WALDO GOLT *** II ***
TROIS MOIS PLUS TARD - CHAMBRE D'HYLDON ET TYRA D’ULTYA
Tyra fit les cents pas dans leur chambre, ses mouvements trahissant son agitation. Hyldon, assis sur le lit, l'observa calmement.
— Calme-toi, Tyra. Ton frère ne pensait pas ce qu'il a dit.
— Que je me calme ? Je suis la seule dans ce palais à me soucier de l'avenir de l'univers !
Hyldon lui adressa un regard réprobateur. Elle s’interrompit, se rendant compte de l'exagération de ses propos.
— Enfin... nous sommes les seuls.
Hyldon se leva pour l'enlacer doucement.
— Il est inquiet, voilà tout.
— Gotbryde traite cette relique comme une simple breloque ! Lui qui, autrefois, était si engagé dans cette quête…
— Mets-toi à sa place une seconde, tenta Hyldon.
Tyra se redressa, posa ses mains sur son torse, les yeux brillants de conviction.
— Si quelqu’un t’assassinait, je n’abandonnerais pas, bien au contraire ! Cela nourrirait encore davantage mon envie de rétablir l'équilibre !
— Et penses-tu que tu agirais par détermination ou par vengeance ?
Elle s’écarta, le repoussant délicatement.
— Bien sûr que la colère serait un guide, mais j’aurais besoin de comprendre, de rétablir la justice et la vérité !
— Ton frère agit différemment. Il est un bon roi pour Zoldello, mais…
— Mais il n’est pas investi dans la quête de notre famille ! Cette quête est notre devoir !
Hyldon serra les lèvres, cherchant ses mots. Il savait que calmer sa femme ne serait pas simple.
— Et il refuse d’écouter ! Ces nouveaux écrits sont apparus comme par magie dans le livre ! Comment est-ce possible ?
Les poings de Tyra se serrèrent malgré elle, ses ongles blanchissant sous la pression. Elle revit les éclats de leur dernière dispute, son frère balayant ses propos d’un revers de main, comme si tout cela n’avait aucune importance. Ces nouveaux écrits, surgis sans explication, désignaient un lieu précis sur leur propre planète. La prophétie prenait une tournure tangible, et elle crut, naïvement, que Gotbryde partagerait son excitation.
Mais sa réaction fut tout l’inverse. Il explosa, rejetant en bloc l'idée même d'y accorder une once d'intérêt, comme si ce qui se profilait n'était qu'une menace supplémentaire. Tyra revit ses yeux brûlant d'une colère qu'elle ne comprenait pas. Était-ce de la peur ? Du désespoir ? Son déni fut si catégorique qu’elle se demanda s’il ne cachait pas quelque chose.
— Je les lui ai montrés, Hyldon ! J’ai tendu le livre sous les yeux, et il a détourné les siens comme si de rien n'était. Il ne veut rien savoir ! Puis il m’a hurlé simplement : "Tu n’es qu’une idiote si tu penses pouvoir régler quoi que ce soit avec ce livre et ce bibelot ridicule à ton doigt !"
Hyldon soupira, attristé par cette situation.
— Il perd son sang-froid. Je pense qu’il faut envisager de continuer sans lui.
Ces mots attristèrent Tyra. Malgré tout, elle aurait voulu que son frère partage ce combat avec elle. Hyldon, voyant son hésitation, prit sa main et l’entraîna doucement vers le lit.
— Écoute, il faut que je te parle de quelque chose. Viens, asseyons-nous.
Elle inspira profondément pour se calmer, puis s’assit à côté de lui, attentive.
— Tu te souviens de cette missive, il y a quelques mois ? Celle venue d’une planète inconnue ?
Tyra hocha la tête.
— Oui. Celle dont on n’a jamais connu le contenu ?
— Justement. Je l’ai lu.
Tyra arqua un sourcil, surprise.
— Elle n’était pas cachetée, donc… je me suis permis d’être indiscret. Ou curieux. Appelle ça comme tu veux.
Un sourire fugace illumina son visage.
— Et qu’est-ce qu’elle disait ?
Hyldon hésita, cherchant ses mots.
— Promets-moi de ne pas t’énerver.
— Parle, Hyldon.
Il se racla la gorge.
— C’était une lettre d’un homme qui proposait de l’aide à Gotbryde. Il disait savoir que la relique était sur Zoldello et se disait ami de notre cause. Elle était signée Waldo.
Le choc se lut sur le visage de Tyra.
— Pourquoi ne m’en as-tu pas parlé plus tôt ?
Hyldon se pencha en avant, embarrassé.
— Gotbryde m’a surpris en train de la lire. Il me l’a arraché des mains et la survolé rapidement. Puis… il m’a attrapé par le col. Je ne l’avais jamais vu comme ça.
Les yeux de Tyra s’élargirent d’incrédulité.
— Qu’a-t-il dit ?
— Il m’a averti que cet homme n’apporterait que des ennuis et qu’il fallait s’en méfier. Ensuite, il m’a fait promettre de ne rien te dire.
Elle se détourna, frustrée.
— Et tu as tenu cette promesse...
Hyldon acquiesça à contrecœur.
— Jusqu’à aujourd’hui. Mais il y avait quelque chose d’étrange. Gotbryde semblait déjà connaître cet homme. Sinon, pourquoi m’aurait-il mis en garde aussi violemment ?
Tyra croisa les bras, intriguée.
— Tu crois que cette lettre n’était pas destinée à Gotbryde ? Qu’on voulait que tu la lises ?
