Scène III
Javert se leva, nu comme un ver, le désir bien haut. Il aimait aussi bien être pris que prendre. Il ouvrit un tiroir dans une armoire de qualité et découvrit en effet une belle collection de cravate. Taquin, il choisit la plus douce et la plus précieuse. En soie.
Il revint vers le lit et regarda avec soin Valjean tandis qu’il saisissait les mains, descendait vers les poignets, les caressant avant de les attacher aux montants du lit.
Béni soit le Frenchie et ses goûts de luxe ! Un lit avec un montant de bois !
Valjean était attaché. Il n’aimait pas cela, l’impuissance, mais il sentait qu’il lui suffisait d’un geste pour se libérer. Il était prisonnier mais pas enchaîné.
« Maintenant, as-tu du lubrifiant ? »
Le Frenchie rougit adorablement avant de confirmer. Il désigna le tiroir de sa table de chevet.
Javert ouvrit le dit-tiroir et fouilla. Il y avait des livres, des lunettes et un flacon de lubrifiant spécial masturbation.
Il n’avait donc pas menti ? Il avait vécu ces six mois en solitaire ?
Javert allait lui rendre tout le bien qu’il pouvait. Il était bon en fellation, certes, mais se débrouillait pas mal en sodomie.
« Maintenant, si cela ne va pas ! Si cela est douloureux, tu m’arrêtes ! Il n’y a pas de crainte à avoir, ni de volonté de sacrifice. On est deux !
- J’ai envie de toi ! »
Cela apaisa les craintes de Javert qui se pencha et embrassa profondément Valjean. Caressant ses cheveux et fermant ses yeux merveilleux.
Javert…
« Moi aussi j’ai envie de toi ! »
Un doigt vint taquiner son ouverture tandis qu’une bouche prenait sa bite avec ardeur. Valjean se mit à gémir.
Un doigt le baisait lentement.
Valjean essayait de ne pas penser. Il perdait tout contrôle sur sa voix.
Oui, il avait une jolie voix le Frenchie quand il gémissait ainsi. Javert décida d’utiliser un deuxième doigt.
Mais ce ne fut qu’au troisième doigt que Valjean comprit enfin tout l’intérêt d’être attaché de cette façon. Il pouvait se cambrer et accompagner les mouvements. Le rythme.
« Prends-moi Fraco ! »
De mauvais films pornos mais Javert devait avouer que les plaidoyers de Valjean fouettaient son sang. Il retira ses doigts, couvrit son sexe de lubrifiant, négligeant le préservatif.
Et il pénétra doucement le corps du Frenchie, les jambes si fortes de Valjean entourant sa taille.
« Putain… Tu es si serré. Dis-moi…
- Fracoooo, gémit Valjean, la tête claquant en arrière.
- Dis-moi si c’est bon.
- Mon Dieu... »
Javert s’arrêta lorsqu’il fut enfoui entièrement. Il ne voulait pas blesser Valjean. Il savait qu’il y avait de la douleur mêlée au plaisir. La douleur prédominait d’abord. Il fallait attendre que l’intrusion soit acceptée.
Valjean était incapable de penser maintenant. Il n’y avait que lui, Javert et cette chaleur en lui.
« Dis-moi.
- C’est bon. Continue !
- Impatient ! »
Mais Javert était soulagé. Il prit un rythme lent, observant les mains de Valjean saisir les bouts de la cravate de soie et tirer dessus. De belles mains, larges, avec des doigts épais. Javert se concentra dessus pour ne pas venir trop tôt. Pour apprécier la chaleur, les gémissements, les prières du beau Français qui criait parfois son nom.
Oui, la cravate était une bonne idée. Pas indispensable mais Javert avait vu que le Frenchie allait faire cela mécaniquement.
Il avait encore de nombreuses choses à apprendre.
Et Javert était trop heureux de jouer les professeurs.
Les poussées devenaient si profondes et tout à coup la cravate disparut. Javert l’avait retirée. Surpris d’être libéré, Valjean glissa ses mains sur le dos du policier.
Puis ses doigts cherchèrent le bas du dos de Javert et le poussèrent plus loin, plus profondément et ce fut si bon.
