Scène XII

9 minutes de lecture

L'auberge de Jean Valjean était une auberge modeste et discrète. Les deux hommes y dînèrent d'une simple soupe de poissons accompagnée de pain et de vin. Le café fut le final indispensable à ce repas. Ils restèrent longtemps à se regarder. Ce n'était pas prudent mais les deux hommes avaient besoin de se voir et de se parler.

« Alors Crèvecoeur ?, demanda Javert, en finissant sa tasse brûlante.

- Un pays rustique. Je pense bientôt partir. »

Cela surprit Javert. Il releva les yeux et examina son vis-à-vis. De magnifiques yeux brillants, toujours les mêmes vitraux de glace qui coupèrent le souffle à Jean Valjean.

« Où vas-tu aller ?

- Je ne sais pas encore. Certainement une ville. Cela sera plus propice à mes projets d'avenir. »

Ces mots un peu guindés, cette diction parfaite... Cela amusa Javert qui songea à ses collègues venant se plaindre de Jean-le-Cric. Un forçat devenu un bourgeois.

« Quels sont tes projets d'avenir ?

- Développer une usine de verroterie. »

Nouveau regard étonné. Valjean souriait, amusé de décontenancer ainsi son garde-chiourme. Javert se remit et servit un dernier verre d'alcool à son compagnon. De l'eau de vie de prune.

« Une usine ? Cela me semble plus à la hauteur de Jean-le-Cric en effet. »

Un dernier sourire partagé.

« Je le crois. »

Un dernier verre, un dernier regard et il fallut se rendre à l'évidence qu'il fallait se quitter ou s'embrasser. Javert fut le plus audacieux. Les yeux fixés sur ceux de Valjean, il murmura :

« Où est ta chambre ? »

Valjean ne put nier le frisson délectable qui lui caressa la nuque.

« Est-ce bien prudent ? »

Un regard flamboyant avant que le policier ne réponde, impassible :

« Non. Mais j'ai envie de toi. »

Bon. La franchise de Javert ! Valjean ne fut pas en reste, il se leva, vida son verre d'eau-de-vie en une seule gorgée, appréciant la brûlure que l'alcool causait au fond de la gorge.

« Alors, qu'attendons-nous ? »

Javert imita son compagnon et se leva à son tour.

Non ce n'était pas prudent. En plus, Javert portait toujours son uniforme de policier. Il allait y avoir des rumeurs... Mais Valjean décida tout à coup qu'il n'en avait rien à faire. Rien ne comptait que la bouche de Javert dans son cou. Que ses mains pressantes déchirant ses vêtements. Que la vigueur de son désir cherchant le sien.

Vingt ans ! Javert était jeune et ardent. Il avait bloqué Valjean contre la porte de la chambre, à peine celle-ci refermée. Valjean tâtonnait avec la clé pour clore prudemment la porte tandis que le policier prenait sa bouche en conquérant.

Aucun mot n'était nécessaire, juste le bruit des étoffes et de la peau glissant sur la peau. Valjean se demanda un instant s'il allait se réveiller demain dans une autre époque après avoir connu de merveilleuses relations sexuelles avec Javert.

Même si le jeune homme était un peu trop impatient, un peu brutal, il avait déjà défait le pantalon de Valjean et le caressait durement, toujours debout contre la porte. Désespéré.

Valjean songeait au Javert du XXIe siècle, doux et habile. Javert allait apprendre...

« Doucement, » murmura Valjean en repoussant son amant.

Javert avait les yeux assombris de désir, un regard que jamais Valjean ne lui avait vu.

« Lit !, souffla Valjean. Ce sera meilleur. »

Javert acquiesça après quelques secondes, cherchant manifestement à revenir à la discussion.

Ce petit intermède ne calma pas la passion de Javert. Le jeune homme s'empressa de déshabiller Valjean, lui retirer un à un ses vêtements, puis lorsque le forçat fut enfin nu devant lui, il essaya de s'apaiser.

« Dieu Jean, murmura le jeune sergent. Tu m'as manqué. Putain ! »

Les mains, longues et fines, de Javert glissèrent sur le corps du forçat, retrouvant la poitrine musclée, les poils épais sur le torse, le ventre dur... Il caressa, ravi d'étudier plus en détail cet Hercule vivant. Ses rêves ne lui montraient que cela depuis des mois et des mois, embarrassant le garde-chiourme au-delà de tout, lorsque ce dernier se réveillait dans une situation douloureuse. Il dut se prendre en main des centaines de fois, se mordant les lèvres au moment de l'apogée pour ne pas gémir le nom d'un forçat.

Le garde-chiourme retrouva aussi les cicatrices du bagne et ses doigts se firent poids plume en passant dessus.

