LA CABANE DANS LES BOIS *** I ***

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PALAIS D’ULTYA - FORÊT

Houda s'enfonça dans la forêt, sous la menace permanente d'une lame aiguisée qui effleurait son dos. La nuit était tombée, laissant place à un silence inquiétant, presque oppressant. Pourtant, l'endroit dégageait une magie singulière, si bien qu'on en oubliait presque qu'il s'agissait d'un enlèvement. Une lune jaune brillait haut dans le ciel bleu nuit de Zoldello, projetant une lumière douce sur le paysage luxuriant. De petites fleurs aux couleurs vives jonchaient le sol, créant un tapis chatoyant sous les pas de Houda. Des lucioles virevoltaient autour d'elle, comme si elles exécutaient une chorégraphie bien rodée, illuminant l'obscurité d'éclats dorés et dansants. Leur danse hypnotique capta un instant l'attention de Monty, mais elle se ressaisit rapidement, se disant qu'elle devrait peut-être engager la conversation pour tenter d'obtenir des informations.

— Vous allez me tuer ? demanda-t-elle, sa voix tremblant légèrement.

— Ça dépend de toi, ma belle, répondit Brizbi avec un sourire déconcertant.

— Je ne suis pas votre belle ! s'insurgea Houda.

— Dommage...

Houda ne comprenait pas vraiment le comportement de sa ravisseuse, mais ce qui était certain, c'est qu'elle était totalement instable. Mieux valait ne pas trop la provoquer.

— Pour répondre à ta question... Non, ce n'est pas ce qui est prévu. Mais les plans peuvent toujours changer, ajouta-t-elle, son ton à la fois léger et menaçant.

Elles marchèrent encore pendant dix bonnes minutes avant qu'Houda n'ose demander si le chemin serait encore long. Mais Brizbi ne répondit pas et changea de sujet.

— Il fait froid, tu aurais dû prendre quelque chose de plus chaud, reprocha-t-elle d'un air désinvolte.

— Excusez-moi ! Je n'étais pas au courant qu'une timbrée allait m'enlever et me faire crapahuter à travers les bois en pleine nuit !

Brizbi esquissa un léger sourire, mais ne répondit rien. L'échange se termina aussi vite qu'il avait commencé, laissant place à un silence étrange, presque apaisant. Les deux jeunes femmes continuèrent leur chemin, Houda scrutant l'obscurité tout en attendant les directives de Brizbi pour ne pas se perdre. Celle-ci, imperturbable, indiquait la direction du bout de sa lame sans un mot, fixant l'horizon comme si elle cherchait quelque chose de bien plus précieux que la simple route à suivre.

La scientifique en avait plus qu'assez de ce silence. Instinctivement, elle se mit à siffloter. Dès qu'elle se mit à le faire, Brizbi exprima un agacement.

— Qu'est-ce que tu fabriques ? Tu as cru qu'on était en balade ?

Prenant confiance, Houda se permit une taquinerie.

— C'est vous qui m'avez proposé une balade champêtre, non ? reprit-elle avec ironie.

Mais Brizbi n'apprécia pas ce petit air condescendant. Elle attrapa la jeune femme par le poignet pour la retourner, serrant la mâchoire, et colla son visage au sien, animée par la colère.

— Ne fais pas trop la maline avec moi, ma jolie.

Houda comprit qu'elle n'aurait pas dû la provoquer. Mais maintenant qu'elle se retrouvait face à face, l'ambiance était différente. Comédienne de talent, elle avait la sensation qu'elle pourrait l'atteindre. Elle laissa couler quelques larmes sans pour autant s'effondrer.

— Écoutez, je... Je ne veux pas mourir.

Elle se motiva intérieurement, prête à donner tout ce qu'elle avait dans ce jeu d'acteur improvisé. Houda prit Brizbi par surprise en posant ses mains sur ses épaules avec un air suppliant.

— Ne me tuez pas, par pitié…

Brizbi regarda les mains de la jeune femme se poser sur elle, déconcertée. Ne sachant comment réagir, elle s'écarta et remit son chemisier en place.

— Je ne vais pas te tuer, ma jolie, sauf si tu m'y pousses. Alors ça ne sert à rien de pleurer.

Elle se racla la gorge et secoua la tête. Houda remarqua que Brizbi n'était pas à l'aise avec cette situation et en remit une couche, reniflant plus fort.

— D'accord...

Elle baissa la tête, le visage abattu, espérant éveiller de la pitié ou de l'empathie chez Brizbi. Elle lui lança un regard apeuré. La scientifique se recroquevilla, frissonnant pour montrer qu'elle avait froid. Brizbi la fixa, visiblement en proie à l'indécision.

— Avançons, il y a un abri pas loin.

Elle lui fit signe de reprendre la marche d'un coup de menton, et elles reprirent leur chemin. Houda veillait à avoir l'air frigorifiée, même si, en réalité, l'air était doux et bien plus chaud que sur Terre II. Elle remarqua que cela semblait affecter Brizbi, qui lui lança de brefs regards soucieux. Houda se demanda ce que cette femme ferait si elle s’effondrait et décida d’abattre cette nouvelle carte. Celle de la fille capricieuse.

— Écoutez, je suis frigorifiée, j'ai peur, je ne veux plus avancer ! Je ne bougerai pas d'ici, pas un pas de plus.

Brizbi la regarda les yeux écarquillés. Elle s’approcha d’elle comme une prédatrice prête à abattre sa proie puis lui parla doucement.

