I

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EREDET

Nous avons quitté le Piros pour poser le pied sur Eredet, une planète où la nature, loin de toute civilisation, a repris ses droits de manière aussi impressionnante qu'incontrôlable.

L'environnement d'Eredet est une véritable révélation. L'air lourd d'humidité tropicale imprègne chaque recoin de la forêt, mêlant des odeurs terreuses à des parfums inconnus. Devant moi, une mer de verdure luxuriante semble avoir été oubliée par le temps, engloutissant tout sur son passage. Des arbres colossaux, aux troncs aussi larges que des maisons, s'élèvent vers le ciel, leurs cimes se fondant dans des nuages bas, formant une voûte de feuilles épaisses qui tamise la lumière du soleil.

Le spectacle est impressionnant, presque irréel, comme si la nature avait pris sa revanche sur un monde qui l'avait trop longtemps maltraitée. Les sons sont tout aussi intenses : un bourdonnement incessant d'insectes et d'animaux invisibles, ponctué des chants d'oiseaux exotiques dont les couleurs vibrent entre les feuillages. L'atmosphère elle-même semble vivante, bouillonnante d'activité. Cette planète n'a finalement rien d'inhabité.

Je repense à mes jours passés dans ma cellule d'Eltanin, observant par une fenêtre sale un désert de neige immobile. Je surfais alors sur les pages de mon ordinateur, me perdant dans des images de planètes inconnues. Jamais je n'aurais imaginé que la réalité surpasserait à ce point mes attentes. L'intensité de cette nature me subjugue. La forêt me rappelle la puissance brute de l'univers, bien plus vivante que n'importe quel bâtiment ou cité.

S'il est une chose que j'apprécie depuis notre départ d'Eltanin, c'est bien la découverte des autres mondes qui peuplent l'espace infini.

— Kybop ? Vous êtes toujours avec nous ? interroge Kydine, remarquant son air distrait.

— Oui... Zorth... Savez-vous où nous allons ?

Il s'arrête devant un arbre immense, s'adossant contre son tronc. Sa posture parle d'elle-même : épaules voûtées, tête inclinée... Tout en lui trahit un profond désarroi.

— Il serait peut-être temps de nous dire les choses Zorth...

Kydine se retourne pour nous faire face, l'air déterminé.

— Je sais que nous devons être ici, affirme-t-il avec panache.

— Vous savez ? Mais qui vous a demandé de venir ici ? questionné-je, non sans impatience.

— La Prophétie, rétorque-t-il, index redressé.

Je réalise soudainement qu'il ne lève ce doigt que lorsqu'il est certain de l'information.

— Donc, cette Prophétie affirme qu'on devait venir ici ? dis-je, un sourcil arqué.

— Tout à fait !

— Sérieusement ? C'est tout ? ajouté-je, en levant les yeux au ciel avec exaspération.

— Elle a raison, Zorth. Inutile d'entretenir le mystère, rétorque la princesse avec un brin d'agacement. Si nous voulons mener cette mission à bien, tout le monde doit être sur la même longueur d’onde. Nous sommes bien dans le même camp, n'est-ce pas ?

Lilas, fidèle à elle-même, ne supporte pas les secrets et veut des explications, tout comme moi. Binny, de son côté, observe en silence, légèrement en retrait. Vigilante, elle adopte l’attitude d’une proie, attentive au moindre signe de menace autour de nous.

— Vous ne nous faites pas confiance ? demandé-je avec sincérité.

Cette dernière phrase semble l'offusquer.

— Bien sûr que si !

— Alors retournez les cartes, et laisser nous les déchiffrer avec vous !

Je ne la regarde pas directement, mais ma vision périphérique suffit pour deviner que la princesse m'appuie. De légers mouvements de tête, à peine perceptibles, viennent ponctuer chacun de mes propos. Finalement, Zorth laisse échapper un long soupir. Impossible de dire s'il exprime du soulagement ou une forme de reddition.

— Ce que je sais d’Eredet se résume à cette description tirée du livre : Eredet : planète apparemment déserte, mais qui dissimule en son cœur l’Oracle.

Binny, restée silencieuse jusqu'à présent, prend soudain la parole.

— L'Oracle est ici ?!

Ses yeux écarquillés et son expression surprise trahissent qu'elle sait de qui il s'agit.

— D'après le livre, oui, il est censé être...

Elle ne lui laisse pas le temps de finir sa phrase. Emportée par son excitation, Ristoc l’attrape et le secoue joyeusement.

— Mon Dieu, mais c'est incroyable ! Vous savez depuis combien de temps mon peuple le cherche ?!

Zorth, décontenancé par cette agitation, tente de reprendre son récit.

— Votre peuple cherche l'Oracle ?

