I

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EREDET - GROTTE DE L'AUGURE

Nous avançons prudemment dans cette pièce inconnue, et je dois admettre que je ne m'attendais pas à un tel spectacle. Les murs de pierre, d'un jaune pâle presque doré, s'élèvent autour de nous avec une majesté impressionnante, formant une enceinte qui défie l'imagination. Ces blocs colossaux, assemblés avec une précision défiant toute logique, sont si massifs qu'on se demande comment ils ont pu être transportés jusque dans ces profondeurs souterraines. Chaque pierre est un chef-d'œuvre, témoin d'une prouesse technique depuis longtemps perdue.

Le plafond, si haut qu'on pourrait en oublier que nous sommes dans une grotte, se dissout dans l'obscurité. De massifs piliers jalonnent l'espace, dessinant un chemin cérémonial. Ils se dressent tels des gardiens, gravés de symboles anciens, guidant notre regard vers un escalier monumental qui mène à un endroit qui semble encore plus imposant que cette salle déjà impressionnante.

L'émerveillement se lit sur les visages de mes coéquipiers, confirmant la magnificence de cet endroit. L'atmosphère est si solennelle que personne n'ose briser le silence, comme si nous nous trouvions dans un sanctuaire. Un temple sacré.

— Nous sommes dans le temple sacré ! s'écrie Binny, rompant ce calme sacré avec une ferveur presque enfantine.

Qu'est-ce que je disais...

— Où sommes-nous, Binny ? demande Lilas, sa voix douce contrastant avec l'excitation débordante de Binny.

L'Adhara, elle, s'est déjà précipitée vers les murs couverts d'écritures mystérieuses, semblables à de vieux hiéroglyphes. Elle effleure les gravures du bout des doigts, parcourant chaque ligne avec passion, comme si elle touchait l'Histoire elle-même. La lumière des torches vacille, illuminant des larmes de joie dans ses yeux, révélant son intense émotion.

— C'est ici, murmure-t-elle, presque incrédule. Comme dans les écrits ! Ils parlent d'un lieu gravé de toutes les prédictions de l'Oracle. Et c'est exactement ça. Partout, littéralement partout !

Elle tourne sur elle-même, ne sachant plus où regarder, subjuguée par la splendeur de ce sanctuaire millénaire.

— Ici !

Elle pointe une inscription et s'y précipite pour la lire, ses mains tremblant d'excitation.

— Ils évoquent la première éclipse... la Terre... tout ! C'est... l'histoire de l'existence. La genèse du peuplement de l'univers. Les colonisations, les destructions, les guerres, les cataclysmes... Il nous faudrait des années pour tout lire. Tout répertorier ! Tout comprendre !

Ses paroles, portées par l'écho, résonnent dans l'immensité du temple. Son enthousiasme rebondit sur les parois, vibrant comme une pierre qui ricoche sur l'eau d'un ruisseau.

— Toutes les inscriptions sont signées, chuchote-t-elle, le souffle court.

— C'est-à-dire ? demandé-je un peu confuse.

— Chaque prédiction est signée par son Oracle. Mais je n'arrive pas à trouver le Nom de l'actuel.

— Il faudrait que l'on trouve la prédiction d'un des derniers événements en date, proposé-je incrédule.

— Oui. Mais je ne comprends pas la disposition. Rien n'est écrit dans l'ordre chronologique. C'est assez fouillis.

Tout le monde aimerait l'aider, mais personne n'est capable de lire ce qui est écrit.

— Comment peut-on t'aider ? désespère la princesse.

Binny se tourne vers nous en pinçant ses lèvres. Elle sait très bien qu'on ne peut pas faire grand-chose. Puis une voix s'élève dans le fond du temple.

— Bonjour Porteuse.

On se tourne dans un sursaut. Sa voix est impressionnante. Profonde, rauque et grave.

Binny s'avance, hésitante. L'Oracle, tout en haut de l'escalier monumental, descend lentement. Lorsqu'il arrive à notre niveau, Ristoc s'agenouille et récite ce qui semble être une parole tirée de l'un de ses récits sacrés.

— Oracle, je vous porte la lanterne. Éclairez-moi.

Il lui sourit. Son visage dégage une grande bienveillance.

— Je vous ai tant attendu... Et je vois que vous m'avez amené de la compagnie !

Elle se relève en nous lançant un coup d'œil.

— Venez, ordonne-t-elle d'une voix basse mais autoritaire.

Zorth la rejoint immédiatement, présentant ses hommages à l'Oracle dans une révérence. La princesse les rejoint suivie de près par Fyguie.

— Bonjour Oracle, déclare Fyguie avec solennité.

Vient alors mon tour de le saluer.