« Voilà comment on baise, murmura Javert, tandis qu’il embrassait les lèvres de son amant.
- Je ne savais pas, avoua Valjean.
- Je m’en doute. Tu ne sais rien Jean. Ma jolie petite fleur de mai. »
De l’argot ? Voilà une parole que Javert aurait pu tenir en effet.
« Tut, tut, on ne se déconcentre pas ! Pas quand je baise !
- Je n’oserai pas, lieutenant. »
Un sourire avant de terminer dans un gémissement.
Javert avait décidé de complexifier les choses. Il poussa plus fort, plus vite, plus durement. Valjean avait voulu jouer un jeu tantôt, rappelons un peu quels étaient les enjeux.
« Nous disions donc que tu voulais me baiser si fort que je devais le ressentir durant des jours, souffla Javert dans le creux de l’oreille du Français.
- Ou...oui…
- Voyons si je peux tenir cet objectif.
- Fraco... »
Que c’était bon !
Il y avait une douleur, mais en filigrane, perdue dans le faisceau de plaisir que ressentait Valjean à chaque poussée de Javert en lui. Il avait remarqué un peu plus de brutalité cette fois-ci.
L’homme perdait clairement son contrôle sur lui-même.
« Viens Fraco, murmura Valjean. Viens… Je veux te sentir.
- Putain, si tu me dis des choses comme cela, je ne vais pas durer Jean.
- Je te veux. »
Les poussées devinrent erratiques mais Javert refusa de se laisser aller. Ses mains saisirent le sexe ignoré de Valjean et le caressèrent de leur mieux. Perdant un peu le rythme des poussées mais ce fut au profit des gémissements sans frein de Valjean.
Les ongles du Français griffaient ses épaules, marquant la peau de demie-lunes.
« Tu es proche Jean ?
- Fra....co…
- Viens… Mon bel homme. Tu es si magnifique. Si beau. »
Valjean mordit ses lèvres tandis qu’il se sentit venir. Se brisant entre les mains de Javert, se déversant sur ses doigts, sur son estomac.
L’orgasme de Valjean provoqua l’orgasme de Javert. Le policier se perdit au fond de l’industriel.
Bien sûr Javert ignorait alors que Valjean était un voleur.
Comme dans toutes ses vies.
« Jean… Jean... »
Ce fut tout ce que put dire Javert.
Un des plus beaux orgasmes de sa vie. Et pourtant il avait couché avec quelques partenaires dans sa vie.
Doucement, laissant le temps à Valjean de ne pas être blessé ou mal à l’aise, il se retira. Mais avant qu’il ne puisse se lever, Valjean le retint.
« Reste ! Je veux te sentir contre moi.
- Lorsque nous allons nous réveiller, le sperme séché ne sera pas une partie de plaisir Jean.
- Je m’en fous. On prendra une douche ! Nous n’avons rien à faire aujourd’hui.
- Vraiment ? Où est passé l’industriel sérieux et travailleur ?
- Il a envie de rester au lit avec son petit-ami.
- Petit-ami ? Nous sommes trop vieux pour s’appeler ainsi Jean. »
Javert obéit néanmoins et se recoucha dans les bras de son compagnon.
« Que dis-tu de partenaire ?, proposa Valjean.
- Cela me fait penser à une mauvaise série. « Partenaires dans le crime ».
- Pas faux, » reconnut Valjean.
Cela les fit rire. Valjean caressait les cheveux doux de son amant. Javert avait posé sa tête dans le creux de l’épaule du Frenchie. Impressionnant à quel point sa tête allait bien là, comme si cette épaule avait été faite pour lui.
« Amant ?
- Je te mets au défi de réserver une table au restaurant en nous présentant comme amants Jean ! »
Nouveau rire. Javert releva le menton et captura un baiser de son amant.
« Compagnon ?
- C’est déjà mieux. Je me vois bien te présenter à Azelma et Gregson comme étant « mon compagnon ».
- Tu les vois encore ?
- Non, répondit Javert, perturbé.
- Tu as vraiment démissionné ?
- Oui.
