. Mais aujourd’hui, je le suis, et je le resterai jusqu’à mon dernier souffle.

Gotbryde observa un moment de silence, puis demanda :

— Et sa famille ? S’en est-elle sortie au moins ?

— Oui. Enfin... je crois. La dernière fois que je les ai vus, ils étaient vivants, dit Waldo, hésitant.

Gotbryde soupira.

— Comme j’aurais aimé pouvoir donner ma vie pour les miens...

Waldo ne répondit pas. Il comprit les paroles du roi, mais le souvenir de Sandor le hantait encore.

— Lorsque je l’ai retrouvé, baignant dans son sang, je l’ai pris dans mes bras, murmura-t-il. Nous avons échangé quelques mots. Pour la dernière fois.

— Les derniers mots d’un mourant, dit-il lentement. Cela n’est jamais à prendre à la légère.

Waldo ferma les yeux un instant, submergé par l’émotion du souvenir.

— Oui, souffla-t-il. J’étais suspendu à ses lèvres. Je n’osais plus respirer, de peur qu’il s’éteigne avant de pouvoir me confier ses derniers secrets.

Gotbryde arqua un sourcil.

— Et vous a-t-il dit ce que vous espériez entendre ?

— Ce qu’il m’a confié m’a amené ici, sur Zoldello.

Gotbryde secoua la tête, désabusé.

— Mais cela ne vous apportera rien, Waldo. Je ne veux plus entendre parler de tout ça.

— Parce que la reine est morte ? demanda Waldo, avec prudence.

— Parce qu’elle a été assassinée ! tonna Gotbryde. Et parce que je veux que ma fille vive. Le plus longtemps possible !

La colère du roi était palpable. À chaque mention de Calyssia ou de Lilas, son ton devenait plus dur.

— Mais, roi Gotbryde... Si vous perdez autant de gens autour de vous, ne croyez-vous pas que c’est justement parce qu’il y a des choses à découvrir ?

— Le prix est bien trop élevé, trancha-t-il. Je refuse de retrouver ma chair et mon sang baignant dans leur propre sang un matin.

— L’enjeu est immense, rétorqua Waldo, tentant de garder son calme.

— Sauver l’univers, c’est ça ? ironisa Gotbryde. Comment voulez-vous faire cela ? C’est insensé !

Waldo sentit que la discussion tournait à l’impasse. Le roi n’avait plus la volonté de poursuivre ce combat.

— Écoutez, Waldo... reprit Gotbryde en adoucissant légèrement le ton. Avec tout le respect que je vous dois... Vous devriez partir. Il n’y a rien à voir sur cette planète.

Waldo l’observa attentivement, espérant discerner une faille, une ouverture.

— Ma fille ne sait rien de tout ça. Et ma sœur... Ma sœur est jeune et fougueuse. Cette fougue la perdra sûrement un jour.

Waldo esquissa un léger sourire.

— Votre sœur semble être un sacré personnage, dit-il, presque en admiration.

Gotbryde se détendit légèrement.

— Elle l’est, concéda-t-il. Mais ils feraient mieux de concentrer leurs efforts sur Saranthia que sur cette bague ridicule.

À ces mots, l’intérêt de Waldo se raviva.

— Cette bague ? demanda-t-il, intrigué.

— Oui, répondit Gotbryde, le ton plus distant. Notre mère nous en parlait quand nous étions enfants. Elle l’appelait l’Œil, à cause de sa forme. Cette bague qu’elle porte lui embrume l’esprit. Elle croit détenir une relique importante, mais ce n’est sûrement qu’un simple bijou.

Waldo fronça les sourcils, intrigué malgré lui.

— Cette bague ridicule à son index. Notre mère, la reine Gylia, l’appelait "l’Œil". Certainement à cause de sa forme.

Le cœur de Waldo manqua un battement. Le mot résonna en lui comme un coup de tonnerre. L’Œil... Ce n’était pas une coïncidence. Ce mot était partout dans le chapitre II de la prophétie. Waldo comprit alors que Gotbryde n’était qu’un pion dans une histoire qui le dépassait.

Waldo peina à masquer sa surprise. Mais il feignit l’indifférence. Il comprit alors que Gotbryde n’était peut-être pas la clé. Sa résignation était un obstacle insurmontable. Tyra, en revanche... La princesse semblait bien plus ouverte à l'écouter.

— Et si votre sœur avait raison ? Si ce bijou et ce qu’il représente étaient réellement importants ?

— Peu importe ! gronda Gotbryde. Cela ne me concerne plus.

— Très bien, concéda Waldo. Mais Sandor m’a dit de venir ici. Et les derniers mots d’un mourant sont toujours empreints d’une vérité profonde. Je suis au bon endroit, j’en suis certain.

Sur ces mots, Gotbryde tourna les talons et s’éloigna en direction de sa chambre. Waldo resta immobile, les yeux fixés sur la silhouette du roi qui disparaissait dans les méandres des couloirs du palais. Un étrange sentiment l’envahit.

Il était venu ici avec l’espoir de faire du roi un allié, de retrouver un écho de ce qu’il avait partagé avec la famille Iker. Mais il n’avait devant lui que le reflet amer de ses propres contradictions. Un Golt, cherchant désespérément à aider les Sang Rouge... Quelle ironie du sort.

Waldo inspira profondément, laissant l’idée se graver en lui. Ce n’était pas grave. Gotbryde n’était pas prêt. Tyra, elle, le serait. Et si elle hésitait, il trouverait un moyen de la convaincre. Qu’elle le veuille ou non.

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