ZOLDELLO *** I ***

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ZOLDELLO - PALAIS D'ULTYA

Le Roi se précipite dans la salle du trône. Les couloirs du Palais sont saturés de soldats armés. Il est évident que Gotbryde fait preuve d'une prudence extrême, redoutant pour sa vie et celle de sa fille. Tout le palais est en état de haute vigilance, guidé par des directives strictes.

—Je vous écoute, déclare-t-il tout en prenant place.

—La main sur le cœur, le regard vers l'avenir, déclame Slikof.

L'homme incline légèrement la tête en signe de révérence. Son apparence soignée et parfaite laisse deviner qu'il tient un rôle important au sein de la couronne.

— Je suis ici pour vous avertir. J'ai appris qu'une nouvelle menace pèse sur votre fille.

— Encore une... murmure Gotbryde, visiblement agacé.

— Nos Oiseaux de nuit ont déjà pris l'initiative. Ce ne sera bientôt plus un problème, assure-t-il d'un ton plein de certitude.

Le Roi, pensif, s'accoude à son trône, enserrant les accoudoirs de ses doigts crispés, blanchis sous la pression.

— Jusqu'à quand ? Les menaces nous arrivent de tous les coins de Zoldello. Une nouvelle chaque jour.

— Je comprends votre inquiétude, Roi Gotbryde. Mais nos Oiseaux font tout ce qu'ils peuvent pour faire taire nos ennemis.

— Je le sais, Slikof... Et vous avez toute ma confiance. Je suis juste fatigué de voir que la révolte ne fait que croître.

— Nous ferons tout notre possible pour étouffer les contestations.

Gotbryde hoche la tête, ses yeux toujours rivés sur lui, sans jamais détourner le regard.

Slikof De Xylis est sans doute l'un de ses meilleurs alliés. Maître des Oiseaux de nuit depuis plus d'une décennie, il fait preuve d'une efficacité redoutable, digne des légendes chuchotées dans les couloirs du Palais d'Ultya. Ses cheveux bleus, signature typique des Rigéliens, n'altèrent en rien sa discrétion. Au contraire, ils renforcent son aura mystérieuse, lui conférant le surnom de Fantôme d'Ultya, un être insaisissable, invisible aux yeux de ses ennemis.

Derrière son apparence juvénile, presque angélique, se cache un homme inflexible, fidèle jusqu'à l'os, débordant de valeurs inaltérables. Il est d'une loyauté sans faille envers le Nid, son sanctuaire et raison d'être. Son visage doux, marqué par une beauté presque féminine, lui confère un avantage certain : il charme et manipule avec un naturel déconcertant, un talent essentiel pour un espion. Slikof possède cet art subtil de gagner la confiance, d'abaisser les gardes par un simple sourire, tout en dissimulant une âme d'acier, impitoyable lorsque le devoir l'exige.

— Slikof, rendez-moi service.

— Tout ce que vous voudrez, mon Roi, affirme-t-il en posant la main sur le cœur.

— Suivez-moi, ordonne Gotbryde en se redressant.


PALAIS D'ULTYA - LE SECRETOIRE

Les deux hommes franchissent une porte dérobée, juste derrière le trône. Le Secrétoire, comme l'ont toujours désigné les Hauts-Rangs du palais. La porte massive, d'un bois noble, émet un léger grincement lorsqu'ils la franchissent. Slikof est un habitué des lieux, connaissant chaque recoin de la pièce comme s'il en avait été l'architecte lui-même. L'endroit est sombre, sans ouverture, bien à l'abri des regards et des oreilles indiscrètes. Si un lieu devait avoir été le théâtre de tromperies, de trahisons ou de complots, c'est bien ici. Une pièce tapie derrière un trône, symbole de pouvoir et d'allégeance, victime parfois des convoitises de ceux qui cherchent à le renverser.

Le sol est taillé dans un marbre immaculé, de grands carreaux nacrés le tapissent, donnant l'illusion qu'il est glissant, incitant à la prudence quiconque y poserait les pieds. Des étendards aux couleurs de la famille royale, rouge et or, pendent fièrement, réguliers sur chacun des murs. Ces bannières rouge vif, arborant une simple goutte couronnée, flottent comme un avertissement silencieux, le rappel du sang royal. Les murs, faits de pierres monumentales, confèrent à la pièce une ambiance morbide, presque funéraire, semblable à un tombeau. Cette atmosphère incite au calme et au respect dans les mots, comme si l'espace lui-même exigeait une déférence tacite.

En son centre, un promontoire de marbre, semblable à celui du sol, attend d'accueillir tablée d'émissaires ou bien des chefs de guerre, debout, élaborant des plans d'attaque sur une carte de Zoldello. Alors que Slikof laisse ses yeux se perdre sur le trône de fortune, placé dans le fond de la pièce, le Roi prend la parole, tranchant, sans détour.

— Ma fille va s'exiler.

— S'exiler ? Que voulez-vous dire ?

— Exactement ce que je viens de dire. Elle va partir. Ce soir. Elle sera plus en sécurité ailleurs.

— Doutez-vous de nos capacités à protéger la famille royale ? s'indigne Slikof, une lueur d'offense dans les yeux.

— Jamais. Mais l'ombre du danger n'a jamais été aussi persistante. Je crains que nous n'ayons pas les ressources nécessaires pour parer toutes ces menaces.

Slikof reste silencieux, pensif. Le Roi n'a pas tort. Depuis la Dernière éclipse, leurs détracteurs exploitent leur faiblesse militaire pour frapper sans retenue.

— Suis-je de la partie ? s'enquiert-il, une lueur d'inquiétude dans la voix.

