Scène XII
Javert avait eu du mal à accepter son renvoi, il souffrait profondément de la perte de son poste. On l’appelait toujours « inspecteur » mais qu’était-il réellement ?
Il se força à revenir au présent et à Valjean étendu contre lui.
« Venir vivre avec toi et te plonger dans l’infamie ?
- Ce n’est pas de l’infamie ! C’est de l’amour ! »
Un temps. Un souffle. Avant que Javert ne murmure :
« C’est vrai. Tu me l’as déjà dit. »
Il fallait cesser cette scène navrante. Valjean connaissait bien son policier maintenant. Javert comprenait mieux les gestes que les mots. Valjean se releva mais glissa ses mains sous le corps de Javert et de toute la force de Jean-le-Cric, il souleva le policier.
Javert en fut un instant décontenancé et ses mains se posèrent sur les épaules du forçat par automatisme.
« Bien…, approuva le forçat. Comme ça. Tout doux. Comme une mariée. »
Et le forçat entraîna le policier jusqu’au lit sur lequel il déposa son doux fardeau.
« Une mariée ?, sourit Javert, les larmes brillant encore dans le coin des yeux.
- Si tu étais une femme, tu serais dans mon lit depuis longtemps et tu porterais ma bague. »
Un baiser, profond, sensuel. Juste ce qu’il fallait pour faire baisser sa garde au policier.
« Tu porterais ma bague, mon nom…mes fils…
- Jean... »
Un prénom perdu dans un gémissement.
Les actes pesaient plus que les mots et ils avaient trop parlé. Valjean termina de se dévêtir et complètement nu, il s’étendit à côté de son compagnon, afin de capturer sa bouche, encore et encore...et de retirer les derniers vêtements qui l’empêchaient d’accéder à la peau cachée dessous. Chaude et ferme.
« Je suis trop vieux pour avoir des enfants, rétorqua Javert, tandis que Valjean mordillait son lobe d’oreille.
- Mais tu serais depuis longtemps à moi ! Depuis Montreuil ! Tu serais mon épouse depuis des années !
- Jean… Tu as trop bu… »
C’était vrai mais cela n’empêcha pas le forçat de caresser Javert, cherchant son sexe, dur et humide. Le branlant efficacement.
Valjean avait connu de nombreuses fellations de la part de Javert, et ce dans différentes époques, mais il n’avait jamais rendu la pareille à son inspecteur.
Il innovait ce soir.
Doucement, il lâcha le sexe, faisant gémir de frustration Javert avant de descendre lentement le long du corps anguleux de l’inspecteur.
« Jean ? Que fais-tu ?
- Devine ! C’est toi le policier !
- Dieu ! Putain ! »
Un flot d’insanités venues du plus bel égout parisien s’échappa des lèvres de l’inspecteur Javert alors que la bouche de Valjean prenait la bite du policier le plus profondément possible. C’était maladroit, malhabile mais cela faisait perdre la tête à l’inspecteur. Il n’avait jamais connu cela lui non plus.
Les mains du policier, de longs doigts nerveux, serraient les draps avec force, le sculptant en de folles arabesques, alors qu’il sentait le plaisir monter si haut dans le creux de ses reins.
« Dieu, continue… Je t’en prie… Jean… Jean... »
Et des litanies de prières… Javert n’arrivait plus à contrôler sa pensée, sa parole. Valjean se sentait le plus puissant. Pour la première fois dans sa vie, il dominait vraiment l’inspecteur Javert. Le tenait à sa merci. Cela le grisa.
Les mains de Javert saisirent durement les cheveux blancs si soyeux de Valjean et tirèrent dessus à en faire pleurer de douleur le forçat. La perte de contrôle était totale.
« Attends ! Arrête ! Je vais… Je vais venir… »
Valjean fredonna et ne cessa pas. Bien au contraire ! Il expérimentait, lâchant le sexe pour lécher les testicules, plongeant sa langue dans la fente du pénis, laissant sa fantaisie prendre le dessus sur le rythme.
« Tu me taquines ?, gronda Javert. Je... »
Et un nouveau gémissement lorsque Valjean prit la bite dans sa bouche, aspirant et suçant avec entrain. Ce fut la main glissant sur ses testicules qui eut raison de l’endurance de Javert.
Valjean fut surpris par la venue du policier. Chaude, épaisse, amère. Il eut du mal à avaler. Il en recracha une partie.
Javert était étendu, les yeux fermés et le souffle court. Valjean s’essuya la bouche avec le drap et s’étendit à son côté.
Il avait encore tellement envie de cet homme. Javert le sentit lorsque le sexe dur de Valjean se retrouva contre sa cuisse.
