II
PIROS - LABORATOIRE
Alors que je suis toujours dans le laboratoire avec Sylice, qui vient de remplir mon esprit étriqué de toutes sortes d'informations, l'alarme du Piros retentit. Un son strident, presque métallique, résonne dans mes oreilles, me faisant sursauter malgré moi.
Une voix, calme mais ferme, emplit les haut-parleurs. C'est Monsieur Zorth Kydine, notre meneur du dimanche. Il a ce ton si particulier, un mélange de sérieux et d'énergie décalée par rapport à la situation.
— « Messieurs, Mesdames, nous venons d'entrer dans l'atmosphère de la planète Terre II. Atterrissage prévu dans deux minutes. »
Le message se coupe brutalement. Sylice me jette un regard aussi glacé que d'habitude, comme si l'annonce n'avait eu aucun effet sur elle. Et, comme toujours, c'est Zorth qui nous prévient avec cette légèreté habituelle, comme si tout était sous contrôle.
La descente du vaisseau commence, et je décide de rejoindre Guitry dans la cabine.
PIROS - CABINE DE KYBOP ET GUITRY
Quand j'arrive dans nos quartiers, je le trouve assis sur le bord du lit, émergeant difficilement d'un sommeil trop lourd.
— Mec, faut qu'on parle !
Sa bouche s'ouvre, mais aucun son n'en sort. Seule l'alarme continue de hurler dans mes oreilles. Puis une nouvelle annonce se fait entendre.
— « Rendez-vous sur le pont. Je vous y attends, » ordonne Zorth sur un ton enjoué.
Tant pis... Les révélations attendront.
— On est arrivés sur Terre II ? marmonne-t-il dans un bâillement.
— Oui, Guitry... Tu penses à ce que je pense ? »
Il me connaît trop bien pour ne pas saisir le sous-entendu.
— Oui... On fait bonne figure et dès que l'occasion se présente, on...
— On s'tire.
Je finis sa phrase d'un sourcil haussé et d'un sourire complice aux lèvres. On scelle notre plan d'un check franc et énergique avant de partir en direction du pont, la tête pleine de rêveries.
PIROS - PONT DU VAISSEAU
Toute l'équipe est présente, attendant patiemment les instructions de notre cher Zorth Kydine. Sans aucune introduction, il annonce un prénom, celui de la personne que nous sommes apparemment venus chercher.
— Fyguie. Voici le prénom de la personne que nous recherchons.
Il soulève une photo au-dessus de sa tête. Toutefois, en raison de sa petite taille, ceux à l'arrière doivent se pencher un peu pour la voir. Un peu agacé, il s'approche et montre l'image à chacun de nous, un par un.
— C'est un physicien. Il travaille pour l'ASIPY. Retrouvez-le et ramenez-le... vivant. Dois-je le préciser ?
Personne n'a l'air de savoir par où commencer.
Comment retrouver ce type ?
— Ah, j'allais oublier ! Il est ici !
D'un geste vif du poignet, Zorth active un dispositif lumineux. Un hologramme tridimensionnel de la ville se déploie soudainement au-dessus de nos têtes, flottant dans l'air comme une carte animée. Les bâtiments se dessinent en détails, chaque rue, chaque ruelle, chaque zone bien délimitée.
— Lui, c'est le petit point rouge, là. Nous l'avons géolocalisé grâce à son ADN, que nous avons retrouvé dans les fichiers de la police de Durian, explique Zorth en pointant du doigt le minuscule repère lumineux qui scintille sur la carte.
Le silence s'installe un instant alors que tout le monde scrute l'image avec attention. Kylburt, manifestement inquiet, brise le calme :
— Ce type est fiché ? demande-t-il d'une voix hésitante.
Zorth laisse échapper un petit rire, étouffé, comme s'il trouvait la question absurde.
— Oui, nous avons de la chance. Cela fait à peine un jour qu'il est inscrit dans leurs bases. Mais rassurez-vous, il est tout à fait inoffensif, pour le moment, dit-il avec un sourire en coin.
— Et alors ? On part tous en troupeau à sa rencontre ? lance Guitry d'un ton enjoué, notre plan d'évasion toujours en tête.
— Non, Guitry. Je voudrais que la plupart d'entre vous restent en retrait. La Princesse, ainsi que Sylice, resteront à bord, dit-il en jetant un regard tendre, auquel seule Lilas répond. Le Capitaine Dogast, Binny et moi-même resterons prêts à toute éventualité, ici même. Slikof, Kylburt, je vous demande de suivre discrètement Mme Flokart et M. Holt. Quant à vous... Il me fixe d'un regard insistant. J'aimerais que vous alliez lui parler.
— Moi ?
— Oui, vous ! Nul autre que vous ne serez mieux placé pour cette mission.
Zorth est devenu fou.
Il croit vraiment que je suis assez diplomate pour convaincre quelqu'un de monter à bord de ce vaisseau maudit ?
C'est une mission pour un fourbe comme Slikof.
La porte du pont s'ouvre vers l'extérieur, ne me laissant pas le temps de discuter. De toute façon, peu importe. Dès que Slikof et Kylburt baisseront leur vigilance, Guitry et moi plierons bagage.
