Chapitre 41 (1) - Lhôpital
Rickie appuya sur le bouton du troisième étage qui les menait, avec Tom et Lucas, dans le service de l’hôpital où Marc avait été admis. Arrivés dans le couloir, une infirmière les salua d’un mouvement de la tête et sourit à Rickie qu’elle avait reconnu. Celui-ci entra dans la chambre en premier. Marc était allongé sur le lit, comme s’il dormait paisiblement.
- Je reste deux heures environ. Je lui tiens la main et lui raconte ce que je fais de mes journées au travail. Et comme depuis deux semaines je ne sors plus le soir, je n’ai rapidement plus rien à lui dire. Les premiers jours, je lui parlais de nous, de ce que nous avions vécu tous les deux, des bons moments mais aussi des mauvais. J’ai beaucoup pleuré. Mais j’ai préféré arrêter, ça devenait glauque de parler comme ça, tout seul, à déverser tout ce que j’avais sur le cœur. Je trouvais ça injuste, il ne pouvait pas se défendre. C’est con comme raisonnement non ? Alors, j’ai apporté ce livre là. Il montra l’ouvrage de photographies de Frank Lloyd Wright que Barbara lui avait offert. Regarder les photos, c’est lui parler de mes rêves; dans quelle maison j’aimerais habiter, les amis que j’inviterais, la musique que j’écouterais, allongé dans ces grands canapés, admirant le paysage à travers de grandes baies vitrées. J’ai envie de croire que ça lui fait du bien autant qu’à moi. Mais peut-être me trouvez-vous ridicule…
- Pas du tout Rickie, bien au contraire. Et venir tout seul comme ça…t’aurais du nous prévenir dès le début. C’est pas un reproche. Ça a dû être difficile pour toi. On est vraiment désolés, osa Lucas.
- Un seul à souffrir et culpabiliser, c’est suffisant, vous ne croyez pas ?
Lucas et Tom se regardèrent sans rien dire. Tom s’assit en premier sur le lit, près de Marc. Il lui prit la main délicatement.
- Tu peux lui parler si tu veux, dit Rickie qui voyait bien que Tom n’osait pas.
- Si tu le dis… et bien… Marc… c’est Tom. Je suis venu avec Lucas et Rickie. Il nous a dit ce qui t’étais arrivé… je suis désolé, je.... mais il ne put finir sa phrase, bouleversé, les lèvres tremblantes. Il reposa la main de Marc sur le lit.
- Désolé, je ne peux pas, c’est au-dessus de mes forces… Il sortit précipitamment de la chambre sans dire un mot.
- Laisse-le Lucas, je comprends ce qu’il ressent. J’étais pas fier le premier jour où je suis venu. Heureusement que l’infirmière était là pour m’encourager et me dire ce que je pouvais faire. Je me sentais tellement démuni.
Une demi-heure plus tard, dans le hall de l’hôpital, Tom aperçut ses deux amis qui revenaient vers lui.
- Désolé les garçons…
Mais Rickie lui coupa la parole.
- Lucas vient de me dire pour ta mère. Je ne savais pas qu’elle était en maison de repos…
Tom essuya une larme qui pointait à son œil avant qu’elle ne coule.
- C’est de voir Marc allongé, ça m’a tellement rappelé les débuts, quand j’allais voir ma mère. Elle passait ses journées entières à dormir. J’ai eu l’impression que c’était elle aujourd’hui.
La neige s’était remise à tomber, doucement.
- Moi qui comptais rester encore un peu avec lui aujourd'hui, je crois que je vais repartir avec vous, annonça Rickie.
Recroquevillés dans leurs manteaux, ils arrivèrent à l’arrêt de bus. Un homme, emmitouflé dans son anorak, se leva du banc et leur dit qu’il en avait assez d’attendre. Avec toute cette neige, il n’était pas certain que le bus circule toujours à cette heure-ci. Ils n’eurent pas à se concerter pour se mettre d’accord. Ils allaient devoir rentrer à pied. Avant de revenir, Rickie leur proposa de faire un crochet par l’épicerie. C’était là que Barbara travaillait, à deux rues de l’hôpital. Ce serait l’occasion de lui faire une surprise.
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