Scène XV
Il ne fallut pas longtemps pour que les deux hommes soient nus, debout l’un contre l’autre. Et Javert reprit ses baisers, profonds, enivrants. Il voulait Valjean, il le voulait complètement. Il avait tué pour avoir ce droit.
Avait-il retrouvé son cœur ? Maudit !
Javert glissa sa cuisse entre les jambes de Valjean, ravi de sentir son excitation alors que le forçat les écartait largement pour lui laisser le passage.
« J’ai envie de toi, Jean. »
Un baiser, une bouche mordant sa lèvre inférieure et Valjean gémissait, perdu dans un abîme de plaisir. Est-ce que c’était le fait d’avoir échappé à la mort ? Ou d’avoir tué ? Mais jamais Javert n’avait été aussi ardent, aussi fougueux. Même dans leur jeunesse, à Toulon. Même à Paris, en 2019. Même à Montreuil, dans les affres du désespoir.
Le policier claqua ses mains de chaque côté de la tête de Valjean, l’emprisonnant avant de descendre sur ses genoux et de se retrouver face au sexe, dressé haut du forçat.
« Dieu Fraco... »
Une bouche, chaude, douce, délicieuse, le prit avec ardeur. Valjean avait connu cela, la bouche de Javert, plusieurs fois, mais là, c’était la bouche de son Javert.
L’homme qui l’a connu dans la bagne de Toulon.
L’homme qui l’a surveillé dans les rues de Montreuil.
L’homme qui l’a poursuivi en plein Paris.
C’était encore meilleur en sachant cela.
Les mains de Valjean se posèrent parmi les tresses de Javert et serrèrent avec force. Javert apprécia la sensation et fredonna son contentement.
Il était à genoux devant une bite pour la première fois de sa vie et il avait fallu que cela soit celle de Jean Valjean.
Quelle ironie !
Valjean se sentait venir mais refusait de le faire de cette façon. Ils n’étaient pas des animaux en rut, ce n’était pas le bagne et ils pouvaient s’aimer avec tendresse. Valjean fit reculer Javert qui relâcha son sexe avec une bruit obscène.
« Au lit ! Je te veux aussi mais pas comme ça ! »
Valjean plaça ses mains sous les bras de Javert et le tira avec force pour le faire se relever. Il ne savait pas comment fonctionnait l’esprit de Javert, mais il ne voulait surtout pas que cet amour devienne une sorte de pénitence pour le policier. Une façon de se rabaisser.
Quelque chose de sale et de honteux !
Valjean entraîna Javert jusqu’au lit où il le déposa avant de l’embrasser. Calmer l’ardeur, offrir de la tendresse, montrer de l’amour.
« Je t’aime, murmura Valjean.
- Que Dieu m’aide, je crois que je t’aime aussi, » avoua Javert, les yeux brillants de larmes retenues.
Et voilà c’était dit.
Oui, mais était-ce vrai ?
Ce n’était pas le premier serment d’amour que le policier lui faisait. Javert n’était pas un menteur mais il ne savait pas vraiment ce que signifiait l’amour.
Une nuit d’amour.
Valjean apprécia les mains du policier posées sur ses épaules, il aima les baisers tout d’abord timides de Javert qui peu à peu s’enhardissaient, il adora les touches sensuelles qui lui faisaient perdre la tête.
« Fraco... Que veux-tu de moi ?
- L’oubli… L’amour… »
Car j’ai eu raison, hein ? J’ai eu raison ?
J’ai eu raison de ne pas mourir ?
Valjean savait comment agir. Il songea, amusé, au lieutenant Javert et s’apprêta à jouer la même scène que lui. Il descendit explorer le corps tendu de Javert, embrassant les mamelons de son inspecteur.
Javert était tellement réactif, personne ne l’avait touché ainsi. Personne ne l’avait touché d’ailleurs. A moins de vouloir le serrer et lui faire du mal.
Personne ne l’avait touché avec douceur. Sauf Valjean.
L’inspecteur, si raide et si austère, se mordait la lèvre inférieure pour ne pas gémir à voix haute.
Puis Valjean embrassa son ventre tandis que ses mains caressaient les cuisses du policier, remontant jusqu’à l’entrejambe. Avant de prendre le sexe dur et dressé de Javert dans sa bouche. Ce n’était pas quelque chose qu’il savait faire, il ne l’avait pas fait souvent, il s’appliqua.
De toute façon ce n’était pas comme si Javert en avait l’habitude lui aussi. Il ne fallut pas longtemps pour le défaire, des caresses appuyées sur des testicules gonflées, une main glissant dans un mouvement de va-et-vient et une bouche bien affairée.
