Scène II

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Les baisers étaient si bons, aussi bons que dans son souvenir. Ils n’avaient pourtant pas baisé si souvent mais Javert était chaste depuis des mois et le souvenir de son Frenchie demeurait bien ancré dans sa mémoire.

Les caresses se poursuivirent. Mais quelque chose avait changé qui surprit le policier new-yorkais.

Dans ses souvenirs, le vieux Frenchie était timide, voire timoré, il ne savait pas et n’osait pas. Là, il savait et avait appris.

Javert le sentit aussitôt lorsque Jean le retourna pour le placer sur le dos, coincé sous sa stature. Il en fut surpris mais ravi. Ses mains vinrent serrer les épaules du vieil homme, glisser dans son dos, heureux de sentir la musculature du Frenchie bouger sous ses doigts.

« Tu es magnifique…, sourit Javert.

- Non, toi tu l’es. »

Le sourire disparut lorsque Valjean embrassa le cou de son policier, son lieutenant de police. Une bouche se perdant dans le creux de l’oreille, suçant un lobe à en faire gémir Javert.

Non, Valjean n’était pas ainsi dans ses souvenirs.

« Tu as eu combien d’amants pendant mon absence ?, le taquina Javert, un peu désolé tout de même de savoir que le beau Frenchie ne l’avait pas attendu.

- Aucun, répondit Valjean, surpris par la question.

- Jean… Je suis flic, tu te souviens ? »

Mais Valjean ne comprenait pas. Il n’avait eu aucun amant, à part Javert. Encore et toujours Javert.

Le policier souriait sans rien dire. Le Frenchie était un peu menteur. Mais cela ne déplaisait pas à Javert. Il se laissa embrasser, caresser, permettant à Valjean de découvrir son corps. Il ne l’avait pas vraiment fait.

Et Valjean découvrait.

Le corps de Javert.

Toujours la même force dans une telle fragilité, Javert était élancé. On pouvait compter ses côtes. L’homme avait-il seulement mangé à sa faim un jour durant ses nombreuses vies ? Valjean se promit de lui faire un repas digne de ce nom tout à l’heure.

Il avait appris en six mois de vie à Paris.

Car Jean Valjean, riche industriel et philanthrope de ce monde, vivait seul. Il n’avait ni femme, ni mari, il n’avait aucun petit-ami. George Laffitte était ce qui pouvait s’approcher le plus d’un ami. Ça et quelques-uns de ses collègues de travail.

Au départ, Jean Valjean avait eu des scrupules à vivre la vie de Jean Valjean. Mais les jours avaient passé, puis les semaines et il fallait bien vivre.

Donc, il avait appris.

Seulement, il voulait savoir pourquoi le Jean Valjean du XXIe siècle vivait aussi solitairement, donc il chercha. Il feuilleta les albums photos, il lut quelques lettres perdues dans le secrétaire du vrai Valjean.

Jean Valjean avait vécu une vie plutôt retirée. Aucune femme. Puis il y eut la mention d’un certain François.

Une lettre inachevée dont il reconnut l’écriture pour la sienne. Juste quelques mots.

François,

Je suis désolé pour tout. Je ne souhaite que ton retour pour pouvoir te prouver à quel point je suis désolé. Je...

Mais cela suffit à lancer l’enquête.

Il en parla à Cosette, l’air de rien, mais elle ne connaissait aucun François.

« Mais je ne sais rien de ta vie, papa. Tu le sais ! »

Elle souriait, si belle dans ses vingts ans, son beau Marius à ses côtés.

« Il n’y a rien à savoir, ma chérie. »

Elle souriait toujours mais ses yeux étaient devenus plus durs.

Donc il y avait des choses que le riche mécène cachait à sa fille chérie ?

Valjean creusa plus profondément mais ne trouva rien.

En désespoir de cause, il interrogea George Laffitte, son associé. Les deux hommes semblaient se connaître depuis des années et beaucoup s’apprécier.

Laffitte dînait parfois chez Cosette et ramenait Valjean chez lui.

Valjean profita d’une de ces nuits. Les deux hommes se trouvaient dans la voiture de George Laffitte et devisaient gaiement de la soirée. Le riz au curry avait été bon mais Dieu ! Que le poulet avait été trop cuit ! Cosette n’était vraiment pas une cuisinière et Marius non plus.

« George, commença courageusement Jean Valjean. J’ai retrouvé une lettre de François. »

Ce prénom provoqua un raidissement visible dans les épaules de Laffitte, sa main se crispa sur le volant.

