II

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ZOLDELLO – PALAIS D'ULTYA

Drike et Bogz Tane traversent les couloirs sombres du palais, avançant prudemment sous la lumière tamisée de la nuit. Leur mission, dictée par Fiora Golt, les mène ici, dans l'espoir de retrouver la Princesse.

Alors qu'ils progressent avec discrétion, leurs pas les amènent devant une porte laissée entrouverte. À travers l'entrebâillement, ils aperçoivent le Roi Gotbryde, seul.

Dans la chapelle où repose Calyssia, sa défunte épouse, le souverain marche en rond, visiblement tourmenté.

— Qu'est-ce qu'il fait ? chuchote Drike, fronçant les sourcils.

— Aucune idée... répond Bogz, tout aussi perplexe.

Gotbryde n'est pas du genre à errer ainsi dans le palais, encore moins sans garde rapprochée. Pourtant, il semble absorbé par une inquiétude profonde.

Soudain, le Roi brise le silence, parlant d'une voix tremblante, presque à lui-même.

— Calyssia... J'ai des doutes. Je crains que Lilas soit leur cible, comme tu l'as été autrefois... J'espère avoir pris la bonne décision en la faisant embarquer à bord du Piros. Au moins, loin de Zoldello, elle est plus en sécurité, puis d'une voix plus basse, du moins je l'espère...

Drike attrape son frère par l'épaule, les yeux écarquillés.

— La Princesse n'est plus ici ?!

— Le Piros ? C'est quoi ça ? Je n'en ai jamais entendu parler, murmure Bogz, intrigué.

D'un geste autoritaire, Drike lui intime de se taire pour écouter la suite.

— J'ai veillé à ce qu'elle emporte l'Œil avec elle, poursuit Gotbryde, le regard perdu dans le vide.

— L'Œil ? répète Drike, en cherchant une explication dans les yeux de son frère.

Bogz hausse les épaules, incapable de répondre.

— On ne trouvera rien ici, conclut Drike. La Princesse est ailleurs.

— À bord du Piros ? devine Bogz.

— Oui, sûrement un vaisseau de leur flotte.

— Alors, qu'est-ce qu'on fait ?

Drike réfléchit un instant, le regard dur.

— On doit vérifier leurs registres militaires. Il doit y avoir des informations sur le Piros : sa localisation, son équipage, ses missions. Tout ça nous mènera à elle.

Les deux frères échangent un dernier regard avant de se détourner.

Derrière eux, Gotbryde reste seul, muré dans son chagrin. Sa silhouette vacille dans l'ombre de la chapelle, comme un homme englouti par une mer de doutes et de regrets. Les deux frères laissent ce poids derrière eux, l'esprit rivé sur leur quête.

Sans un mot de plus, ils quittent les lieux. Leur mission devient leur unique boussole, et le Piros, leur prochain objectif.

PIROS - COULOIR

Je fulmine, seule, en direction de ma cabine, mes pas précipités résonnant dans le couloir désert. Chaque mouvement semble me rapprocher de l'explosion qui bouillonne en moi. Je suis tellement obnubilée par la conversation que j'ai surprise entre Kydine et la Princesse que mes pensées s'entrechoquent, se bousculent, incapables de trouver un semblant de clarté.

— Je n'en reviens pas... La Princesse, cet idiot de Zorth et leur secret de polichinelle...

Tandis que je bougonne dans ma rage, je percute quelqu'un juste avant l'entrée de ma cabine.

— Vous ne regardez jamais où vous marchez ? s'énerve-t-elle.

C'est Lilas. Elle vient de me rentrer dedans, aussi inattentive que moi.

— Pardon ? Parce que vous regardiez, vous, peut-être ?

Elle grogne quelque chose en remettant son pantalon rouge en place.

— Toutes mes confuses, Votre Altesse, Reine d'un endroit inconnu !

Son indignation tord ses traits doux en une grimace furieuse. Elle s'approche de moi, son visage presque collé au mien, l'air menaçant. Elle ne supporte pas que je me moque d'elle, que je ne la prenne pas au sérieux.