Enfin, les doigts du policier tirèrent sauvagement les cheveux blancs de Valjean pour le forcer à prendre sa bite encore plus profondément alors qu’il se déversait.
Valjean sentit le réflexe nauséeux le prendre et il lutta pour ne pas vomir le sperme de Javert. Des larmes se mirent à couler sur ses joues, se perdant dans sa barbe.
Enfin, Javert se reprit. Il fit reculer Valjean et le força à se coucher sous lui. Renversement de position avant d’embrasser passionnément le forçat.
« Dieu Jean. C’était... »
Javert n’avait pas de mot pour désigner le plaisir intense qu’il venait de ressentir. Il le montra par ses baisers, ses caresses, ses sourires.
« Où as-tu appris à faire cela ? »
Sujet épineux.
On songeait au bagne, naturellement. Et pourtant, Valjean était resté chaste au bagne, n’ayant aucune envie de jouer cette parodie de l’amour interdite par l’Église et la Prison.
« Je ne l’ai pas appris. Tu es le premier à qui je fais ça. »
Javert le regarda intensément, le regard du policier, il fouilla le visage de Valjean à la recherche du mensonge. Il n’y en avait pas. C’était la vérité !
« Alors tu as un don pour tailler des plumes [faire des fellations] !
- Salopard !, s’écria Valjean.
- Voyons si je peux te rendre la pareille. »
Un sourire suffisant. Javert se sentait bien, il voulait donner autant de plaisir à Valjean que ce qu’il venait de ressentir.
Sans songer au bagne !
Surtout sans songer au bagne !
Merde le passé !
Javert ne perdit pas de temps en préliminaires et en caresses, il voulait faire gémir Valjean et l’avoir en son pouvoir. Enfin ! Les mains du policier forcèrent les cuisses de Valjean à s’écarter pour lui et sa bouche s’empara de la bite douloureuse avec entrain.
« Fraco… Dieu... »
Ce fut tout ce que pouvait dire Valjean, son plaisir se construisait, doucement mais sûrement. Javert était plus doux qu’à genoux devant lui, il le prenait profondément, testant ses capacités à avaler et à sucer.
Prenant garde aux dents et jouant de sa langue.
Valjean ne put résister à l’envie de taquiner l’argousin :
« Je ne suis...pas le seul…à avoir un don pour les plumes... »
Javert répondit par un doigt d’honneur et accéléra le rythme. Cela suffit à défaire Valjean.
Puis, ceci fait, il remonta se placer face à Valjean, les yeux dans les yeux avant de refermer les siens et d’embrasser intensément son compagnon, se goûtant mutuellement dans la bouche de l’autre.
« Je n’ai jamais touché une bite de ma vie, murmura Javert. Tu es le premier à me donner envie, le premier que je désire, le premier que je veux… Maudit forçat !
- Même au bagne ? Sur des milliers de forçats, comment as-tu pu me reconnaître après toutes ces années ?
- Touché ! Je t’ai peut-être remarqué au bagne, c’est exact.
- Remarqué de quelle manière ? »
Javert se mit à rire avant de capturer les lèvres de Valjean, encore, dans un baiser ardent.
« Tu veux être flatté Jean Valjean ?
- Raconte-moi et je te parlerais d’un jeune garde de Toulon qui était impressionnant dans son uniforme gris…
- Vraiment ? »
Les deux hommes, devenus âgés, sur le déclin de leur vie, s’examinaient avec soin. Oui, ils pouvaient retrouver ces jeunes hommes dans leurs yeux, dans leurs silhouettes, dans la courbure de leurs mâchoires.
Javert caressa le front de Valjean, laissant glisser ses doigts dans les cheveux, d’une belle blancheur.
« Je t’ai remarqué car tu n’étais pas comme les autres forçats. Tu étais fort, puissant et insoumis. Dangereux ! Tes yeux étaient brûlants et ils refusaient de s’abaisser. Tu m’attirais car je savais que tu étais à surveiller. Et j’ai eu raison ! Tu étais toujours à essayer de trouver la faille pour t’évader.
- Un passeport jaune, admit amèrement Valjean.
- Pas seulement ! Il y avait d’autres brutes au bagne et j’ai en connu des centaines. Mais d’aussi forts que toi, jamais ! Et en même temps, je ne te comprenais pas. Tu étais si bon, si bienveillant, tu te sacrifiais pour tes camarades. Je t’ai vu tellement de fois ployer sous une charge trop lourde et crânement avancer ! Soulever cette cariatide était un exploit ! Tu étais fascinant ! Tirer ce mât de bateau était une gageure. Oui, je t’ai remarqué et je ne t’ai jamais oublié. Tu as hanté quelques-uns de mes rêves et ils n’étaient pas...toujours chastes...