— Elle était destinée au roi, mais… elle n'était pas cachetée, répondit Hyldon après un instant d’hésitation. Cela ressemblait à une invitation à être indiscret. Les lettres pour Gotbryde sont toujours cachetées, c’est une règle stricte. Et ce qui me trouble encore plus, c’est que le garde me la remit directement, en insistant sur le fait qu'elle devait passer par moi. Ce n’était pas une coïncidence. Cela ressemblait davantage à une condition qu’à un simple détail.
Hyldon et Tyra réfléchirent intensément, tentant de comprendre le but de cette manœuvre. Tyra finit par proposer une théorie, sa voix à peine un murmure :
— Si cette lettre était un message déguisé, elle était forcément destinée à quelqu’un. Mais pourquoi toi, et pas directement Gotbryde ?
Hyldon secoua la tête, le regard plongé dans le vide.
— Peut-être que celui qui la envoyé savait que le roi refuserait de la lire. Ou peut-être qu’il voulait semer la discorde entre nous… ou pire, entre toi et ton frère.
La princesse fit non de la tête, fermement, un éclat de compréhension dans les yeux. Elle crut avoir saisi les intentions du mystérieux messager.
— Faire allusion à la relique, cela revient à s’adresser directement à moi, murmura Tyra. Cet homme savait que si tu lisais cette lettre, elle finirait par m’atteindre.
Hyldon lui prit la main, hésitant à poursuivre.
— J’ai cru bien faire en te protégeant de ça, surtout avec les nouveaux écrits...
Tyra se tourna vers lui, attrapa son visage entre ses mains et planta ses yeux dans les siens.
— Ne me cache plus jamais rien, Hyldon. Promets-le-moi.
Il sourit doucement, vaincu par l’intensité de son regard.
— Promis. Excuse-moi… mais que pouvais-je faire ? Ton frère est le roi, je lui dois obéissance.
— Et moi, je suis ta femme. Tu me dois une transparence absolue.
Hyldon inclina légèrement la tête avant d’accoler son front au sien.
— Nous devons rentrer en contact avec cet homme, mais discrètement. Nous ne savons pas qui il est, ajouta-t-il.
Tyra opina du chef, puis se détacha de son époux.
— Commençons par examiner ces écrits de plus près.
Le couple se leva, prêt à replonger dans les mystères de la prophétie. Deux jours plus tard, ils partirent pour les Askyrs, à la recherche de réponses. Mais ce qu’ils ignoraient, c’était que cet instant marquait le début de ce que les Ultyens appelleraient l’éclipse royale, cet évènement tragique qui changerait leur destin et celui de Saranthia à tout jamais.
GOLTON II – SALLE DE LA PIERRE DES ANCIENS
Après leur enlèvement, Hyldon et Tyra se retrouvèrent dans les tréfonds d’une planète humide et sombre. Tandis qu’ils se demandaient probablement quel sort Waldo leur réservait, celui-ci se tenait immobile, les mains dans les poches, les yeux rivés sur la pierre des Anciens. Les lignes gravées dans la pierre semblaient presque se mouvoir, et une étrange vibration s’en dégageait, un murmure presque inaudible qui résonnait dans les tréfonds.
— Qu'est-ce que je fais maintenant ? Qu'est-ce que vous feriez à ma place ?
Ces paroles s'envolèrent à travers le gouffre, directement adressées à la famille Iker.
— Es-tu seulement encore en vie, Alida ? Et sa descendance ?
Interrompu, une petite voix l'interpella.
— Papa ? À qui parles-tu ?
Il se tourna, lui adressant un sourire.
— À moi-même, ma chérie. Je pense à voix haute.
Waldo descendit les escaliers pour rejoindre sa fille.
— Qui sont ces gens que tu as ramenés ?
— Des personnes que j'aimerais aider.
— Pourquoi les as-tu enfermés alors ?
— J'ai besoin qu'ils me fassent d'abord confiance.
Fiora fronça les sourcils, suspicieuse et inquiète.
— Comme Sandor et Alida ?
Waldo soupira de tristesse.
— Oui. Comme Sandor et Alida.
Fiora savait qu'elle avait causé leur perte. Mais elle ne comprenait pas pourquoi son père avait encore ramené des Sang-Rouge sur Golton II.
— Grand-père ne va pas être content.
Waldo posa alors son index sur les fines et délicates lèvres de sa fille.
— Alors, cette fois-ci, ne dis rien.
Fiora acquiesça, mais un léger tremblement parcourut ses mains. Elle prit son père dans ses bras, et son petit menton se posa sur son épaule. Ses yeux se levèrent vers la pierre des Anciens, et une lueur étrange sembla se glisser dans ses pupilles dorées. Quand son regard croisa les inscriptions, ses yeux brillèrent d’un éclat vert émeraude, et une force inconnue l’envahit. La pierre sembla répondre à son contact, des lueurs fugaces émanant de ses fissures.
Tout disparut en un éclair quand Waldo la relâcha, comme si la magie s’éteignait d’un coup.
— Je vais aller leur parler un peu. Tu devrais aller te coucher, il est tard.
— D'accord, papa.
Il s’éloigna, disparaissant dans les ombres des tréfonds, mais Fiora resta là, son esprit tourmenté. Lorsqu’il ne resta plus qu’un souffle de silence, elle monta les marches, son cœur battant la chamade. Une impulsion la poussa à poser sa main sur la pierre. Immédiatement, celle-ci s’éclaira à nouveau, ses lignes vibrantes dégageant une énergie invisible qui envahit son corps. Ses yeux se noircirent, et le monde autour d’elle sembla se fondre dans une obscurité glacée, comme si un rideau venait de se tirer devant la lumière du jour.
— Nem segítesz a vörösvérűeknek.
Annotations
Versions