ZOLDELLO – BASE MILITAIRE
Les deux frères s'infiltrent discrètement dans le quartier des archives militaires. Leur démarche furtive les mène directement vers le registre des missions. L'ordinateur est déjà allumé, offrant l'accès aux journaux de bord de la flotte.
— Ok... Piros... Voyons voir.
Drike tape frénétiquement le nom du vaisseau sur le clavier.
— Rien... gronde-t-il, frustré.
— T'es sûr ?
Un coup brutal dans l'épaule de Bogz, qui manque de perdre l'équilibre.
— Je t'ai dit qu'il n'y a rien. T'en doutes ?
Les regards des deux hommes se croisent, prêts à s'affronter comme à leur habitude.
— Ok... marmonne Bogz, serrant les dents.
Drike appuie encore sur les touches, cherchant "Piros" sous toutes ses formes, mais le résultat est le même : aucune trace. Comme si ce vaisseau n'avait jamais existé.
— Bon, changement de méthode...
Il sort une liste des capitaines en mission pour le Roi. Onze noms s'affichent.
— Regarde ça !
Bogz s'approche, perplexe, et scrute l'écran.
— Ce sont des noms ?
Drike lui assène un autre coup dans l'épaule.
— Fais un effort, bordel ! Chaque nom est accompagné d'un vaisseau, sauf un.
— Hooo... fait Bogz, feignant soudainement de comprendre.
— Tu connais beaucoup de capitaines qui mènent une mission sans vaisseau ?
Un sourire s'épanouit sur le visage de Bogz, alors qu'il comprend enfin.
— C'est lui qu'on cherche, alors.
— Bingo, frérot. On dirait bien que quelqu'un a une mission secrète... Allez, cherchons ce Capitaine Crylon Dogast...
TERRE II – VILLE DE DURIAN
Je traîne des pieds. Tout ce goudron, ces buildings... Ce n'est vraiment pas mon truc.
— Putain, je déteste cet endroit...
— C'est une blague ?! Regarde-moi ça !
Guitry tourne sur lui-même, les bras écartés, les yeux pétillants de joie.
— C'est le futur ! L'avenir, Kybs !
— On dirait deux clodos, Guitry.
Zlikof et Kylburt se moquent ouvertement de ma mauvaise humeur.
— Vous marquez un point, Mlle Flokart, taquine Slikof, avec un ton prétentieux.
Je me retourne vers lui, le regard glacial.
— C'est bon, Slikof, pas la peine d'en rajouter...
Kylburt, pour alléger l'atmosphère, donne une tape amicale dans le dos de Slikof.
— Vous avez l'air de deux ploucs sortis d'un château. Je ne me permettrais pas de trop en rajouter à votre place, lancé-je avec un sourire moqueur.
— Mais c'est exactement ce que nous sommes, Mlle Flokart, réplique fièrement De Xylis.
— Des Ploucs Royaux, renchérit Kylburt, les sourcils haussés.
Cette remarque fait éclater de rire Guitry. Je le fixe, un goût amer de trahison dans la gorge.
— T'as vraiment rigolé avec ces deux clowns ?
Après une marche sous un soleil de plomb, nous arrivons enfin devant le fameux Floggy's, où notre cible semble être en train de se remplir la panse.
— Allez-y. Entrez tous les deux, on reste à l'affut, organise Slikof.
Même si je n'apprécie pas vraiment leur compagnie, je leur accorde une certaine confiance en tant que vigies. J'entre dans le restaurant, scrutant l'endroit. Guitry me saisit par le poignet.
— Là. Il est juste là.
Un coup de menton dans sa direction me désigne la cible. Et effectivement, c'est bien lui. Fyguie. Ce que je découvre de lui à cet instant : un homme de taille moyenne, mais dont la silhouette fine lui confère une impression de fragilité. Ses cheveux noirs comme de l'encre sont coupés courts sur les côtés, laissant une masse ondulée et volumineuse sur le dessus.
Ses yeux, d'un bleu éclatant, presque glacé, sont derrière des lunettes rondes à la monture fine, qu'il ajuste sans cesse, comme un tic. Ce regard clair, doux, presque naïf, dégage une innocence enfantine. Ses sourcils épais accentuent l'intensité de son regard. Pourtant, rien dans ses traits ne trahit la moindre rudesse. Son expression évoque plutôt la gentillesse d'un chiot, docile et attentif.
On dirait un homme qui passerait ses journées à scruter des microscopes ou à résoudre des équations complexes, absorbé dans ses découvertes au point d'oublier de s'occuper de lui-même. L'effort physique semble être son dernier souci. Mais malgré son apparente négligence de son corps, il n'en reste pas moins élégant. Une grâce naturelle émane de lui, comme si son esprit se traduisait dans sa posture et sa tenue soignée.
Fyguie est un homme d'esprit, délicat, dont la seule forme de violence qu'il semble comprendre est celle de l'injustice intellectuelle. Il incarne l'antithèse de la brutalité.
Mais il n'est pas seul. Trois femmes l'accompagnent à la table.
À mon tour de jouer. Quand il faut y aller... faut y aller.
— Allez, on y va. On va lui parler à ce Fyguie.
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