- Et tu m’as reconnu à Montreuil…
- Dés que je t’ai vu, j’ai su que tu n’étais pas ce que tu disais être. Mais j’attendais la preuve ultime avant de t’arrêter.
- Mon garde-chiourme devenu mon chef de la police ! Tu avoueras que ce n’était pas de chance quand même !
- Sûr, » admit Javert en riant.
Ils rirent ensemble.
Oui, la vie avait été étrange, pleines de coïncidences. Tout n’avait pas été exploré, ils auraient pu se retrouver Maison Gorbeau, ils auraient pu rejouer la scène de la confrontation devant le lit de mort de Fantine, ils auraient pu se reconnaître à l’église Saint-Étienne. En fait, Valjean se rendit compte que d’autres vies pouvaient être revécu.
« Alors ce jeune garde ?, fit Javert, l’air de rien.
- Un beau jeune homme, mais si froid, si méprisant. On parlait souvent de toi parmi la chiourme tu sais.
- De moi ? Le rabouin ?
- Tu n’étais pas autant détesté que les autres gardes. On savait que tu étais sévère mais juste. Et tu étais si jeune. Quel âge avais-tu lorsqu’on s’est rencontré pour la première fois ?
- Mhmmm. Laisse-moi réfléchir. J’avais seize ans certainement.
- Dieu du Ciel. Tu n’aurais pas du être là si jeune. »
Javert leva les yeux au Ciel, il ne reniait pas son passé de garde-chiourme. Il n’avait fait que son devoir et l’avait fait de son mieux. C’était cela qui avait attiré le regard de M. Chabouillet et en avait fait son protecteur, lui ouvrant les portes de la police.
« Et tu as des yeux magnifiques !, poursuivit Valjean.
- Mes yeux ? Ce sont de ma mère, je n’y ai aucune part.
- Je sais, » sourit Valjean.
Tu me l’as déjà dit.
« N’empêche qu’ils sont magnifiques. Ils étincellent, surtout quand tu es en colère ! Merveilleux !
- Je ne te savais pas flatteur Jean. »
Javert se moquait gentiment du vieux forçat et l’embrassa encore pour le faire taire.
Assez d’assauts de mondanité ! Javert s’étendit, apaisé par l’amour, Valjean se plaça contre lui, un bras protecteur se glissa sur la poitrine du policier.
Une bougie fut soufflée et l’obscurité tomba dans la chambre.
Une nuit de sommeil pour essayer d’oublier les fantômes et les remords.
Et la vie redevint une routine.
C’était toujours étonnant de voir comment la banalité pouvait rapidement s’installer dans une vie. Valjean l’avait vécu plusieurs fois maintenant mais cela le surprenait toujours.
Car cette nuit fut suivie d’une autre nuit et encore d’une autre. Javert était plus proche de lui que jamais dans toutes leurs vies.
Et cette première nuit fut suivie par un premier matin. Le policier ne quitta pas le forçat aux petites lueurs du jour, il resta couché contre lui et dormit d’un bon sommeil.
Valjean l’examina un instant, étonné de ne pas voir l’inspecteur remettre prestement ses culottes et le quitter comme un amant quitte sa maîtresse, furtivement et promptement.
Le forçat se recoucha contre Javert et se permit quelques minutes de repos supplémentaires. Quelques heures…
Au contraire, les deux hommes se réveillèrent assez tard dans la matinée.
Le premier matin.
« Bonjour Jean, murmura la voix, encore rauque de sommeil du policier.
- Bonjour, » répondit le forçat, tellement content d’entendre son prénom de si bon matin.
Un sourire, doux. Javert ne savait pas sourire, il apprenait. Valjean glissa une main pour caresser doucement le visage de son amant. Ils n’avaient même pas terminé de le soigner la veille, trop occupés à se tranquilliser l’un l’autre, trop occupés à se parler.
« Tu as bien dormi ?, » demanda Valjean.
Cela fit rire Javert qui rétorqua en s’étirant comme un chat, les bras étendus derrière lui.
« Oui, mon greluchon [amoureux] ! »
Les deux hommes rirent. Valjean se recoucha et força Javert à se décaler, le policier posa sa tête dans le creux de son épaule, étonné de voir à quel point elle était faite pour lui.
« C’est bien ma scie [femme légitime mais ennuyeuse]. »
Il était tard, si tard. L’inspecteur Javert était en retard pour la deuxième fois de sa vie à son travail. La première fois avait eu lieu lorsqu’il était venu rassurer ses collègues sur sa survie après le Pont-au-Change.
« Et pour l’ordinaire [le repas] ?
- Monsieur le cogne a les crocs [a faim] ?
- La bagatelle ça creuse, le fagot ! »
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