- Pourquoi ? »
La main de Javert caressait doucement les poils grisonnants du torse de Jean Valjean, jouant avec un mamelon, le durcissant lentement. Valjean, lui, laissait ses doigts caresser le bras du policier, avec affection, tendresse...amour…
« Je ne pouvais plus faire ce travail Jean.
- A cause de John Madeleine ?
- Entre autre. Je ne suis pas si bon policier que cela. J’ai fait des erreurs.
- On en fait tous. Tu devrais reconsidérer ta décision.
- Tu veux me chasser de ton lit ? Après une seule baise ? J’ai été si mauvais que cela ?
- Tu as été parfait ! Je n’ai jamais connu autant de plaisir. »
Ils riaient, à moitié endormis.
Mais c’était un rire jaune.
Javert était dans une impasse, sans travail, sans argent, sans adresse. Normalement, il avait prévu de se retrouver au fond de la Seine à cette heure-là.
Une fois de plus ses plans avaient été perturbés par ce maudit Frenchie.
« Je vais te garder auprès de moi Fraco, si tu me laisses faire. »
Javert ne répondit pas.
Il pensait à New-York. Il pensait à son poste. Bizarrement, il pensa même à sa moto.
Et ils s’endormirent…
Valjean avait été certain de ne pas se réveiller à cette époque. Il s’attendait à entendre les cloches de Montreuil, le pas des chevaux sur les pavés de Paris, le tonnerre du canon à Toulon…
Mais pas les doux ronflements d’un homme couché dans ses bras.
Valjean se sentait...étrange…
Quelque part, il était encore sous le choc de la mort de Javert. Les dernière semaines qu’il venait de vivre restaient un cauchemar dans son esprit. La culpabilité de l’inspecteur Durand qui n’osait pas le regarder en face, la haine de l’inspecteur Walle qui osait répondre vertement à monsieur le maire, la douleur qui le prenait à chaque instant…
Il hantait le cimetière, apportant des fleurs, des prières, se compromettant aux yeux de la population.
« Allons, Monsieur Madeleine… Reprenez-vous ! »
Ce n’était qu’un cogne… Ce n’était qu’un gitan...
Il n’y avait que Cosette pour lui tirer un semblant de sourire.
« A l’école, ils ont dit que tu étais devenu fou, papa. Tu es devenu fou ?
- Je suis très triste, mon ange. Un de mes amis est parti.
- Ce policier ? C’était ton ami ?
- Oui, ma Cosette. C’était un bon ami. »
Il n’osait pas pleurer. C’était la seule concession qu’il faisait aux convenances.
Une lettre était venue de Paris, succincte et procédurière, annonçant simplement que le décès de l’inspecteur Javert était enregistré. On insista bien sur le grade de Javert. Inspecteur de Troisième Classe.
Valjean la déchira dans sa rage.
Un mois à supporter l’absence et la tristesse. Avant de se décider enfin à passer le pas.
M. Madeleine embrassa sa douce Cosette, prit son fusil et partit faire une dernière promenade dans les champs aux alentours de Montreuil, admirant les remparts dans les couleurs de l’automne.
Il suffit de si peu...
Quelque part, il était encore sous le choc de la perte et d’un autre côté, il était reconnaissant pour l’amour qu’il avait trouvé.
Le lieutenant Javert de la police de New-York.
L’homme l’aimait, il l’avait prouvé. Six mois qu’il travaillait pour lui rendre la paix. Espérant qu’avec quelques dossiers bien complets, il pouvait lui prouver sa folie.
Car Valjean se rendait bien compte que le policier le prenait pour un fou. Cela se lisait dans la brume de ses yeux. Nostalgiques, attristés, déçus…
Valjean embrassa le haut du crâne du Javert du XXIe siècle.
Enfin de celui-ci.
Cela était si drôle quand on y pensait.
Plusieurs Valjean vivant des vies parallèles dans plusieurs mondes à plusieurs époques et rencontrant plusieurs Javert…
Car le Jean Valjean du XXIe siècle avait rencontré son Javert…
La piste de François, le policier de Montreuil…
George Laffitte lui avait fait deux révélations de choc.
La première, l’idée qu’un policier de Montreuil était tombé amoureux de lui.
La deuxième, la nouvelle qu’il avait un lien avec une prison parisienne, Fleury Merogis.
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