Scène XIV

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Donc ce jour-là, Javert rédigeait son rapport puis l’apporta à son patron. Diligent et sérieux. Et M. Chabouillet le désarçonna avec un petit sourire ironique, l’empêchant de commencer à lire son rapport et à justifier de ses actes.

« Dites Javert ! Il y a eu une drôle d'histoire à la prison des Madelonnettes, lui apprit tout à coup M. Chabouillet.

- Une drôle d'histoire, monsieur ? »

On l'avait convoqué n’est-ce-pas ? Javert devait régler l’affaire Patron-Minette. Le policier était venu, fidèle au poste. Le chien de Chabouillet.

« En effet. Le directeur de la prison m'a envoyé un curieux rapport. Figurez-vous que la femme Thénardier, la femme de Jondrette, demande à rencontrer un policier honnête. Et surtout pas vous !

- Un policier honnête ? Comment cela ?

- La femme affirme que votre Fauchelevent est un fieffé coquin. Il aurait enlevé une enfant lorsqu'ils tenaient une auberge à Montfermeil. Elle répète haut et fort que l'inspecteur Javert est un cogne corrompu, vendu aux riches.

- Croyez-vous ? Une drôle d'histoire en effet, monsieur.

- Je vais envoyer un inspecteur neutre visiter cette javotte. Sans vouloir vous offenser, mon cher Javert, vous ne me semblez pas être assez objectif dans cette affaire.

- Je sais tenir ma place, monsieur, » fit Javert, désolé.

Désolé de décevoir son patron et désolé de ne pas être envoyé aux informations en effet. M. Chabouillet avait raison de ne plus lui faire confiance.

Javert était un homme corrompu.

« Cela dit, j'aimerais beaucoup que vous fassiez des recherches au niveau de l'état-civil de M. Fauchelevent. Où est-il né ? Qu'est devenue sa femme ? Ce genre de détails insignifiants manquent dans nos dossiers et permettent de se faire une idée de la personne.

- Bien entendu, monsieur.

- Très bien, Javert. Mais surtout ne le prenez pas mal ! C'est seulement M. Mangin qui aimerait avoir des précisions sur cette affaire. Votre acte altruiste a coûté quelques réunions avec le procureur au préfet. On tient à classer enfin ce dossier. Les informations concernant M. Fauchelevent manquent cruellement.

- Bien entendu, monsieur.

- Et maintenant, lisez-moi enfin ce fameux rapport. Que je découvre l’entière stupidité de vos actions le jour de l’arrestation de la bande à Patron-Minette.

- Oui, monsieur… »

Et Javert lut, relata, expliqua...plaida mais se fit vertement sermonner. Qu’espérait-il obtenir avec un comportement aussi dangereux ? La légion d’honneur ? Il n’était pas prêt à se retrouver à la tête d'un poste de commissaire… Etc. Etc. Etc.

Javert était atterré. Il frôlait la mise à pied. M. Mangin avait exigé un placement provisoire aux archives judiciaires. Après deux mois de travail administratif, il serait toujours temps de revoir son poste, son grade et ses prérogatives.

Un inconscient dirigeant une police ! Quelle chienlit !

Normalement, il aurait du être mort et tout ceci ne serait pas arrivé.

Ce soir-là, les deux hommes devaient se retrouver pour leur dîner habituel. Ils étaient chez le policier, malgré l'étroitesse de son logement et sa pauvreté. Mais chez Valjean, il y avait Cosette. Une jeune fille curieuse et pleine de questions. Il était impossible de se retrouver seuls, ne serait-ce qu’un instant.

Avant même de dîner, Javert embrassa profondément Valjean, avec passion, avec désespoir...,avec désir, surprenant le vieux forçat.

« Pars ! Putain ! Fuis Jean ! Ils sont sur ta piste et je ne peux rien faire pour toi. Si jamais...

- Chut ! Fraco... Chut ! Tout va bien !, » opposa calmement Valjean, étonné de cette panique soudaine.

Les semaines passées dans le calme avaient rassuré le forçat évadé. Si on le voulait vraiment, on l'aurait arrêté depuis longtemps. Non ?

« Mais non ! Si je refuse de te pister, un autre le fera et ne mettra pas longtemps à découvrir la date de décès du réel Ultime Fauchelevent.

- Je t'aime.