« J’ignorai qu’il restait quelque chose de lui. Je suis désolé Jean.

- Attends ! Parle-moi de lui ! »

Laffitte avait des yeux couleur noisette, toujours pétillants de vie, surtout lorsqu’il s’agissait de déjouer les pièges de la Bourse. Laffitte était dans son élément dans les milieux de la Finance. Un homme sérieux et efficace. Indispensable dans la nouvelle vie de Valjean.

Ces si beaux yeux noisette témoignaient d’une intense tristesse.

« Jean, il ne faut pas.

- S’il-te-plaît. George, je viens de me rendre compte que je ne me souvenais pas de lui.

- C’est pour le mieux ! Au moins ton AVC a eu cela de bon s’il l’a effacé de ta mémoire !

- George ! »

Un doux plaidoyer !

M. Madeleine savait faire plier ses employés, non par la force et l’autorité, mais par la bienveillance et la gentillesse.

George Laffitte soupira.

« François était un policier qui travaillait à Montreuil lorsque tu y vivais. Tu venais de rencontrer Fantine et tu allais l’épouser.

- Épouser Fantine ?

- Oui, tu as voulu sauver sa fille Cosette. Dieu, Jean ! Tu as oublié cela aussi ?

- Non, non. Pardonne-moi ! Continue ! »

Mais le regard passait de compatissant à suspicieux.

« Donc François était un policier. Je ne l’ai jamais rencontré personnellement mais je crois que tu l’as rencontré au cours d’une cérémonie quelconque.

- J’ai été maire de Montreuil ? »

Nouveau regard suspicieux mais Laffitte préféra en rire.

« Marius est bon en punch, je suis d’accord ! Il a réussi à te faire perdre l’esprit ! »

Mais Valjean ne plaisantait pas. Laffitte le sentit et commença à s’inquiéter.

« Tu es malade Jean ? Dis-moi ! Dois-je t’emmener à l’hôpital ? Ta tête ? Pas de douleurs ? Le médecin nous a prévenus Jean, un nouvel AVC peut se révéler mortel.

- Non, je vais bien. Je veux juste savoir !

- Tu n’as jamais été maire de Montreuil. C’était juste une cérémonie. Je ne sais pas. Peut-être un arbre de Noël ? As-tu regardé les photos ? J’ai tout jeté mais j’ai pu en rater quelques-unes.

- Je n’ai remarqué personne.

- Il détestait que tu le prennes en photos.

- Je ne me souviens pas de lui.

- Il était policier. Vous vous êtes fréquentés. Je crois que tu l’aimais beaucoup et qu’il t’aimait beaucoup. Il te forçait à sortir de ta coquille ! Vous faisiez des balades à moto. Tu détestais cela.

- Des balades à moto ?

- Oui, il avait un monstre de moto. Il n’était pas prudent ! Cent fois, tu me le disais. »

Puis George Laffitte se tut, concentré tout à coup sur la route.

« Que s’est-il passé ?, demanda Valjean.

- Jean. Il vaut mieux laisser le passé où il est. Si ton subconscient a effacé ces souvenirs, c’est pour le mieux. Si tu veux, je reprendrai rendez-vous chez le docteur Vitani. C’était un bon psychiatre, il t’a bien suivi.

- George ! Bon Dieu !

- Je ne sais pas ce qu’il s’est passé ! Vous avez rompu, il t’a quitté. Un mois après, il se tuait en moto. »

Un accident de moto !

« Que s’est-il passé ?

- Je ne sais rien de plus Jean.

- Mais il y a bien eu quelque chose ! »

George Laffitte soupira et avoua :

« Tu as fait une dépression durant trois ans avant de remonter la pente Jean. Tu en es encore troublé, je le sais. Tu refuses de sortir rencontrer des gens, autrement que dans le cadre de ton travail. Tu ne vis que pour ton usine et ta fille.

- Mais…

- En fait, ce policier new-yorkais, ce Javert… C’était la première fois que tu avais des sentiments pour quelqu’un depuis dix ans Jean ! Dix ans ! Pourquoi est-il parti ? »

Ce fut au tour de Valjean de se troubler.

« Nous avons découvert que nous n’avions pas les mêmes centres d’intérêt.

- Quel dommage Jean ! Il aurait peut-être mieux valu que tu fasses un petit effort pour le conserver. »

Un long, long, si long silence puis Laffitte cracha du bout des lèvres :

« Peut-être a-t-il découvert ton passé Jean ? La prison de Fleury Merogis ?