« Je suis désolé Jean… J’aurais dû... »

Une bouche pour le faire taire. Valjean murmura :

« Tu n’aurais du rien du tout. J’étais une bête.

- Comment as-tu pu changer autant ?

- Je l’ai fait...pour toi…

- Moi ? »

Nouveau baiser. Javert caressait toujours le corps de son amant.

Jean Valjean le laissa faire, conscient de l'importance de cet examen pour Javert, le policier devait vouloir graver dans son esprit les détails de son corps. Pour s'en souvenir lorsqu'ils seraient séparés.

Mais avaient-ils besoin d'être séparés ?

Avant de pouvoir parler, Valjean gémit alors qu'une bouche s'emparait d'un mamelon pour le lécher avec soin. Ses mains saisirent les cheveux de Javert et tirèrent sur le ruban les retenant. La longue chevelure d'une douceur de satin vint caresser sa peau. Magnifique Javert ! Fougueux Javert !

Le jeune homme se redressait pour revenir embrasser Valjean. Il était encore habillé contre le forçat nu.

« Je veux te voir, » souffla la voix rauque de désir de Valjean.

Avec un sourire un peu incertain, Javert se redressa. A genoux devant Valjean, il se déshabilla. Valjean apprécia de retrouver le corps fin et ferme de Javert, si jeune encore. Javert avait vingt ans, lui-même avait trente ans.

Merde !

Ne pourrait-il pas venir vivre avec lui à Montreuil et abandonner sa carrière de policier ? Mais Valjean, seul, savait l'avenir. L'usine, la mairie, la position, l'argent... Et encore, cet avenir qu'il envisageait s'éloignait de plus en plus de son histoire réelle. Cinq ans de bagne, retrouvailles avec sa sœur, départ pour Montreuil..., amoureux de Javert...

Encore une vie complètement aberrante.

Valjean se tut et contempla l'homme qui se mettait à nu pour lui.

« Jean... »

Javert se coucha sur lui, ses mains saisissant ses hanches et son sexe se frotta contre le sien.

« Mon bel et fougueux inspecteur..., gémit Valjean, en sentant sa bouche embrasser sa gorge.

- Pas encore, sourit Javert. Laisse-moi quelques années pour le devenir. »

Des années ? Mais avaient-ils vraiment cela ?

Ce fut un amour ardent, passionné. Jamais Valjean n'avait connu cela, ni vu Javert ainsi. Leurs mains étaient partout, cherchant le plaisir. Ils se frottaient, se caressaient, se découvraient. Leurs mains furent remplacées par leurs bouches.

Un amour ardent et passionné...et rapide.

Javert réussit à entraîner Valjean jusqu'au bord du gouffre en quelques minutes, les précipitant tous les deux dans l'abîme.

Bientôt, ils se reposaient l'un contre l'autre, nus et apaisés. Et Valjean serrait contre lui Javert, laissant sa main caresser doucement l'épaule et le bras de son amant. Il pouvait jurer qu'il entendait ronronner ce dernier.

« Et maintenant ?, murmura Valjean.

- Mhmmm... Laisse-moi quelques minutes de repos Jean et je pourrai me charger de toi à nouveau.

- Vraiment ? Insatiable ?

- Je le suis... Et tu m'as assez fait danser au bagne. Tous ces mois à te pavaner devant moi. Intouchable !

- Un forçat intouchable ? Voilà une drôle de phrase venant d'un garde-chiourme.

- Quelques minutes...et je m'occuperai de ton cas.

- A vos ordres, monsieur. »

Quelques minutes…

Ils firent l’amour toute la nuit…

Javert commençait à apprendre à jouer avec lui. Il précipitait Valjean jusqu’au bord de la vague avant de reculer. Le ramener dans des eaux plus calmes. Relâchant la bite qu’il suçait, cessant de mordiller un mamelon, arrêtant de lécher son anus…

Ce soir, Javert jouait de lui comme d’un instrument de musique.

Mais Valjean se rebella et soumit son amant à la même torture. Le forçant à gémir son nom maintes et maintes fois. Surtout lorsque ses doigts cherchèrent cet endroit magique situé au fond des hommes et qui les rendait fous. N’est-ce-pas monsieur l’adjudant ?

« Jean… Je t’en prie…

- Oui monsieur ?, se moqua Valjean, tout en baisant lentement Javert avec ses doigts.

- Putain ! Fais-le !

- Faire quoi, monsieur ?, demanda innocemment Valjean tout en croisant et décroisant ses doigts à l’intérieur de Javert.

- Baise-moi ! Merde !

- Combien de coups de fouet ? »

Et Javert griffait ses épaules, laissant des marques de demie lune rouges le long de ses épaules tandis que Valjean le pénétrait lentement.