— Mon Royaume n'a rien d'inconnu ! La seule inconnue ici, c'est vous ! Personne ne sait qui vous êtes, vous et votre toutou mal fringué !

Ses mots me transpercent comme une lame. Qu'elle ose parler de Guitry en ces termes fait monter en moi une colère brûlante. Personne n'a le droit de le rabaisser, personne sauf moi !

Sans réfléchir, je l'attrape par le cou et la plaque violemment contre le mur du couloir. Le contact froid du métal sur sa peau la fait frissonner, mais je ne la lâche pas. Mes doigts se resserrent légèrement autour de sa gorge.

— Je n'ai pas besoin d'être la Princesse de quelque royaume que ce soit pour être quelqu'un, Mademoiselle la Couronnée. Je n'ai pas besoin de vêtements de luxe pour exister, pas besoin de parler pour prouver mon charisme, pas besoin de garde du corps pour survivre. Je n'ai besoin que de moi-même. Je ne vis pas à travers un titre ou mes sujets.

Lilas ravale sa salive, ses yeux brillants d'un mélange de défi et de peur. Sa respiration s'accélère, mais elle reste là, à me fixer. Son attitude m'irrite davantage, et je sens ma main se soulever encore, prête à accentuer ma prise.

C'est à ce moment que Slikof surgit dans le couloir, son air impassible masquant à peine sa tension.

— Lâchez la Princesse. Immédiatement.

Je tourne lentement la tête vers lui, le défiant du regard.

— Sinon quoi ?

— Vous n'avez pas envie de le découvrir...

Ses yeux parlent pour lui : je vais trop loin. Je m'écarte finalement de la Princesse, lentement, pour lui montrer que je coopère... pour l'instant.

— Je ne sais pas qui vous êtes, Mirkof...

— Slikof ! grogne-t-il, vexé.

— Oui, peu importe.

Je balaie sa correction d'un froncement de sourcils. Comme Lilas, il m'observe avec une irritation mal contenue. Ses mains sont crispées, sa mâchoire serrée. Il est prêt à réagir à la moindre provocation.

— Je ne sais pas qui vous êtes, vous, votre Princesse et l'autre Brutus qui vous accompagne. Mais une chose est sûre : je ne suis pas à votre service. Ni celui de votre Royaume, ni celui de votre foutu Roi.

— Personne ne vous le demande, rétorque-t-il froidement.

— Dites ça à votre ami Zorth, qui a fait exploser notre mine avant de nous embarquer dans cette histoire.

Slikof reste interdit. Il ne sait visiblement pas ce que je fais ici, lui non plus. Lilas se détourne pour le rejoindre, me lançant un regard narquois au passage. Je reste immobile, figée dans ma colère, attendant que leurs pas s'éloignent enfin dans le couloir.

Lorsque je suis enfin seule, je me précipite dans ma cabine, claquant violemment la porte derrière moi.

PIROS - COCKPIT

Kydine vient d'entrer dans le cockpit, accueilli par un Dogast débordant d'enthousiasme. Son sourire large et ses yeux pétillants sont des signes évidents : il sait que chaque apparition de Kydine annonce de nouveaux horizons à explorer. Et pour Dogast, c'est bien plus qu'une mission ; c'est une invitation à l'aventure. Lorsqu'il voit Kydine franchir le seuil, il se redresse dans son siège, tout frémissant d'excitation.

— Alors, Capitaine ? Quand arriverons-nous sur Terre II ? demande Zorth, impatient.

Dogast jette un coup d'œil aux données sur son tableau de bord avant de répondre.

— Dans une heure, trente-quatre minutes et vingt-trois secondes. Vingt-deux, vingt-et-un, vingt...

— C'est bon, c'est bon, j'ai compris, Capitaine, s'amuse Zorth en lui tapotant amicalement l'épaule. Mettez le cap sur la ville de Durian. C'est là qu'on devrait le trouver.

— C'est qui ? demande Kydine.

— Un physicien. Il travaille pour l'ASIPY, répond Zorth.

— Oh, encore un génie ! s'exclame Dogast, un sourire en coin.