— J'aimerais. Je serais rassuré de vous savoir à ses côtés.

— Elle sera seule ?

— Non, Kylburt sera avec elle.

— C'est une bonne chose, souffle-t-il, comme un poids en moins sur la poitrine.

Gotbryde se penche légèrement, mettant Slikof dans la confidence, lui soufflant à l'oreille le lieu d'exil de sa fille. Un repli discret, au cœur d'une partie reculée du Royaume. Un coin de Zoldello, peu fréquenté, à plusieurs dizaines de kilomètres du premier village.

— Qui nous récupère ?

— Je ne souhaite pas vous donner trop d'informations. Contentez-vous de les accompagner et de les mettre en sécurité.

— Bien.

Slikof hoche la tête d'un air entendu. Le Roi se lève, ses pas résonnent dans l'écho du Secrétoire, et la tension qui imprègne l'air persiste, tenace, comme l'odeur de la fumée qui flotte après l'extinction d'une bougie.


PIROS – CABINE DE KYBOP ET GUITRY

Loin des préoccupations qui agitent le palais d'Ultya, je repense au tumulte des déclarations du Gudjanien. Je n'arrive pas à saisir ce qu'il attend réellement de moi dans cette histoire rocambolesque.

— Je ne comprends rien...

Dire que je suis hors de moi est un euphémisme. Tout ce que Zorth nous annonce n'a aucun sens. Il reste si évasif.

Sauver l'univers ?

Comment ?

Pourquoi ?

De quoi ?

De qui ?

— Écoute, je ne vais pas me plaindre pour l'instant. On est plutôt bien accueilli ! Chambre quatre étoiles, nourriture appétissante, équipage sexy ! s'exclama Guitry en s'affalant sur le lit avec entrain.

— Tu devrais être plus méfiant, Guitry... Ça va finir par te causer des ennuis.

— De voir le verre à moitié plein ? S'amuse-t-il.

— Oui.

Guitry fait la moue.

— Il faut bien contrebalancer avec tes mauvaises ondes permanentes.

— Je n'ai pas de mauvaises ondes, m'agacé-je en tournant la tête.

— Si, tu as un mauvais Karma. Je le sens.

— C'est quoi, le Karma ? Arrête un peu avec tes croyances d'hérétiques.

Il éclate de rire et s'enfonce un peu plus dans le matelas.

— Mon Dieu. Allonge-toi, Kyb ! Ce lit, c'est quelque chose !

— Tu crois vraiment que je n'ai que ça à faire ? On est pris en otage dans un vaisseau qu'on ne connaît même pas, je te rappelle. On n'est pas là pour tester la literie ! bougonné-je en croisant les bras.

— En otage ? On est monté de notre plein gré, mademoiselle bras croisés.

— Je ne leur fais pas confiance ! On doit rester sur nos gardes !

— Sur nos gardes ? Tu as vu Zorth ? Un mauvais coup de vent et il disparaît.

— Zorth, oui, mais l'Adhara et le Capitaine, ce serait une autre paire de manches.

Guitry ne peut qu'acquiescer.

— Et si ça se trouve, ils ne représentent aucune menace ? suppose-t-il.

— Eh bien, ce sera tant mieux. Mais ça ne nous empêche pas de rester vigilants.

— Ok. Soyons vigilants, m'imite-t-il de manière exaspérée.

Je lui lance un regard menaçant qui n'a d'effet que de l'amuser.

Un bruit nous arrête dans notre conversation. Dans un glissement, la porte de la cabine s'ouvre. Nous tournons la tête en même temps pour voir qui vient d'entrer. C'est la scientifique dont j'ai avalé le nom. Les portes se referment derrière elle, et elle demeure immobile, les mains posées de manière militaire le long de son corps. Visiblement prête à nous dire quelque chose, solennellement.

— Ravis de voir que vous êtes bien installée. J'aimerais m'entretenir avec vous, Mlle Flokart. Si vous le voulez bien, déclame-t-elle sans exprimer aucune émotion.

Je remarque que les yeux de Guitry trahissent un certain intérêt pour cette jeune femme. Un éclair d'attirance fugace qui ne m'échappe pas. Je me lève et fais quelques pas dans sa direction, sentant une étrange tension.

— Qu'est-ce que vous me voulez ?

— J'aimerais vous emmener dans le laboratoire.

— Le laboratoire ?

L'expression de mon ami change brusquement, et je vois une ombre de méfiance traverser son visage.

— Pourquoi faire ? interroge-t-il, les sourcils froncés, suspicieux.

— Simple contrôle de routine. Je dois m'assurer que tout le monde est en bonne santé. Nous allons partager un espace clos pendant une longue période. Je ne voudrais pas que quiconque propage un quelconque virus. Au même titre que le Capitaine, responsable de la sécurité du vaisseau, je suis responsable de votre bien-être et de la bonne santé de tout l'équipage à bord du Piros.

Je fronce les sourcils, tentant de sonder ses intentions, mais elle reste implacable, les yeux fixés sur moi, comme une lame invisible qui attend de frapper. Ses mots résonnent, mais la froideur de son regard me déconcerte.

— Bon, d'accord... Je vous suis.

Sans un mot de plus, Sylice tourne les talons et ouvre la porte de notre cabine. En sortant, je lance un dernier coup d'œil à Guitry. Il me fait un signe de tête, comme pour assurer qu'il restera vigilant, mais, fidèle à lui-même, il se laisse retomber sur le matelas avec une nonchalance désarmante. Dans un roulement d'yeux exaspéré, je ne peux m'empêcher de penser qu'il est parfaitement légitime de douter sérieusement de sa prétendue vigilance.

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