Profitant de la sensation.

La dernière fois c’était Javert qui l’avait pris ainsi, le sodomisant pour la première fois. Lui faisant découvrir le plaisir fulgurant qu’on ressentait à supporter cet acte d’amour. Là, Valjean découvrait le plaisir qu’on ressentait aussi à donner cet acte. Un plaisir violent.

Javert ne parlait pas, perdu entre la douleur et le plaisir.

Valjean ne quittait pas des yeux le visage du jeune homme, attentif au moindre signe d’inconfort tout en progressant lentement mais sûrement dans le corps. Si chaud, si serré, rendu humide par la salive et l’huile de lampe.

Les longues jambes maigres de Javert encerclaient sa taille et serraient fort. Une véritable prise de combat. Valjean embrassa profondément son amant tandis qu’il atteignait ses limites. Il avançait lentement et se retrouvait maintenant complètement plongé dans Javert.

« Comment vas-tu ?, demanda-t-il tendrement.

- Jean, souffla Javert, ouvrant ses yeux de glace, étincelant.

- Veux-tu que je bouge ?

- Vingt coups de fouet… »

Un rire désespéré. Cela les fit gémir tous les deux, la sensation du rire était impressionnante. Javert serra plus fort ses cuisses et Valjean entama un lent balancement. Un lent va-et-vient qui leur faisait perdre les sens.

Javert avait refermé les yeux et sa tête avait claqué en arrière, la bouche ouverte sur un cri qui ne sortait pas.

« Beau…, murmura Valjean. Tu es magnifique. Je t’aime. »

Un éclat de ciel gris avant de gémir plus fort, Javert ne pouvait pas répondre, il était emporté par le plaisir.

Valjean saisit le sexe de Javert, dur et gonflé, fuyant sur l’estomac du policier. Un jeune homme de vingt ans qui n’avait pas connu l’amour. Valjean remercia le Ciel de ce magnifique cadeau.

Cela coupa le souffle à Javert qui se mit à haleter durement.

Mais Valjean joua un peu lui aussi, alternant les poussées lentes et profondes, frappant directement la prostate et les poussées rapides et fugaces, excitant seulement au-delà de toute mesure.

Javert grondait des imprécations, chantait le prénom de Valjean, priait le forçat de le faire venir.

Valjean se sentit plus fort que Jean-le-Cric lorsqu’enfin il accorda la délivrance à son compagnon. Brisant Javert d’une dernière caresse...avant de remplir son corps de mille étoiles…

« Je t’aime, » répéta encore Valjean.

Une fois revenu des brumes de son orgasme, Javert répondit :

« Je t’aime tellement Jean… J’en deviens fou... »

Un tel aveu ! Cela força Valjean à resserrer sa prise autour des épaules de Javert, le collant contre lui.

« Viens avec moi à Montreuil ! »

Un nouvel essai pour faire changer les choses.

Peut-être maintenant que les deux hommes s’étaient retrouvés et avoués leur amour mutuel cette histoire allait enfin cesser ?

Valjean se voyait bien vivre cette vie. Aller à Montreuil et devenir M. Madeleine. Aller à Montreuil et ouvrir une usine avec un associé. M. Javert et M. Valjean.

Mais le jeune policier ne répondit pas, il serra très fort son compagnon dans ses bras et Valjean sut déjà que son voyage n’était pas terminé. Une montée d’amertume douloureuse pour le cœur le prit.

« Peut-être...peut-être un jour tu pourras venir me voir à Montreuil ?

- Peut-être... »

Au moins ce n’était pas un non définitif. Puis les deux hommes, épuisés par leur nuit d’amour s’endormirent dans les bras l’un de l’autre.

Le lendemain, Valjean fut surpris de se retrouver dans son lit à Toulon. Mais il ne fut pas étonné de constater l’absence du policier.

Il ne fut pas non plus surpris de retrouver M. Du Florens seul à l’auberge du Petit Pont. L’architecte lui apprit, désolé, que le policier avait du repartir précipitamment pour son poste. Son devoir le rappelait.

Surpris, non, désolé, oui.

Le repas fut charmant mais Valjean expliqua ses projets sans mentir au jeune architecte. Celui-ci fut décontenancé mais content pour son ami. Car Valjean, ce forçat étrange, était devenu son ami, non ?

« Une usine de verroterie ? Quelle idée !

- J’ai quelques idées pour fabriquer du jais artificiel. On devrait trouver des débouchés en Allemagne, en Hollande et en Angleterre. Bien sûr dés que la paix sera rétablie en Europe et que le blocus continental de l’Empereur sera terminé.

- Du jais artificiel ? »

Annotations

Vous aimez lire Gabrielle du Plessis ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0