Il ouvrit les yeux et regarda cet homme impossible.
Jean Valjean.
Un voleur, un forçat, un inverti,...un amant…
« Tu me prendrais Jean ?
- En es-tu sûr ?
- J’ai envie de te sentir en moi. Pendant des jours et des jours.
- A vos ordres, inspecteur. »
Un petit sourire.
Javert se retourna lentement sur le ventre et laissa œuvrer Valjean à son idée. Le forçat se coucha sur le dos de Javert, embrassant la nuque, les épaules, dessinant les contours de ses clavicules. Ses doigts découvrirent d’anciennes cicatrices et les suivirent.
« Tu as connu le fouet ?
- Une enfance difficile.
- Qui a fait cela ? J’espère que ce n’était pas…
- Ma mère ? Non, non. Elle en prenait pour son grade. J’ai été élevé au bagne, Jean. Logique que l’éducation s’y fasse au fouet et à la matraque. Je n’étais pas le plus facile des enfants.
- Un enfant ? Comment peut-on frapper ainsi un enfant ?
- M. Madeleine et son Émile de Rousseau… Je suis un peu plus pragmatique.
- Fraco… »
Les doigts caressaient révérencieusement. Javert se retourna d’un coup et coinça Valjean sous sa force. Avant de prendre sa bouche, se goûtant avec étonnement, et de faire gémir monsieur le maire.
« Un enfant difficile, une enfance difficile. C’est ainsi et je ne le regrette pas ! Lorsque je suis arrivé en âge de me défendre, je me suis vengé.
- Vengé ?
- Je suis devenu leur supérieur à tous ! Le second de l’adjudant-chef ! Et tous étaient obligés de se plier à mes ordres.
- Que leur as-tu fait ?
- Rien, Jean. Rien. Sauf leur montrer qui était le maître désormais.
- Adjudant-garde Javert !
- Oui. »
Un nouveau baiser, fait de langues et de dents, tandis que la main de Javert caressait profondément le sexe de Valjean. A lui faire perdre la tête à son tour.
« Inspecteur Javert !
- Oui. »
Encore un baiser. Javert mordit et suça la lèvre inférieure de Valjean, le faisant gémir fort.
« Tu en oublies un Jean.
- Vraiment ? Lequel ? »
Glissant ses lèvres tout près de son oreille, Javert murmura :
« Inspecteur en chef de la police de Montreuil.
- Inspecteur en chef.
- Oui...monsieur le maire. Et si vous m’en donnez l’autorisation, je vais sucer votre belle bite, monsieur.
- Dieu ! Faites donc… Inspecteur... »
Une bouche remplaça la main et Valjean se sentit submergé dans une vague de plaisir sans fin.
Ce furent les dix mois les plus heureux de la vie de Jean Valjean. Les meilleurs de toute son existence. Même à Montreuil, même avec Cosette, même avec sa famille, il n’avait jamais été aussi heureux.
Un peu égoïste quand on y pense mais c’était simplement un fait clairement établi.
Cosette et Marius furent mariés en janvier 1831. Leur contrat de mariage avait été dûment signé, le grand-père avait été obligé de lâcher du lest. Il avait du présenter le père de la marié comme M. Fauchevelent.
Personne ne connaissait la véritable identité du père de la mariée. Cosette l’apprit mais ne dit rien, Marius le sut mais ne s’opposa pas.
M. Valjean, tout acquitté qu’il soit, restait encore et toujours une mauvaise fréquentation.
Personne ne reconnut le forçat évadé dont le procès avait fait grands bruits.
M. Madeleine était si bien habillé, dans ses beaux costumes noirs, il était si bien peigné, avec sa chevelure blanche si solennelle, il était si doux, lorsqu’il racontait gentiment des anecdotes sur sa fille, Cosette.
Un homme simple, un ancien patron d’industrie...un ancien jardinier de couvent...un ancien magistrat municipal… Mille histoires pour mieux tromper les nombreux membres de la famille Gillenormand-Pontmercy ou leurs amis. Le cousin de Marius, Théodule, le soldat, trouva le vieillard charmant et essaya de le dérider toute la soirée avec des histoires de femmes.
M. Madeleine se contenta de sourire, espérant qu’on vienne le sauver de l’ennui.
Ce fut un beau mariage.
Le père de la mariée laissa le grand-père de Marius signer à sa place, comme la première fois. Il s’était blessé à la main, le pauvre homme.
Comme la première fois, sauf que cette fois-ci tous les acteurs de la pièce savait que c’était du chiqué.
Valjean voulut fuir le repas de noce mais sa fille l’en empêcha.
