Chapitre 29 (1) - Julius Shulman

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La pluie fouettait les vitres et redoublait d’intensité. Le crépitement sonore, monotone et régulier, contrastait avec l’intérieur chaleureux du Petit Marcel.

- Toute cette histoire de photos entre Rickie et toi… J’ai réalisé que j’avais été un peu indélicat… Je ne sais pas ce qui m’a pris…J’ai été un vrai con. Tu m’en veux toujours ?

- ...

- Saches en tout cas, que pour moi c’est du passé. Alors certes, j’ai regretté que tu me tournes le dos du jour au lendemain, mais je sais être bon prince. Et je sais pardonner. Qu’en penses tu ? dit Marc avec un sourire carnassier. Il écrasa le mégot de sa cigarette dans le cendrier.

Tête lourde. Le tournis. Début de nausée. Tom lâcha son verre mais Marc le rattrapa habilement au passage. Quelques gouttes de champagne renversées sur la table.

- Je ne savais pas que tu ne tenais plus l’alcool ! Je pense qu’il est préférable que l’on rentre se reposer à la maison.

A ces mots, Tom se leva chancelant et renversa maladroitement sa chaise. Marc la ramassa et l’aida à se tenir droit. Il se sentait si lourd tout à coup. Ils marchèrent lentement jusqu’au bar, devant le regard mouillé de Paul et les yeux inquiets de Lucas.

- Je ramène le prince dans mon château au bois dormant! Ne te dérange pas Lucas, je m’occupe de lui, plaisanta Marc, qui le voyait contourner le bar, prêt à venir soutenir Tom.

- Tout va bien Lucas, je t’assure, j’ai juste besoin de prendre l’air, c’est tout ! s’efforça d' articuler Tom avec un sourire contraint.

La pluie venait battre contre le pare-brise de Marc. Les essuie-glaces ne parvenaient pas à rendre la route visible. Cela n’empêcha pas son conducteur de rouler à vive allure. Assis sur le siège du passager avant, Tom, les yeux mi-clos, regardait Marc satisfait de sa conduite sportive. Il ouvrit un instant la vitre et sentit l’air frais mêlé d’une pluie glaciale qui lui fouetta le visage. C’était comme si on le secouait très fort sans parvenir à le faire émerger d’un sommeil profond. Que lui arrivait-il ?

Marc stationna le long du trottoir de sa maison. Il sortit Tom de sa léthargie en lui donnant une petite claque. Ils étaient déjà arrivés à bon port. Il ne devait pas s’endormir, la nuit serait longue. Ouverture de la porte. Un premier pied en plein dans une flaque d’eau. Tom se releva pour affronter la pluie battante avant d’entrer dans la maison. Le vent glacé, venu des rues sombres du quartier, s'engouffra à l'intérieur, ce qui referma brutalement la porte sur eux. Tom eut mille peines à quitter son manteau et demanda à Marc s’il pouvait utiliser la salle de bain pour se sécher les cheveux. Marc lui indiqua la pièce. Il pouvait faire comme chez lui.

Tom se frotta les cheveux avec une serviette de bain, la première qui lui tomba sous la main. Bon et après je fais quoi? Il sentit ses oreilles bourdonner. Les carreaux du sol se brouillèrent devant les yeux. Il resta quelques minutes comme ça sans bouger pour reprendre ses esprits. Ce n’est tout de même pas une seule coupe de champagne qui l’avait mis dans cet état! Un grand bruit au sous-sol et la voix colérique de Marc. Puis plus rien. Qu’est-ce qui se passe encore ? Rickie ? Il sortit aussitôt de la salle de bain et attendit dans le salon que Marc remonte. Surtout, ne pas l’appeler, de peur de l’énerver davantage.

Il en profita pour parcourir les nombreux livres de photographies de la grande bibliothèque et en sortit un qu’il affectionnait tout particulièrement. Un livre de Julius Shulman, célèbre photographe de maisons modernistes américaines des années 1950. Tom avait aimé venir ici, s’installer sur le canapé, pour regarder ces villas spacieuses et lumineuses, en s’imaginant les habiter. Il commença à feuilleter l’épais volume mais fut obligé de le poser sur la table basse en verre pour s’allonger. Il lutta contre le sommeil qui lui tombait dessus comme une chape de plomb. Il crut entendre Marc qui lui demandait de venir le rejoindre dans son laboratoire photos au sous-sol. Mais la dernière chose qu’il vit fut son visage qui lui souriait.

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