— Oui ! Depuis des siècles ! Tous les cinquante ans, un nouveau Porteur de Lanterne est désigné. Parfois même plus tôt, si le porteur actuel disparaît ou ne donne plus signe de vie... ajoute-t-elle dans un murmure étouffé.

— Un Porteur de Lanterne ? intervient Lilas.

— Oui, une personne de la tribu. Désignée par les anciens et les deux lunes. Elle a pour mission de trouver l'Oracle ! Et vous êtes en train de me dire que c’est lui que l’on va voir ?!

Elle relâche Zorth et se prend la tête, agitant son corps dans tous les sens. Les informations se bousculent dans ma tête, et une envie pressante de lui poser la question s’impose à moi.

— Binny ?

— Oui ? répond-elle, ses yeux trahissant son excitation.

— Tu es le Porteur de Lanterne ?

— Oui ! C’est moi ! C’est pour ça que je voyage à travers les Galaxies depuis bientôt six ans ! C’est ainsi que j’ai rencontré Zorth au cours de l’un de ses voyages ! Le Porteur n’a pas le droit de revenir sur Adhara tant qu’il n’a pas trouvé l’Oracle, et lorsque ma route a croisé celle de Sieur Kydine, l’occasion était trop belle pour moi. Je me suis dit que j’allais pouvoir parcourir l’espace, me joindre à sa mission, tout en poursuivant la quête pour mon peuple.

Sa voix s’éteint peu à peu, devenant inaudible à la fin de sa phrase. Puis son expression se fait plus grave.

— Mon père était Porteur de Lanterne avant moi. Il est parti quand j’avais seulement neuf ans. Je ne l’ai jamais revu.

Les mines sont désolées, et un silence lourd de compassion s’installe. Chacun semble à court de mots face à Binny, qui porte une mission cruciale, non seulement pour son peuple, mais aussi en mémoire de son père.

— Nous sommes attristés de l'entendre...finit par lui avouer Fyguie. Mais est-ce que je peux te demander pourquoi vous cherchez l'Oracle ?

Binny reprend rapidement ses esprits, portée par sa foi et son désir de partager ce sujet qui l’anime au plus profond de son âme.

— Dans nos croyances, la survie de l'univers dépend de la fertilité d'Adhara. Lorsque la floraison fait défaut, une planète disparaît quelque part. Si les Prunilles de la vallée d'Azélette ne mûrissent pas, une Éclipse se manifeste. Et lorsque nos papillons n’éclosent plus, un cataclysme survient. Selon notre livre des Anciens, un Oracle détient le Savoir, c’est-à-dire la capacité d’anticiper ces désastres et de protéger les peuples en danger. Bien que les Adharas soient reconnus comme de redoutables guerriers, nous sommes avant tout un peuple en harmonie avec la nature. Les Anciens Adharas possédaient ce Savoir et étaient vénérés à travers les Galaxies comme des sauveurs. Cependant, à la suite d’un événement tragique dont nous ignorons les détails, nous avons perdu ce Savoir. Depuis, un Porteur de Lanterne est désigné pour entreprendre la quête de sa redécouverte.

Zorth écoute avec attention. Il n’a visiblement pas connaissance de cette croyance. Les préceptes défendus par le Peuple Adhara, malgré leur violence apparente, sont toujours centrés sur la nature, élément indispensable à notre survie à tous.

— Voilà une histoire fort intéressante, Binny... Auriez-vous, par le hasard, des informations concernant l’Oracle dont je ne serais point informé ?

Elle réfléchit une seconde, levant les yeux au ciel.

— Dans nos écrits, l'Oracle se serait reclus dans les tréfonds.

— Zorth, il serait sage de procéder à un scan de la zone, suggère Fyguie, d’un ton peu assuré. J’ai observé que vous disposez de matériel de pointe à bord. Vous devez bien avoir les moyens de sonder le sol, n’est-ce pas ? S’il est question des tréfonds, il va de soi qu’il faille chercher sous la surface.

— C’est une excellente idée ! s’écrie Zorth, visiblement ravi.

Il établit aussitôt une connexion avec le vaisseau.

— Crylon, vous me recevez ?

— Positif, Zorth, cinq sur cinq !

— Pouvez-vous passer la planète Eredet au géoradar ?

Le géoradar est un appareil géophysique utilisant le principe d’un radar pointé vers le sol. Il permet d’étudier la composition et la structure du terrain, découvrant ainsi cavités naturelles ou tunnels.

L’équipe patiente quelques instants avant que Dogast ne nous indique plusieurs endroits.

— D'après les résultats, je détecte deux cavités importantes non loin de votre géolocalisation. L'une des deux est bien plus profonde que l'autre. Je dirais qu'elle descend facilement à 800 mètres sous le sol.

— Fort bien, merci Capitaine.

Kydine met fin à la communication d'un mouvement de poignet.

— Voilà les informations nécessaires pour nous y rendre. Partons sans tarder.

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