I

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DURIAN - FLOGGY'S

Avec Guitry, nous avançons lentement vers la table de Fyguie. Je décide d'y aller franchement, comme si tout était parfaitement normal.

— Salut.

Manko et Varane tournent la tête comme si je venais de leur cracher dessus. Leurs regards, acérés comme des lames, me fusillent sur place. Les deux autres restent figés, leurs yeux brillants d'une méfiance inquiète.

— Qui êtes-vous ? demande la femme aux cheveux de feu, la voix glacée.

Lofy et Milo, postés au fond du restaurant, nous observent. Leurs visages marquent l'hésitation.

— C'est qui ces deux-là ? murmure Milo.

Lofy hausse un sourcil, agacé.

— Inconnu au bataillon... lâche-t-elle avec un soupir sarcastique.

À la table de Fyguie, l'ambiance se tend encore. Je la sens dans l'air, cette hostilité presque palpable. C'est comme si chaque regard portait le poids d'une menace silencieuse.

— Et vous, vous êtes qui ? intervient Brizbi, sa voix dure et tranchante.

Je m'avance encore, posant mes mains sur la table dans un grincement exagéré.

— Mon identité ne vous regarde pas, répondis-je avec un sourire provocateur.

La tension monte d'un cran. Manko Krane, les mâchoires serrées, échange un regard d'acier avec Varane.

— Vous feriez bien de surveiller votre ton, grogne Krane, une menace à peine voilée dans sa voix.

Elle me dévisage, ses pupilles dilatées, ses traits tendus comme ceux d'un prédateur jaugeant sa proie.

Varane éclate de rire, son ricanement sec brisant l'ambiance oppressante.

— Vous ne savez vraiment pas à qui vous avez affaire, hein ? murmure-t-elle en s'enfonçant dans sa chaise, un sourire cruel étirant ses lèvres.

Elle se redresse légèrement, l'air amusé.

— Oser parler à Manko Krane de cette façon ? Vous êtes inconscients, ou juste suicidaires ?

Varane éclate de rire, un ricanement sec, se repliant davantage dans sa chaise comme si elle assistait à un spectacle, un sourire cruel se dessinant sur ses lèvres.

— Écoutez-moi bien, vous n'êtes visiblement pas du coin, reprend Krane entre ses dents, mais personne ne me parle sur ce ton...

Elle appuie chaque mot avec un sourire carnassier, comme un avertissement pour que je fasse bien attention aux mots qui vont franchir mes lèvres. Mais c'est trop tard. Mon cœur s'emballe, le sang affluant dans mes tempes. L'adrénaline et le cortisol s'enflamment dans mes veines. Il n'est pas question que je baisse d'un ton. Pas maintenant.

— Je ne sais pas qui vous êtes, Manko Krane, et je m'en contrefous, répliqué-je, ma voix coupante. Ce que je sais, c'est que je suis ici pour parler à Fyguie. Vous pourriez être la Reine de la Galaxie, je n'en aurais toujours rien à foutre.

Cette Manko Krane n'en revient pas. L'audace dont je fais preuve la laisse sans voix. Brizbi, qui était restée assise jusqu'à présent, se redresse d'un bond, son regard devenu aussi tranchant qu'une lame. Krane, de son côté, prend une grande inspiration, ses yeux plissés tentant de contenir la colère qui menace de déborder.

Les deux policiers échangent un regard furtif, réalisant que les choses viennent de prendre une tournure bien plus sérieuse. Leurs mains se crispent autour de leurs ceintures, prêts à dégainer à tout moment.

— Merde... Ça dégénère, susurre Birland à son binôme.

Dans un fracas brutal, les chaises basculent. Les policiers se lèvent d'un bond, leurs gestes précipités projetant une onde de tension à travers la pièce.

Manko Krane réagit sans hésitation. Dans un mouvement fluide et précis, elle sort une arme de sa ceinture et la braque droit sur eux. Les deux policiers se figent, leurs mains suspendues dans un geste inachevé, mais l'hostilité dans l'air est palpable, prête à éclater.

L'espace entre nous est devenu un champ de mines, un fil invisible tendu au point de rupture.

C'est alors que Milo hurle, sa voix tranchant l'atmosphère comme une alarme incendie :

— TOUT LE MONDE À TERRE !

Certains obéissent instantanément, se jetant au sol, tandis que d'autres foncent vers les sorties de secours et l'entrée. La panique s'installe, créant une confusion totale.

Parfait ! C'est maintenant ou jamais !

