II

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Notre groupe s'enfonce dans les bois, où la végétation devient de plus en plus dense et luxuriante à chaque pas. Binny avance prudemment, toujours proche de la princesse, tandis que Zorth, en tête, s'impose tel un prophète, ses pas déterminés marquant le rythme du groupe. Quant à moi, je ferme la marche aux côtés de Fyguie.

Il suit mon rythme sans un mot. Le silence entre nous est présent, mais paradoxalement, sa présence ne m'est pas désagréable. Il est discret, réservé, tout l'inverse de Guitry. En le scrutant discrètement, je remarque une légère préoccupation sur son visage, une inquiétude presque imperceptible qui contraste avec son calme apparent.

— Stressé ?

Il semble tellement perdu dans ses pensées qu'il ne capte même pas ma question.

— Allô ? Il y a quelqu'un ? insisté-je en le poussant légèrement sur le côté.

— Oh... Pardon ! Tu disais ?

— Je te demandais si tu étais stressé ?

Fyguie me sourit vaguement, scrutant mon visage avec une insistance qui me met mal à l'aise.

— Quoi ? J'ai un truc sur le visage ? lançé-je, gênée.

— Non, pas du tout. C'est juste que... je fixe parfois les gens. C'est impoli, je sais. Désolé.

Il agite les mains pour se défendre, raclant sa gorge comme un enfant pris en faute. Je le fixe, curieuse, attendant enfin une réponse.

— Pour répondre à ta question... Non. Je ne suis pas stressé.

— Ah bon ? Alors quoi ?

Il se mordille la lèvre, hésitant.

— Je réfléchis.

Je le pousse à me répondre d’un ton plus sec, impatiente.

— À quoi, bon sang ? Pourquoi tout le monde joue la carte du mystère pour rien ?

Ses yeux se plongent dans les miens, une lueur de doute dans le regard.

— Sylice m’a parlé de quelque chose… Et…

Je fronce les sourcils, intensifiant mon regard, comme pour lui dire de ne pas me faire perdre du temps.

— Je ne sais pas si je peux te le dire...

Je soupire, le ton se durcit.

— Écoute, tout le monde me cache des trucs ici. Et je parie que c’est pareil pour toi. Mais si on veut avancer, faut arrêter de tourner autour du pot, d’accord ?

Ma main s’avance vers lui, tendue dans un geste presque solennel, comme pour sceller un pacte.

— Toi et moi, pas de secret. Tu me dis tout, je te dis tout. Je ne te connais pas encore, mais j’ai la sensation que je n’ai rien à craindre de toi.

Sans réfléchir, nos mains se saisissent avec sincérité, comme une promesse silencieuse. Une fois sa main dans la mienne, son attitude change instantanément, comme s’il venait soudainement de trouver une confiance nouvelle en lui-même.

— Ok... Elle m’a dit quelque chose concernant notre ADN.

Je roule des yeux, lassée.

— Super... Encore un truc scientifique... J’adore, vraiment.

Mais il se penche alors vers moi, comme pour me confier quelque chose de crucial, sa voix soudainement devenue presque un murmure.

— Toi et moi... On a le même ADN. Tu comprends ?

Je serre sa main plus fort, presque à m'en faire mal, mon esprit en pleine ébullition. Puis, sans prévenir, je le tire un peu plus près de moi, presque contre mon torse, plaçant nos visages à quelques centimètres.

— Qui es-tu, bon sang ?

La question éclate, brute et furieuse, comme un cri qui jaillit sans contrôle. Mon esprit est un tourbillon de confusion, mais c’est la colère qui prend le dessus. Cette colère, la seule chose que j'arrive encore à maîtriser, la seule émotion familière, celle qui ne me trahit jamais.

— Ton frère... Jumeaux, avoue-t-il la voix tremblante.

Je regarde Fyguie, presque absente, comme si cette révélation n'était qu'un mensonge, une absurdité innacceptable. Le mot « jumeaux » résonne dans ma tête, mais c'est trop grand, trop incompréhensible, trop brutal.

Une boule se forme dans mes entrailles, une incompréhension qui refuse de se dissiper. La vérité, si c'en est une, m’échappe. La seule chose dont je sois certaine, c’est que cette révélation sonne faux.

Je tourne la tête, prise d'une furieuse impulsion, prête à hurler encore, mais tout se fige lorsque la voix de Zorth perce l’air, brisant ce moment suspendu.

— Venez voir !

Je rejoins précipitamment l'équipe, encore un peu ébêtée, comme si les paroles de Fyguie flottaient autour de moi, noyées dans un brouillard épais. Une fois arrivée auprès du groupe, nos regards convergent vers ce qui ressemble à une entrée. Une entrée menant aux profondeurs.

— Nous ferions bien d’aller y jeter un œil, propose Zorth sans la moindre appréhension.

L'équipage pénètre dans la grotte, et l'air devient immédiatement plus frais. Un vent humide nous accueille, chargé de l'odeur de la terre et de la roche. Chaque pas résonne dans ce vaste espace, amplifié par l'écho des gouttes d'eau tombant en rythme du plafond. Le clapotis, qui semble s'écouler depuis des millénaires à travers les fissures de la roche, se mêle à l'atmosphère oppressante.

Des siècles d'eau tombant goutte à goutte ont sculpté la roche, leur érosion lente ayant façonné ces sculptures de pierre d'une beauté étrange et froide. Ces stalagmites et stalactites, parfois reliées par de majestueuses colonnes, témoignent de l'âge vénérable de cette grotte, vieille de plusieurs millions d'années.