— Je l'espère, Dogast... Je l'espère...

DURIAN - CELLULE DU COMMISSARIAT

Cela fait déjà trois heures qu'ils sont enfermés, et Fyguie ne tient plus en place. Il arpente la pièce, ses pas nerveux résonnant contre les murs miteux de la cellule. De son côté, Houda se morfond dans son lit, l'air de plus en plus exaspéré.

— Écoute, je suis désolée ! Combien de fois vais-je devoir le dire ?! tonne Houda, la frustration dans la voix.

Fyguie s'arrête un instant, la fixe intensément, puis reprend sa ronde frénétique autour de la cellule.

— Pfff... laisse-t-elle échapper, se laissant retomber sur son matelas avec un soupir de désespoir.

Houda lève les yeux au ciel. Cela fait des heures qu'elle répète la même chose, mais rien ne semble apaiser son ami.

Le loquet de la porte claque soudainement, annonçant l'arrivée de quelqu'un. Cette fois, c'est la Commissaire qui entre en premier. À voir son visage, Fyguie et Houda échangent un regard d'angoisse, se disant que ce pourrait bien être leur dernier instant de liberté.

— Dégagez de mon établissement. Je ne veux plus vous voir ici tous les deux, ordonne la Commissaire d'une voix ferme.

Les deux scientifiques restent là, figés. C'est la dernière chose à laquelle ils s'attendaient. Est-ce bien elle qui vient de leur dire qu'ils pouvaient partir ? Un silence lourd s'installe, entre stupéfaction et incompréhension.

— Si vous ne partez pas tout de suite, je vous enferme ici et je vous laisse crever, lance la Commissaire, la voix glaciale et déterminée.

— Ok ! On y va ! répond Fyguie d'un ton rapide, se dirigeant déjà vers la sortie sans attendre son reste.

Houda bondit de son lit, traverse la pièce en quelques pas et le rejoint, un sourire éclatant de soulagement sur le visage. Birland, immobile, les bras croisés, les observe sans bouger. Elle les laisse frôler son corps en sortant de la cellule, comme si ces derniers redoutaient de la heurter, de la froisser, ou pire, de la faire changer d'avis. Ils l'esquivent comme on éviterait un buisson d'orties, presque par réflexe, les yeux évitant soigneusement tout contact.

Une fois dehors, ils aspirent profondément l'air chaud de Durian, un sentiment de liberté presque inespéré les envahissant instantanément. Un véritable retour à la vie. Le soleil brille avec une intensité rare, noyant les rues d'une lumière éclatante. Les gens déambulent joyeusement, les magasins débordent de clients pressés, et la rue du Commissariat est devenue un véritable marché ambulant, vibrant de bruits et de mouvements. Ils s'éloignent lentement du bâtiment, comme s'ils avaient besoin de se convaincre que cette liberté n'était pas un mirage. Un dernier regard, presque nostalgique, se pose sur le commissariat, dont les murs, encore marqués par l'explosion de la veille, semblent résonner des échos de leur évasion. Le poids de la captivité se dissipe peu à peu, mais ils savent qu'ils viennent d'échapper au pire.

— Putain, on est libres ! célèbre Houda en levant les bras au ciel, une joie évidente dans la voix.

— Rappelle-moi de ne plus jamais boire un coup avec toi, grince Fyguie, l'air encore agacé.

À l'intérieur du poste de police à moitié en ruine, Milo et Birland discutent des événements, leurs yeux fixés sur la scène extérieure avec un agacement palpable. Ils les observent, les bras croisés, comme deux chatons qui viennent de se réveiller, s'étirant paresseusement au soleil. Il y a une certaine irritation dans leurs gestes, une tension invisible qui se dégage de leur posture. Comme s'ils ne pouvaient accepter de les voir respirer l'air libre après tout ce qu'ils avaient causé. Leurs regards sont chargés d'une désapprobation non dissimulée, et ils semblent se retenir de les suivre, de leur rappeler qu'ils ne méritent pas une telle liberté.