- Mon Dieu... Jean... »

Des baisers succédant aux baisers, des caresses de plus en plus appuyées. Valjean repoussa doucement Javert vers le lit. Oubliant le repas. Une autre faim se présentait.

Ce soir ? Vraiment ?

Javert allait mieux. Il avait repris un peu de poids, il avait moins mal. La blessure était en bonne phase de cicatrisation. Une gêne plus qu'une douleur.

La blessure remontait à presque deux mois.

Les mains partaient en exploration, ouvrant des vestes, tirant des chemises, déchirant des cravates. Javert participait pleinement aux jeux maintenant.

« Je t'aime, murmura le policier. Je ne supporterais pas qu'ils te fassent du mal.

- Embrasse-moi... »

Et Javert de s'exécuter.

Ils n'avaient fait que s'embrasser, ce soir, la peur du lendemain les poussa à être plus hardis.

Ils se déshabillèrent avec une belle impatience, pressés de sentir la peau. Pressés de caresser, de toucher et de serrer. Pressés de s'aimer.

Ils n'avaient jamais connu cela. Ce soir, c'était nouveau. N'est-ce-pas Valjean ?

Javert découvrit soudain les cicatrices du bagne, sur le dos, sur les poignets. Il se troubla et calma son ardeur. Il caressa délicatement la marque au fer rouge du forçat. TFP. Valjean n’accepta pas cela et reprit les préliminaires. Faire perdre l’esprit à l’ancien garde-chiourme.

Un baiser approfondi pour conquérir une bouche. Javert avait du répondant. Il voulait plus. Lentement, il fit basculer Valjean sous sa stature.

Et l'ancien forçat se sentit submergé. Comme à Paris. Comme en 2019. Ses mains se posèrent sur les épaules du policier, ses doigts serrant avec force tandis que Javert lui embrassait le cou, descendait dans la gorge.

Les mains, si longues, si belles, de Javert glissaient sur ses cuisses, les poussant à s'écarter pour lui avant de remonter plus haut, encore plus haut.

« Fraco..., gémissait Valjean.

- Mhmmm Jean... »

Une bouche revenue chercher la sienne. Javert le contempla avec attention, le gris étincelant comme un lac de glace.

« Comment as-tu appris mon prénom Jean ? Personne ne le connaît.

- Je le connaissais.

- Comment ?

- Tu me l'as dit... »

Un aveu dans un gémissement. Valjean se sentait partir, perdu dans le plaisir. Les mains de Javert avaient saisi son sexe douloureux de dureté et doucement, elles caressaient. Découvrant la douceur de la peau et la chaleur du désir.

« Je ne te l'ai jamais dit. »

Le policier ! Toujours en train de mener un interrogatoire. Même en faisant l'amour. Cela aurait fait rire Valjean s'il n'était pas déjà en train de gémir.

Si tu me l'as dit, en 2019. Fraco Javert…

La caresse devenait plus profonde, plus rapide, Javert glissa ses doigts sur le prépuce, cherchant l'humidité qui s'écoulait de la fente du pénis en fines gouttelettes afin que le mouvement de va-et-vient soit plus souple. Meilleur pour Valjean. Javert le faisait comme il l'aimait sur lui-même. Il effleurait les testicules, les sentant se serrer sous ses soins.

« Comme cela ?, souffla Javert dans le creux de l'oreille. Est-ce que c'est bon ?

- Fraco... Mhmmm. Continue. Je t'en prie.

- Dis mon nom.

- Fraco.

- Encore...

- Fracoooo ! »

La caresse cessa tout à coup, au grand dam de Valjean mais ce fut pour reprendre quelques instants plus tard. Avec la bouche.

Javert était amoureux, il était désespéré, il voulait offrir tout le plaisir possible à Valjean. Ne sachant quand les deux hommes se retrouveraient couchés l'un contre l'autre.

Valjean gémissait, les cuisses largement écartées et les mains serrés dans les cheveux de Javert tandis que le policier faisait de son mieux pour sucer avec efficacité le vieux forçat.

Il n'avait jamais fait cela. Mais ce soir, il voulait le faire.

Le plaisir montait, la vague se construisait, elle menaçait de tout emporter.

L'argousin se souvenait avec acuité du bagne et des pratiques pédérastes qu'il avait vues. Doucement, sa main quitta la cuisse qu'elle serrait avec soin pour se placer sous les testicules de Valjean. Les saisissant un instant, les soupesant, attirant davantage de cris et de malédictions de la bouche ouverte de Valjean.