Malgré l'obscurité, la grotte n'est pas totalement noire. À certains endroits, la roche phosphorescente s'illumine doucement sous nos pas, une lueur bleutée qui semble se répandre d'elle-même, comme si elle voulait nous guider. Les pierres, par endroits, diffusent une lumière pâle, semblant baigner dans une énergie ancienne. Cette lueur, fantomatique et dansante, nous guide à travers les ténèbres, mais ne parvient jamais à dissiper l'ombre omniprésente. Elle dessine des halos spectrals, créant des formes mouvantes sur les parois.

La roche lisse et glissante sous nos pieds nous oblige à faire preuve de prudence. Les murs, humides et suintants, se parent d'une couche de mousse verte et de lichens, s'accrochant là où la lumière phosphorescente n'atteint pas. Les profondeurs de la grotte semblent infinies, comme un abîme insondable, où tout ce qui se trouve au-delà de notre portée est englouti dans l'obscurité.

Finalement, après une marche silencieuse à travers les entrailles d'Eredet, nous arrivons devant une porte qui fait immédiatement réagir Binny.

— Je reconnais ces symboles !

Elle s'est empressée de les toucher du bout des doigts.

— Quels symboles ? interroge Lilas.

— Ce triangle, cette fleur. Le triangle est un symbole féminin, pointe vers le bas. Il évoque la fécondité, la naissance et l'instabilité. La fleur de l'Aurore symbolise la Logique, l'espérance et l'odorat. C'est ce que nous étudions dans nos écrits

Lassée par ces discussions intellectuelles, je décide qu'il est temps d'agir.

— On devrait essayer d'ouvrir. Ce n'est qu'une porte ! On ne va pas repasser toute la décos en revu, si ?

Mon instinct défaillant ne me prévient d'aucun danger. Je prends les devants et pousse la porte avec ma main gauche. À l'instant où je la touche, une onde de choc me projette au sol. La douleur est fulgurante, comme une décharge électrique parcourant chaque cellule de mon corps. Mes muscles sont engourdis, et j'ai du mal à bouger.

— Est-ce que ça va ?! s'écrit la princesse paniquée en s'agenouillant à mes côtés.

—Tu vas bien ? s'inquiète Fyguie à son tour.

— Oui... Ça va, grogné-je encore sonnée.

Je me redresse plissant les yeux de douleur quand Lilas me tend la main pour m'aider à me relever. Je la saisit et elle m'aide à me redresser, tout en délicatesse, visiblement concernée par mon état.

— Merci...

Lilas se contente de garder sa main dans la mienne tout en me souriant, rassurée. Mon état n'étant pas inquiétant, le reste du groupe souffle de soulagement. Binny s'approche de la porte et décide de prendre les choses en main.

— Je vais m'en occuper. Je viens de toucher la porte et rien d'étrange ne s'est produit. Je ne risque rien.

L'Adhara s'approche alors de la porte, l'examinant attentivement.

— Pendant ma formation en tant que Porteuse de la Lanterne, j'ai appris qu'une phrase était présentée comme la clef. La clef du Savoir. Jusqu'à présent, je pensais qu'il ne s'agissait que d'une métaphore. Mais maintenant que je me trouve ici... Je me demande s'il ne fallait pas prendre cela au pied de la lettre.

Elle recule alors d'un pas, et se positionne le plus en face possible de cet obstacle de pierre. Fermant les yeux, elle se met à réciter religieusement son texte.

— Au nom de la fleur qui n'éclot plus, guidez-moi vers le Savoir.

Un mécanisme cliquette à l'intérieur de la porte. Lilas saisit mon bras de plus belle, effrayée par ce qu'il risque de se produire. Puis dans un grincement, elle s'ouvre lentement.

— Ça a marché ! s'exclame Binny, un sourire triomphant accroché sur ses lèvres.


TERRE II - VILLE DE DURIAN

Varane et Krane ont échappé à la police, mais la colère de Krane est telle qu'elle en perd toute clarté d'esprit. La rage l'envahit.

— Je veux mes chimistes !

Tout en hurlant à travers la pièce, comme un enfant ne sachant pas gérer la frustration, elle envoie valser des objets au hasard. Brizby, bien trop habituée par ses sautes d'humeur, se contente de la regarder, une sucette à la bouche. Cette tempête qui se déchaîne autour d'elle est un spectacle si familier.

— Tu entends, Brizby ?!

— Oui Patronne, répond-elle d'un ton monotone, le regard fixe.

— Trouve-moi où se trouve ce satané vaisseau ! Qui le pilote ! Où ils vont ! Je veux tout SAVOIIIIIIR !

Un dernier geste de folie fait voler en éclats un autre objet précieux. Brizby, désolée de voir sa patronne ignorer la valeur de ces biens, se contente de hocher la tête en réponse.

— C'est comme si c'était fait, Patronne.

Krane est bien déterminée à récupérer les deux scientifiques, à n'importe quel coût. Personne ne touche à ce qui lui appartient.

— Et trouve-moi qui est cette fille à la cicatrice. Je veux sentir sa nuque craquer entre mes doigts...

La tension est palpable, mais Brizby reste silencieuse, comme si elle savait qu'aucune réponse n'était nécessaire. L'adrénaline pulse dans les veines de Krane, promettant que rien ni personne ne l'arrêtera dans sa quête.

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