— Salut.

Binny me fusille du regard, les yeux exorbités. Lilas soupire d'exaspération et Zorth tape sa main sur son front, agacé. Fyguie quant à lui, se retient d'exploser de rire. L'Oracle hausse les sourcils, amusé par tant de familiarité. Puis il reprend la parole, imperturbable.

— La lanterne, les Sang Rouge, l'Œil... Une Prophétie se réalise-t-elle ? insinue-t-il, non sans amusement.

Zorth s'avance d'un pas pour lui répondre.

— C'est la Prophétie de l'Équilibre qui nous a mené jusqu'à vous Oracle.

L'Oracle, les mains derrière le dos, se penche légèrement.

— Oui, j'ai connaissance de cela. Je vous attendais. Veuillez me suivre. Je crois que nous avons des choses à nous dire.

Nous nous enfonçons dans l'obscurité, gravissant des escaliers qui semblent s'étirer à l'infini. À chaque marche, mon souffle devient plus court, comme si une force invisible nous aspirait vers des révélations longtemps attendues. Lorsque nous atteignons enfin le sommet, une vaste pièce cylindrique s'ouvre devant nous, surplombée par un plafond si haut qu'il en défie toute estimation.

Au centre, l'Oracle trône sur un siège de bois sculpté, d'une simplicité élégante mais imposante. Une énergie vibrante émane de lui, faisant frémir l'air alentour. Il n'a pas besoin de mots pour imposer sa présence : tout en lui inspire un respect teinté de crainte.

D'un geste lent et mesuré, l'Oracle nous invite à prendre place. Ses mouvements, empreints de grâce, semblent suivre le rythme d'une mélodie silencieuse connue de lui seul.

— Bien. Je vais parler. Vous n'allez faire qu'écouter. Ne me posez pas de questions tant que je n'aurais pas fini mon récit. Pas d'interruption inopinée.

Ses directives sont très claires. Mais derrière son sourire et son calme apparent, je décèle un soupçon de menace.

— Vous n'êtes pas sans savoir que nous ne sommes pas seuls. Ni ici, ni nulle part, par-delà l'univers. Nombre d'habitants fréquentent cet espace qui est le nôtre. Plusieurs Prophéties se disputent la vérité. Plusieurs Originels, plusieurs Croyances, plusieurs fins... La Prophétie dont vous embrasser les préceptes revendique le bien-fondé de l'Équilibre. Étant moi-même un Sang Rouge, je ne peux que vous féliciter d'en prendre part.

L'Oracle est un Sang-Rouge ! hurlé-je dans ma tête

Puis il reprend le cours de ses explications.

— Mais qu'est-ce que l'équilibre ? Et qu'est-ce que le déséquilibre ? demande-t-il en scrutant chacun d'entre nous. Parce qu'en toute chose, existe son contraire. À l'image du bien et du mal. Du chaud et du froid. De l'amour et de la haine. La liste serait bien longue... Le déséquilibre est celui que nous vivons depuis bientôt cinq siècles. Depuis l'an deux mille huit cent cinquante-sept, année de la Première éclipse. Cela est la preuve que notre univers tend vers celui-ci. L'origine de ce mal réside dans l'ouverture du Portail. Faisant glisser insidieusement les divergents vers la catastrophe.

Putain, je ne comprends rien...marmonné-je dans ma barbe.

L'Oracle semble avoir fini son discours indéchiffrable pour mon cerveau étriqué. Mais s'il en a terminé, j'ai quelques questions pour lui.

— Excusez-moi, mais que sont les Divergents ?

— Il s'agit de l'autre nom des Univers Jumeaux sur lesquels nous évoluons.

— Les quoi ?

L'Oracle reformule ses propos pour les rendre plus accessibles.

— Imaginez une pièce de monnaie. Deux faces. Nous sommes sur l'une de ses faces. D'autres sont sur la deuxième. Nous coexistions. Ensemble, formant un Tout. Mais si un déséquilibre se crée, d'un côté comme de l'autre, le Tout vacille. La survie est compromise. La fin se dessine. Les Univers Jumeaux s'effondrent dans le néant.

— Mais comment ce déséquilibre a-t-il vu le jour ? interrompt Lilas, l'air pressé.

— Le Portail. Répond l'Oracle, d'un son grave et caverneux.

— Vous parlez de quel Portail ? m'agacée-je.

— Celui qui permet le passage entre les Divergents.

— Où se trouve-t-il ? m'empressée-je de demander.

— Je n'ai pas cette réponse.

— En quoi ce Portail crée-t-il un déséquilibre ? interroge Fyguie, avec un sérieux scientifique.

— Je n'ai pas cette réponse.