Là, ce fut différent de la première fois.
Elle le coinça dans l’entrée de la magnifique demeure des Pontmercy.
« Papa ! Où vas-tu ?
- Je ne me sens pas bien, ma chérie. Je préfère rentrer rue Plumet.
- TU viens à table, papa. TU restes avec nous ce soir. Il est hors de question que TU t’effaces ainsi de nos vies.
- Ce n’est pas ma place, mon ange.
- Je regrette que l’inspecteur ne soit pas là pour te forcer à obéir ! Te faut-il des poucettes ? »
Une vilaine blague. Mais elle eut le don de faire sourire Valjean et ainsi sourire sa fille. Le vieil homme acquiesça et retira silencieusement son manteau.
Ce fut une longue soirée.
Valjean pria en effet pour que l’inspecteur soit là en sa compagnie.
Javert n’avait pas été invité.
Toute cette histoire de fausse identité était dangereuse. Il ne valait pas mieux attirer l’attention.
Cosette Valjean devint la baronne Euphrasie de Pontmercy d’un joli trait de crayon. Elle se maria en belle robe blanche à l’église Saint-Paul-Saint-Louis , la paroisse des Gillenormand. Elle dansa avec son mari, avec son beau-père…, avec son père…
Elle était heureuse, éblouissante. Marius était à ses pieds, oubliant en un instant la révolution et les Amis de l’ABC.
L’affaire était donc réussie.
Dix mois de bonheur.
Le temps pour Cosette d’apprendre à tenir une maison.
Le temps pour Marius d’apprendre à devenir un avocat à temps plein.
Le temps pour M. Gillenormand d’apprendre à laisser les rênes de la maison à la si jolie Euphrasie.
Le temps pour Jean Valjean d’apprendre à vivre avec l’amour de Javert.
Car le policier avait enfin accepté qu’on puisse l’aimer. Il avait enfin accepté qu’on puisse le vouloir. Lui ? Le gitan né au bagne ?
Le temps pour Javert d’apprendre à vivre avec l’amour de Valjean.
Les deux hommes ne se voyaient pas souvent, bien entendu. Mais la maison rue Plumet était vide maintenant. Toussaint était restée avec son maître mais elle était si vieille. Aveugle, sourde, muette.
Dés qu’elle voyait arriver l’inspecteur, si raide dans son uniforme, elle laissait les deux hommes entre eux et rejoignait sa chambre.
Aveugle, sourde, muette. Par choix ?
Toussaint aimait beaucoup son maître.
Javert visitait Valjean deux fois par semaine. Un repas puis un jeu qui s’éternisait dans la nuit. Qui durait toute la nuit.
La rue Plumet et son couloir secret donnant rue Babylone. Qui aurait cru qu’elle allait abriter les amours secrètes d’un forçat et d’un policier ?
La première fois que Valjean avait raccompagné le policier aux petites lueurs du jour par ce long couloir secret, caché entre deux bâtiments, celui-ci n’en revint pas.
« Cela ne m’étonne plus de toi ! Comment veux-tu que je puisse capturer un homme aussi habile ?!
- Tu es pourtant un policier habile.
- Tu parles ! M. Fauchevelent, frère du Père Fauchevelent, réfugié au couvent du Petit Picpus devant le mur duquel j’ai perdu ta trace. Je suis un jobard.
- Je t’aime. »
Un dernier baiser et les deux hommes se quittaient.
L’inspecteur de police qui débouchait dans la rue Babylone avait l’air si farouche que personne n’aurait pu le croire à peine sorti d’un lit d’amour.
Et quel amour !
Oui, la première fois a été magique !
Cosette et Marius étaient mariés depuis une semaine. Javert et Valjean s’étaient retrouvés quelques fois dans le salon de la rue Plumet, à boire du thé en compagnie de Cosette. La jeune fille, d’abord réticente et froide, comprit que l’inspecteur n’était pas un si mauvais homme. Elle s’était peu à peu ouverte à lui et ses sourires devinrent plus vrais.
Enfin, il fut clairement établi que l’inspecteur et le forçat étaient amis.
Quelques fois, le policier acceptait de rester à dîner. Des repas un peu formels durant lesquels la jeune fiancée ne parlait que de son futur mariage, de son futur époux, de ses futurs enfants.
Javert captait parfois le regard de Valjean.
« Sauve-moi !
- C’est comme ça tous les jours ?
- Oui ! Par Dieu ! »
Et le sourire de l’inspecteur se cachait derrière les verres de vin.
Parfois...parfois, Valjean reprenait ses tournées de charité et rejoignait Javert dans son meublé rue des Francs-Bourgeois.
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