Tout à coup, toutes les sensations disparurent. Valjean ouvrit les yeux et vit son compagnon. A genoux devant lui, le torse entouré d'un épais bandage, les yeux gris assombris de désir, la chevelure défaite se répandant sur ses épaules, Javert était beau. Quelques cicatrices étaient visibles. Valjean reconnut tout à coup l’une d’elles, c’était lui qui l’avait faite au garde-chiourme, une barre de fer plantée dans une cuisse. Une longue estafilade.

Les deux hommes s’étaient mutuellement blessés.

Ils se fixaient, sans sourire. Une question flottait dans l'air aux senteurs de sexe. Valjean ne réussit pas à parler, il hocha simplement la tête.

Javert saisit une fiole qui se trouvait sur sa table d'appoint, une petite fiole d'huile pour ses cheveux que Valjean avait eu la fantaisie d'acheter afin d'entretenir la magnifique chevelure de l'inspecteur de police.

Javert en enduisit ses doigts avant de retourner se placer entre les jambes de Valjean. Les mains se crispèrent à nouveau dans les cheveux tandis que les doigts de Javert se rapprochaient des fesses du forçat, cherchant à pénétrer plus loin, dans les replis secrets...jusqu'au bout.

« Fraco ! »

Cela, Valjean ne l'avait jamais connu et il se cambra sous la sensation d'un doigt qui pénétrait lentement son intimité. Douleur, intrusion mais si lente. Patiente.

Il n'avait pas connu cela pour le plaisir mais uniquement pour la honte et la souffrance dans les cauchemars du bagne de Toulon.

Javert ne l'avait jamais fait pour donner du plaisir mais le garde-chiourme avait souvent procédé à des fouilles au corps. Les doigts couverts de suif ou de pétrole, il examinait et cherchait à extirper la bastringue ou la planque cachées au fond du rectum.

Là, il allait doucement, il frottait et massait, attentif aux bruits que faisait Valjean. Plus de douleur ! De plaisir.

Il lécha et suça avec encore plus de vigueur le sexe gonflé de Valjean lorsqu'au premier doigt s'ajouta un second. Javert avait de longs doigts, il savait que quelque part se trouvait un endroit secret qui rendait fous les hommes.

Le capitaine Thierry l'avait expliqué au jeune argousin en termes très choisis, ses collègues garde-chiourme furent beaucoup plus explicites.

Cet endroit, Javert, s'appelle la prostate. C'est un endroit du diable. La sodomie est un péché mortel, Javert. Si tu vois deux forçats en train de se livrer à cette dépravation, sépare-les et bastonne-les ! Vingt coups de fouet pour une pratique sodomite, c'est la règle.

Le jeune garde acquiesçait et redoublait d'attention. Javert, le garde-chiourme...

Bref, gamin, si tu vois deux fagots qui s'enculent, tu les arrêtes en plein mouvement ! Tu verras, c'est jouasse.

Jouasse ? Javert n'avait jamais trouvé cela jouasse mais c'était une des nombreuses règles à faire respecter aux forçats alors il la fit respecter.

Un endroit diabolique, oui, mais cet endroit donnait du plaisir, Javert l'avait vu et entendu. Certains forçats, des invertis, se vendaient au plus offrant pour améliorer leur quotidien au bagne. Ils n'en recevaient pas que de la douleur.

On lui avait expliqué alors que le jeune garde demandait sans comprendre comment un homme pouvait accepter de s'abaisser ainsi. De se plonger dans le péché.

Oui, monsieur. C'est bon de se faire enculer. Ou d'enculer. Vous devriez essayer, monsieur.

Moqueries. Cela ne durait pas longtemps. Juste le temps de sortir sa matraque et le sourire disparaissait.

Et soudain, Valjean se crispa entre ses bras. Javert sut qu'il avait réussi à trouver l'endroit diabolique. Les petits gémissements discrets de Valjean devinrent des véritables cris de plaisir.

Javert se sentit puissant en voyant Valjean perdre son contrôle sur lui-même. Cela devenait de plus en plus dur d'ignorer sa propre excitation. Sa bouche essaya de garder un rythme soutenu, accordé aux trois doigts qui doucement pénétraient Valjean. Un rythme de va-et-vient. Les doigts de Javert baisaient Valjean et Javert rêvait de les remplacer par sa bite.