Je saisis le bras de Fyguie, qui n'a pas le temps de réagir. Les détonations éclatent autour de nous, résonnant dans l'air. Leurs armes de guerre, bien trop puissantes pour une fusillade à bout portant, transpercent l'espace. Des éclats de tables et d'objets volent en tous sens, comme une pluie d'étoiles mortes. Les deux policiers, désorientés, peinent à riposter avec leurs petits calibres.

Dans un geste rapide et chevaleresque, Guitry saisit la jeune femme qui accompagnait notre cible initiale. L'urgence nous presse : nous fonçons vers la porte derrière le comptoir, l'enfonçant sans hésiter pour déboucher dans les cuisines.

— Restez baissé ! ordonne Guitry.

J'entends des hurlements et des explosions juste derrière nous. Il faut qu'on sorte rapidement, mais Slikof et Kylburt sont toujours à l'extérieur.

Alors que la bataille fait rage dans la pièce d'à côté, je réalise que nous n'avons rien pour nous défendre. La seule option qui nous reste est de passer par la porte de sortie à l'arrière du bâtiment. Je pousse la poignée, qui devient notre ticket de sortie vers la survie. Une fois dehors, nos deux anges gardiens sont prêts à nous accueillir.

— On ne vous a pas vue sortir par-devant, on s'est dit qu'il fallait voir les autres issues ! informe Slikof.

Entre le vacarme, la panique et les détonations, il est difficile de s'entendre.

— Vous avez une arme ? demandé-je dans l'urgence.

— Non, nous ne sommes pas armées ! On doit repartir au plus vite vers le Piros.

Slikof jette un coup d'œil pour s'assurer de la présence de Fyguie.

— Il est avec vous ?

— Oui ! Balance Guitry en levant le ton pour être certain d'être entendu.

Kylburt désigne Houda dans un mouvement du menton.

— Elle ? C'est qui ?

— Où que nous allions, elle vient avec nous ! lance Fyguie sur un ton protecteur, tout en l'attrapant par la main.

— Oui, elle vient, confirme Guitry.

Personne ne prend le temps de discuter, l'urgence est bien trop pressante. Nous nous lançons dans une course effrénée à travers cette ville agitée. Je ne suis même pas sûr que les deux femmes soient réellement à nos trousses, mais une chose est certaine : nous devons partir. Sans armement, nous ne sommes que des cibles sur pattes. Il n'est pas question de leur donner l'opportunité de nous rattraper.

Le souffle court, le Piros apparaît enfin au loin, son pont qui se déploie comme un refuge, une promesse d'évasion.

— GUITRY !

Il se tourne vers moi, son regard affichant une lueur d'espoir. C'est le signal. C'est notre chance de voler de nos propres ailes. Je dévie brusquement sur la droite, et il me suit, un peu trop rapidement. Un instant, tout semble se synchroniser, mais une étrange sensation me retient.

Est-ce la promesse que nous nous sommes faite à bord du Piros ?

Ou la peur de l'inconnu qui se profile au bout du chemin ?

Slikof repère immédiatement notre manœuvre et stoppe sa course. Son regard, incertain, se fait intense. Il hésite.

Doit-il nous suivre ou continuer sa course vers le vaisseau ?

Zorth, qui surveille depuis le pont, hurle notre nom dans un cri désespéré :

— NE PARTEZ PAS, KYBOP !

Je ferme les yeux, une douleur sourde me serre la poitrine. C'est plus qu'une simple hésitation. C'est un déchirement. Tout me pousse à partir, mais cette voix... Il est difficile de l'ignorer. Pourtant, l'instant suivant, nous reprenons notre course, fuyant vers la liberté, mais la réalité nous rattrape plus vite que prévu.

Deux silhouettes familières surgissent, menaçant de briser notre élan. Cheveux rouges se tient face à nous, accompagnée de la folle à la cicatrice en croix, prêtes à en découdre, armes à la main. Krane me vise, son fusil gigantesque braqué sur moi comme un jugement implacable. Mais alors qu'elle se prépare à tirer, une voix perçante éclate dans la rue :

— BARREZ-VOUS ! hurle Milo, son ton furieux déchirant l'air.

Les policiers arrivent en trombe, ouvrant le feu dans leur direction. C'est une course contre la montre, un chaos total.

Slikof, qui nous a finalement rattrapés, m'attrape violemment par le coude, me forçant à rebrousser chemin vers le Piros. L'élan de liberté qui m'animait quelques secondes plus tôt s'évapore dans la violence de la situation. Plus aucun choix ne s'offre à nous. Je me résigne, laissant mes jambes me porter vers le vaisseau, mon cœur lourd de ce renoncement.

À peine mon pied posé sur le pont, le vaisseau décolle, emportant avec lui tout espoir d'évasion.

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