- La prison ? »

Mais ce fut tout pour cette nuit-là.

La demeure de Valjean apparut devant eux et Laffitte fut trop heureux de déposer son ami.

Valjean ne put rien demander de plus, George lui souhaita une excellente fin de nuit et disparut précipitamment.

La prison de Fleury Merogis ?

Mais qu’est-ce que Jean Valjean avait pu faire dans cette vie ?

Le corps de Javert était si beau. Tout en muscle et en longueur. Valjean caressait les muscles bien dessinés des abdominaux. Un bel homme.

Javert avait cinquante ans mais il était encore solide.

Il découvrit aussi les cicatrices. Une blessure horrible l’horrifia. Il la toucha précautionneusement. Une blessure à l’épaule.

« Une blessure par balle, expliqua simplement le policier.

- Par balle ? Je croyais que tu avais un gilet par-balle ?

- Un oubli de ma part. »

C’était dit d’une voix indifférente. Javert avait envie de faire l’amour, pas de discuter de ses blessures de guerre. Une autre blessure fit frissonner l’ancien forçat. Il n’osa même pas la toucher.

« Accident de moto. J’avais vingt ans. Là, j’aurai pu y rester, c’est vrai.

- Mon Dieu. Je ne veux plus que tu fasses de moto. »

Ces mots remplis d’angoisse firent rire Javert.

Cela lui faisait du bien de voir quelqu’un s’inquiéter pour lui.

« Jean. Je vais bien. »

Javert tendit les bras et saisit le beau Français, l’obligeant à se coucher sur lui. Il écarta les cuisses pour l’accueillir au plus près.

« Tu veux que je te le prouve ? »

Une prise de combat et Valjean se retrouva à nouveau étendu sous l’emprise de Javert.

« Et maintenant, il me semble avoir parlé d’une bite et de faire mendier. Voyons si mes compétences n’ont pas rouillé en six mois. »

Non, elles n’avaient pas rouillé.

Javert était habile dans l’art de la fellation. Il faisait cela à merveille et Valjean perdait la tête dans la vague de plaisir qui le submergeait. Une bouche douce et humide, chaude, qui le prenait profondément, des doigts qui caressaient ses testicules, les soupesant, les serrant un peu, presque jusqu’à faire mal. Des bruits obscènes et des fredonnements qui le rendaient fou.

Javert…

Javert…

Javert faisait cela aussi très bien au XIXe siècle…

Après l’avoir sucé, lâché à deux doigts de l’orgasme, Javert se recula, moqueur. Valjean ne souriait pas. Combien de fois Javert lui avait-il joué cette scène au XIXe siècle ? Avant que Valjean ne le prenne avec vigueur.

Le sourire ne disparut que lorsque Valjean lui fit écarter les cuisses. Ainsi le Frenchie avait appris l’art de la sodomie ?

Quel vieux menteur…

« Le veux-tu Fraco ?, demanda doucement Valjean, ne le quittant pas des yeux.

- Voyons ce que tu peux m’apprendre Jean.

- Je vais te baiser si fort, souffla le Frenchie dans le creux de l’oreille du flic, que tu vas me ressentir durant des jours. A chacun de tes pas.

- Que de la gueule !, » grogna Javert avant de se permettre d’embrasser durement la bouche de Valjean.

Entendre le beau Frenchie si composé, si imposant s’abaisser à parler salement le fouetta. Javert n’était pas un amant doux aux dires de ses rares conquêtes. Il se contraignait avec Jean Valjean mais si le Frenchie voulait jouer à un autre niveau, il était tout à fait d’accord.

Javert se recoucha et saisit le montant du lit pour se retenir. Il allait pouvoir gérer les poussées de cette façon.

Valjean le regarda agir, un peu surpris. Javert se méprit sur le sens de ce regard.

« Tu préfères m’attacher ? Je n’ai plus de menottes mais une cravate peut faire l’affaire.

- T’attacher ?

- Dieu ! Mais avec quels mecs as-tu couché pour ignorer comment épingler un type ?

- Je n’ai couché qu’avec toi. Je te le jure !

- Alors tu as regardé les mauvais pornos. Prends ma place ! »

Confiance.

Il fallait faire confiance.

Javert se releva et laissa Valjean se coucher. Doucement, il lui saisit les mains.

« As-tu une cravate ?

- O...oui, dans le meuble. Là-bas. »

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