— On va garder un œil sur eux. Ces deux idiots, on a failli provoquer un vrai chaos, soupire la Commissaire.

— Ouais, je sais, ça a failli déraper, répond Milo avec un léger sourire, comme si l'ironie de la situation n'échappait à aucun d'eux.

Birland lance un regard à son collègue, un regard qui en dit long sur la complicité qu'ils partagent. Puis elle prend son arme de service sous le bureau, son expression déterminée.

— On les suit toute la journée, dit-elle d'un ton résolu, déjà prête à sortir.

Milo hoche la tête, son regard pétillant d'une lueur de camaraderie.

— Ok, Chef ! répond-il avec un entrain presque enfantin.

Ils échangent un sourire complice, l'un sachant exactement ce que l'autre pense. Puis, avant de se lever, Milo pose sa main sur son ventre qui crie famine.

— Floggy's ce midi ? propose-t-il avec un petit air presque amical, en espérant alléger l'atmosphère.

— Tu me poses vraiment la question ? répond Birland, un sourire en coin, bien consciente que ce repas est désormais une tradition entre eux.

L'instant d'après, ils se lèvent, quittent ce qu'il reste du commissariat en silence, prêts à suivre Fyguie et Houda, leur travail de filature déjà en tête.

PIROS - CABINE DE KYBOP ET GUITRY

Lorsque j'entre dans la cabine, Guitry est avachi sur son lit, à moitié conscient, son corps semblant avoir épousé les bras de Morphée. Mais une sensation pressante me pousse à lui parler.

Putain, je ne vais rien pouvoir en tirer de celui-là, pensé-je, agacée.

Je m'approche de lui et le secoue doucement, espérant un signe, un mouvement, un soupir. Mais il reste parfaitement immobile. Pas la moindre réaction.

— Il est mort, ou quoi ? Tant pis, je m'en fous...

Je lâche un soupir frustré et m'installe à côté de lui, imitant son corps échoué sur le matelas. La fatigue pèse sur mes épaules, et je me laisse aller dans une sorte de complicité silencieuse avec lui, comme si cette lourdeur m'avait envahie.

— Ce n'est pas vrai... C'est un nuage ou quoi ? Cet idiot avait raison ! Les matelas sont incroyables.

Mon corps s'alourdit davantage. Mes paupières se ferment lentement. Et là, juste quand je m'apprête à sombrer, un visage flou surgit au-dessus de moi.

— Flokart, marmonne Sylice à mon visage.

Je grogne, à peine consciente.

— Ho... Ce n'est pas vrai... Mais lâchez-moi à la fin !

— Suivez-moi au labo. Je dois vous montrer quelque chose.

Un instant, je me laisse aller à la tentation de rester là, juste une seconde de plus, de céder au confort du matelas. Mais non. L'irritation de devoir interrompre ce moment de calme me prend à la gorge. Je fais un effort surhumain pour forcer mes muscles à se redresser, bien que mes paupières soient aussi lourdes que des pierres.

— Seulement si c'est intéressant, madame le Robot !

Sylice ne semble même pas relever l'ironie dans ma voix. Son regard est plus déterminé que jamais, comme si elle allait m'annoncer la découverte du siècle. C'est presque risible. Je sais bien que les scientifiques, avec leur air sérieux et leurs grands gestes, arrivent à nous faire croire qu'ils détiennent la vérité universelle alors qu'il s'agit bien souvent de la simple découverte d'un nouvel atome, d'une composition de matière ou d'une quelconque réaction chimique. Des choses qui n'ont aucune incidence sur la vie de gens comme moi, juste là pour faire briller leurs égos.

Elle s'approche, les yeux pleins d'espoir, mais moi, tout ce que je vois, c'est une autre de ses révélations futiles qui ne changera rien à notre quotidien. Comme si un petit détail scientifique allait soudainement éclairer les galères dans lesquelles on s'enfonce. C'est à se demander pourquoi ils n'arrivent jamais à se rendre compte qu'on ne partage pas leur ferveur pour tout ce qui brille sous un microscope.

— Vous n'imaginez pas à quel point... me répond-elle avec un sourire énigmatique.

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