Marc avait passé toute la matinée dans sa chambre noire, au sous-sol. Il y avait développé une série de photographies qu’il croyait avoir perdues. Alors qu’il cherchait une paire de ciseaux au fond d’un tiroir, celui-ci s’était délogé de son emplacement et était tombé avec fracas sur le sol, déversant son contenu en pagaille. Parmi les stylos feutre, élastiques et autres bloc-notes, une pellicule avait roulé à ses pieds. La date qu’il avait écrite sur une étiquette ne lui rappelait rien mais piqua sa curiosité. Il était alors descendu au sous-sol et avait ouvert la porte de son atelier dans lequel il n’était pas entré depuis tellement de temps au point de ne plus se souvenir de la dernière fois où il s’y était réfugié. Dans le bain révélateur, il parcourut la douzaine de photos qui, au fur et à mesure, laissa apparaître le corps nu d’un jeune homme allongé, de manière suggestive, entouré de coussins. Le contraste du noir sur le blanc était équilibré. Les photos en gros plan faisaient admirablement ressortir le grain de la peau juvénile de ce garçon, rencontré un soir au Petit Marcel. Il tenait là quelque chose d’intéressant. Sébastien serait très content du résultat. Marc remonta aussitôt au salon et l’appela immédiatement pour savoir s’il pouvait passer. Il avait une surprise pour lui.

Toute l’après-midi, Marc avait combattu son impatience. Le soir venu, un jeune homme brun, aux cheveux courts, arriva avec un grand sourire. A peine arrivé, Sébastien se servit un whisky sans permission. Marc veillait à ce que le bar soit toujours bien alimenté. Ils avaient commencé à boire tranquillement tous les deux, avachis sur le canapé. Sébastien regardait son hôte le dévorer des yeux. Son sourire encouragea Marc, qui commença à poser sa main sur son épaule. Les caresses qui suivirent eurent l’effet escompté sur le jeune homme qui n’était pas dupe de son jeu. Celui-ci posa son verre et celui de Marc sur la table basse. Il s’agenouilla sur la moquette épaisse et regarda Marc avec envie, posa ses mains chaudes sur ses genoux. D’un geste rapide, il défit la ceinture du pantalon du photographe.

Marc poussa un râle de jouissance, assez bruyant, avant de repousser la tête de Sébastien, satisfait. Sébastien revint s’asseoir comme si de rien n’était. Un autre verre fut proposé. L’occasion pour Marc de lui montrer les photos. Avait-il un peu de temps pour rester dîner en sa compagnie? Sébastien refusa poliment l’invitation. En revanche, pour ne pas vexer son hôte, il prit le temps de contempler les photos, le remercia de la qualité de celles-ci. Il s’apprêta à les ranger dans l’enveloppe, prévue à cet effet, pour les emporter, quand Marc l’interrompit.

“Ecoute moi Sébastien. Tu es vraiment un beau garçon tu sais. Exceptionnellement et parce que c’est toi, je t’offre l’intégralité du tirage. Si tu étais d’accord, j’aimerais en sélectionner quelques-unes pour ma prochaine exposition. Qu’en dis-tu?”

Sébastien le remercia sans grande conviction mais se sentit tout de même flatté de sa demande. C’est pourquoi il accepta volontiers. Mais, au regard perçant de Marc, il s’aperçut que celui-ci n’en avait pas fini avec lui.

“Tu peux revenir quand tu veux, tu sais? Amène un ami avec toi la prochaine fois. S’il est aussi parfait que toi, les photos n’en seront que plus belles.” assura-t-il d’un ton mielleux.

Sébastien lui répondit qu’il n’y manquerait pas, car il avait adoré poser pour lui. Il avait aimé son professionnalisme et la façon dont Marc avait préparé la séance, en le mettant facilement à l’aise. C’était comme s’il était devenu le temps de quelques heures, une autre personne, un personnage de fiction. Il serait enchanté de le refaire, moyennant cette fois-ci une somme d’argent. Marc lui assura qu’il n’hésiterait pas à payer le prix qu’il faudrait.

En le raccompagnant à la porte, Marc le retint avec une dernière question.

- Sébastien, pendant que j’y pense et avant que tu t’en ailles, pourrais-tu de nouveau, me rendre un petit service ? demanda-t-il en sortant de sa poche un billet de cent francs.