— Qui peut s'en servir ? lance Lilas avec bien trop d'attentes.

— Je n'ai pas cette réponse.

Putain, mais ce type ne sait rien !

— Tout ce que je sais, c'est ce que dit la Prophétie : rassembler les divergents en un seul tout. Ce qui a été interprété à travers les siècles comme rétablir l'équilibre. Mais je ne sais pas comment.

C'est l'Oracle le plus éclaté de tout l'univers...grogné-je discrètement.

L'Oracle se lève et marche en direction de Lilas. En s'approchant, je commence à distinguer ses traits, sa silhouette imposante prenant peu à peu tout son sens. C'est un véritable géant, dont la carrure dégage une force tranquille marquée par le temps. Son visage, raviné par des rides innombrables, évoque la végétation luxuriante de cette planète, comme si chaque pli racontait une histoire, une mémoire ancrée dans le passé.

Sa vieillesse porte les marques d'une sagesse et d'un savoir qui imposent l'admiration. Ses yeux, d'un violet très pâle et translucide, semblent capables de percer les mystères de l'univers lui-même, envoûtants et étrangement apaisants. Son crâne chauve, ponctué de taches de vieillesse, trahit les siècles qui ont laissé leur empreinte sur lui, et pourtant, il dégage une sérénité presque surnaturelle.

Il est vêtu d'une grande robe blanche, simple et sans artifice. Le tissu, un modeste coton, n'a rien de majestueux, mais cela semble parfaitement en accord avec son être : une humilité qui n'a pas besoin de parures pour imposer le respect. Une fois face à Kydine, sa stature imposante se révèle d'autant plus : Zorth ne lui arrive même pas à la ceinture. Un véritable géant... Sa main immense prend délicatement celle de la princesse.

— Porteuse de l'Œil. Cela faisait si longtemps que je ne l'avais pas vu... C'est une merveille. A travers l'Œil s'en vient le chemin, cite-t-il gravement.

— Qu'est-ce que cela veut dire ? questionne-t-il avec douceur et curiosité.

— Vous le découvrirez au fil de votre cheminement, Porteuse. Ne soyez pas si impatiente, répond-il en lui souriant, lui tapotant gentiment la main.

Il la libère avant de se tourner vers Binny, qui l'observe avec admiration.

— Porteuse de lanterne.

Elle lui sourit, les yeux prêts à laisser couler quelques larmes.

— Ton voyage n'aura pas été vain. Ton peuple a longtemps été mon messager. Porteur du Savoir. Sauveur des peuples. Transmets ce message à Adhara.

Le géant se penche autant qu'il le peut pour lui révéler quelque chose à l'oreille. Alors qu'il lui révèle son intime confidence, une lumière éclatante jaillit de Binny. C'est une lueur intense, mais qui n'éblouit pas. La scène devient surréaliste : Binny n'est plus qu'une source de lumière, tandis que l'Oracle se penche au-dessus d'elle. Le terme Porteur de Lanterne prend tout son sens. L'Adhara se transforme en une immense sphère lumineuse. Puis, cette étincelle diminue progressivement, jusqu'à disparaître alors que l'Oracle se redresse.

— Il est temps pour vous de partir. Le présage de la dernière éclipse m'est déjà parvenu. Mais cela ne signifie en rien l'irréversibilité de l'événement. Cependant, il ne vous reste pas beaucoup de temps. Trouvez le Portail.

Zorth affiche une mine déconfite. Il est inquiet.

— L'Univers est immense Oracle. Comment le trouver ?

— Je n'ai pas cette réponse.

Il retourne à son siège. Tout en s'asseyant, il émet un soupir.

— Néanmoins, quelqu'un l'a peut-être.

Zorth et le reste du groupe se pendent soudainement à ses lèvres.

— Les Golts. Mais je ne vous conseille pas d'aller leur demander. Les Golts ne sont pas vos amis. Rapprochez-vous plutôt de la Confrérie.

— Des Hématiens ? intervient Lilas.

— Oui princesse. Partez maintenant, répond-t-il dans un grognement.

Sans cérémonie, il nous désigne la porte par laquelle nous sommes entrés. Un à un, nous nous retournons pour quitter le temple sacré. Avant de disparaître, Binny jette un dernier regard à l'Oracle, puis scrute la pièce, comme si elle voulait en graver chaque détail dans sa mémoire. Il l'observe, les sourcils froncés, et lui adresse une dernière phrase :

— Tu peux partir porteuse. Nous aurons tout le temps de discuter plus tard.

Alors que nous quittons le temple, l'écho des mots de l'Oracle résonne encore dans ma tête, me suivant jusqu'à notre vaisseau.

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