Pour la première fois de sa vie, il avait furieusement envie de quelqu'un.

« Fraco... Mon Dieu ! Je vais venir. »

Les mains tiraient sauvagement sur les cheveux de Javert, à la limite de la douleur.

« Viens..., » fredonna Javert, lâchant un instant le sexe de Valjean.

Et Valjean fut trop heureux d'obéir à son garde-chiourme. Il vint et inonda la bouche de Javert.

Ce dernier lutta contre un haut-le-coeur avant d'avaler tout ce qu'il put.

Du plaisir. Aimer, être aimé.

Valjean mit quelques temps à se reprendre, il ouvrit enfin les yeux et regarda Javert. L'homme se tenait assis, devant lui, les mains caressant doucement le ventre et les hanches, de la fierté brillait dans ses yeux perçants.

« Viens m'embrasser !, » grogna Valjean.

Et Javert s'exécuta, il retourna se placer dans les bras de Valjean et l'embrassa tendrement. Essayant d’ignorer où se trouvait cette bouche quelques secondes plus tôt. Le baiser était doux mais Valjean perçut bientôt la dureté du sexe de Javert, placé contre sa cuisse.

« Prends-moi, murmura Valjean. J'ai envie de toi.

- Tu es sûr ?

- Prends-moi ! Que je te sente en moi pendant des jours et des jours. »

Les mots eurent le don de fouetter le garde-chiourme. Auraient-ils des jours et des jours ? Javert embrassa Valjean laissant sa langue le baiser à son tour tandis que ses mains retournaient à ses cuisses. Écarter les jambes, les placer autour de sa taille.

« Serre-moi !, souffla Javert.

- Je t'aime ! »

La préparation avait elle été suffisante pour éviter tout inconfort ? Rien n'était moins sûr. Mais les deux hommes étaient tellement pris dans leurs jeux amoureux qu'ils n'en firent pas attention plus que cela.

De toute façon, Valjean n'était plus vierge et avait connu beaucoup plus d'inconfort qu'un peu d'étirement de son anus. Le bastringue était passé par là.

Javert avait une longue bite, dure et excitée mais ce n'était pas un danger.

« Dis-moi quand tu es prêt, ordonna l'argousin.

- Viens !, » exigea impatiemment Valjean.

Et Javert fit ce qu'on lui a expressément demandé. Lentement mais sûrement, le sexe de Javert força l'entrée de Valjean. Lentement mais sûrement, Javert se mit à pénétrer Valjean, lui laissant le temps de s'adapter à la douleur, à la longueur, à la sensation. Semant des baisers dans le cou, le long de la mâchoire.

Valjean ne disait rien, les yeux fermés pour se concentrer sur ce qu'il vivait. L'homme qu'il aimait lui faisait l'amour.

Et quel amour !

Doux, tendre, profond, brûlant... Les poussées étaient lentes avant d'accélérer. Valjean était déjà venu mais la bite de Javert percutant sa prostate à chaque coup le faisait gémir.

« Mhmmm Fraco... »

Un sourire suffisant. Javert était tellement content de lui.

« Tu aimes ?, demanda le policier, dans un halètement.

- Mhmmm. A ton avis ? »

Un sourire suffisant. Oui, Javert était fier de lui.

Les poussées continuaient mais de façon erratique. Javert perdait pied à son tour, le plaisir devenait trop fort et Valjean avait compris une chose. Il n'avait qu'à contracter son anus pour faire gémir le policier, d'une voix aiguë, inhabituelle.

« Dieu... Jean...

- Viens ! »

C'était au tour de Valjean d'ordonner et Javert d'obéir. Le sperme du policier se perdit dans les profondeurs du corps de Valjean.

Les deux hommes se reposèrent enfin, l'un contre l'autre, essoufflés. Javert préféra se retirer lentement pour ne pas blesser son compagnon.

« C'était bon ? Je ne t'ai pas fait de mal ? »

Une voix remplie d'inquiétude. Valjean ouvrit péniblement les yeux et caressa la joue du policier.

« Non. Tu ne m'as pas fait de mal et c'était bon. Si bon. »

Javert laissa sa tête tomber sur la massive poitrine de Valjean avant de murmurer :

« Je t'aime Jean... »

Je ferais tout pour toi…

Ils s’endormirent sur cette promesse.

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