— Ma belle, si tu n'avances pas tes petites fesses, je vais devoir me débarrasser de toi. Et tu n'as pas envie que je me débarrasse de toi, je me trompe ?

Elle termina sa phrase, la pointe de son couteau sous le menton de son otage. Houda ne broncha plus. Un bruit dans les buissons fit sursauter la jolie rousse, qui se jeta instinctivement dans les bras de Brizbi, la serrant fort contre elle. Surprise par cette réaction, Brizbi s'amusa de la situation, sans pour autant la repousser.

— Il fallait me le dire si tu voulais un petit câlin, ma belle...

Houda ne répondit pas et demeura blottie contre elle.

— Tu sais, je ne suis pas débile... Je sais que tu joues avec moi. Mais cela ne fonctionnera pas.

Le cœur d'Houda battait si fort qu'elle avait l'impression qu'il pourrait s'échapper de sa poitrine. Impossible de savoir si c'était l'adrénaline ou l'aura inquiétante de cette psychopathe qui la mettait dans cet état. Les deux femmes étaient toujours collées l'une à l'autre.

— Vous ne pouvez pas me reprocher d'essayer...

Brizbi esquissa un sourire en coin.

— Non. Mais tu prends des risques inutilement.

Soudain, un tir retentit non loin de leur position.

— C'était quoi ça ? alerta Houda.

Brizbi lui agrippa soudain la main et se mit à courir, sans un mot. Houda hésita une fraction de seconde, mais son corps réagit avant même qu'elle ne puisse réfléchir. Elle se laissa emporter, son souffle court, tandis que l'écho du tir résonnait encore dans l'air. Ce coup de feu ne venait pas du Palais, ce qui écartait la possibilité que ce fût l'un de ses amis. Malgré l'adrénaline qui brouillait ses pensées, une étrange certitude s'imposa à elle : Brizbi, cette inconnue aussi inquiétante que fascinante, était à cet instant sa seule chance de survie.


PALAIS D’ULTYA - SALLE DE RECEPTION

Slikof, Binny et Kylburt étaient enfin rentrés et rejoignaient le reste de l'équipe dans la Grand Salle. La salle de réception du palais de Zoledllo était un vaste espace aux murs de pierre blanche, ornés de lourdes tentures vert pâle et dorées. Le sol, fait de dalles de pierre massive, conférait à l'ensemble une impression de grandeur imposante. Au fond, de larges fenêtres surplombaient les jardins du palais, laissant entrer une lumière tamisée. L'atmosphère y était calme, mais légèrement lourde. On imaginait sans mal les nombreuses réceptions fastueuses qui avaient dû s'y tenir, mais aujourd'hui, elle servait de décor à une scène bien différente : Slikof, Binny et Kylburt annonçaient au reste de l'équipage qu'ils avaient abattu l'un des assassins du roi, et probablement de Guitry Holt.

— Et les deux autres ? Où sont-ils ? demanda Zorth.

— Aucune idée... Personne ne les a vus.

Fyguie écoutait attentivement, puis remarqua quelque chose d'étrange.

— Où est Houda ?

Tous se mirent à observer la pièce. Une inquiétude grandit dans la poitrine de Fyguie.

— Est-ce que quelqu'un l'a vue ?

— Non. En tout cas pas dernièrement, indiqua Dogast.

Il sentait que quelque chose n’allait pas, alors il insista.

— Qui l'a vue aujourd'hui ?

— Je l'ai aperçue près des jardins en fin d'après-midi, précisa le capitaine.

— Il lui est arrivé quelque chose ! C'est certain !

Zorth s'approcha de lui, posant une main apaisante sur son épaule.

— Calmons-nous ! Il n'y a aucune raison qu'on s'en prenne à elle. Peut-être est-elle partie au village ?

Fyguie envisagea cette possibilité. Après tout, Houda était un électron libre ; il était probable qu'elle ait pris la liberté de s'aventurer à l'extérieur du Palais pour prendre du bon temps.

— Ces dernières heures ont été éprouvantes pour tout le monde, rassura Sylice.

— Oui, elle avait peut-être besoin de prendre un peu l'air. Boire une bonne bière ! suggéra Dogast.

La tension s'allégea dans le cœur de Fyguie.

— Vous avez raison... Cela lui ressemble bien... admit Fyguie, laissant son inquiétude s'évanouir.

Une fois le jeune scientifique rassuré, Zorth en profita pour récupérer la parole.

— L'état de Kybop est bien meilleur. On espère qu'elle se réveille d'ici demain. Il faudra se tenir prêts à décamper.

— Le vaisseau est prêt à toute éventualité. Je vais dormir directement dans ma cabine pour pouvoir partir dès qu'il le faudra.

Slikof et le reste du groupe le remercièrent pour son dévouement. Zorth prit alors la parole, sa petite voix résonnant dans la grande salle, suffisamment forte pour se faire entendre.

— La princesse est avec la Régente. Elles discutent de son départ et des formalités qui leur incombent. Une cérémonie en l'honneur du roi Gotbryde aura lieu demain matin. Nous partirons une fois celle-ci terminée.

Le conseiller royal se tourna ensuite vers les deux officiers.

— Vous êtes libre de repartir sur votre planète si vous le désirez.

L'équipage du Piros observa leurs réactions, attendant leur réponse.

— Je crois que nous serons plus utiles ici, déclara finalement la commissaire.

Zorth salua leur décision d'un sourire, comme s'il venait d'obtenir ce qu'il souhaitait.

— Très bien. Vous m'en voyez ravi ! Alors bonne soirée à tout le monde. Je vais me retirer. J'ai besoin de repos.

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