Chapitre 54 (1) - Une autre tournée ?
- A ce moment-là, je ne voyais plus rien à cause de cette fichue neige qui n’arrêtait pas de tomber. C’était une tempête démente. Je n’en pouvais plus, je ne tenais plus debout, j’ai dû m’asseoir contre un arbre. Je savais qu’il ne fallait pas rester assis trop longtemps, sinon je ne pourrais jamais me relever. Je ne sentais plus mes pieds ni mes doigts. J’ai vraiment cru que j'allais rester là, seul, toute la nuit. Je m’imaginais déjà mourir de froid bêtement et guetter l’apparition d’un loup, prêt à me dévorer, déclama Tristan sur un ton tragi-comique.
- Il n’en rajoute pas un peu ton copain ? demanda Tom amusé.
- Et c’est à ce moment que je suis arrivé pour le sauver de cette galère ! Aaaaah, qu’est-ce qu’il ferait sans moi ! N’est-ce pas Tristan ? enchaîna Paul.
- Mais qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre ici ! dit Lucas qui venait de déposer trois nouvelles bières sur la table.
Cela faisait déjà presque une heure qu’ils étaient attablés tous les trois au Petit Marcel. Pour Tom, rien n’était comparable aux retrouvailles dans ce café. Assister au compte-rendu détaillé de ce séjour à la montagne. Savourer la joie de Paul et de Tristan et leurs ricanements intempestifs. Être de nouveau le témoin de leur amitié fraternelle. Être ici, tout simplement. Un moment privilégié.
Tristan, assis entre Paul et Tom, les prit par l’épaule.
- Les mecs, c’est moi qui paye ma tournée cette fois-ci et pas de discussion ! Je suis tellement content d’être là avec vous, vous ne pouvez pas savoir.
- Nous aussi ! Hier soir, à la gare, je n’aurais jamais imaginé ça avec Marianne. Quand vous êtes revenus tous les deux chez vous, ça s’est passé comment ? questionna Paul.
- Nickel, plus que nickel même, dit-il d’un air plein de sous-entendus. Il regarda Paul qui se mit aussitôt à rire, suivi de Tom.
- Ok j’ai compris Tristan, je t’en prie, épargne nous les détails, j’ai les oreilles chastes, dit Tom, rusé.
- Ça s'est trop bien passé je vous jure. Elle n’a donc pas reçu ma lettre. Paul, tu m’as dit d’être sincère et je l’ai été mais ça risque de faire des étincelles. En tous cas, moi je remercie la poste pour le retard. Résultat, hier soir, pas une seule dispute. Rien. Je vous avoue que je n’ai pas demandé mon reste. A vous je peux le dire, ce matin, j’étais bien content d’aller bosser au Microsillon. Je n’avais pas envie de l’affronter si la lettre arrivait. Je sais ce n’est pas très glorieux. C’est reculer pour mieux sauter.
- Si je peux me permettre, pour la lettre, je pense que tu as bien fait, rien ne vaut l'honnêteté dans un couple, dit Tom qui regardait Paul avec des yeux amoureux. Paul lui rendit son sourire, un peu mal à l’aise. Il repensa à l’hôtel, la veille au soir.
- Merci Tom. Ne m’en veux pas mais je croirais entendre ma mère, répondit Tristan qui espérait lui aussi compenser son embarras.
Ils trinquèrent à nouveau. Tom laissa échapper un rot qui fit rire ses amis. Tristan lui annonça qu’il pouvait adhérer à leur club très privé et ce, quand il voulait. Ils ne virent pas Marianne qui arrivait en trombe, furieuse devant Tristan qui avait les larmes aux yeux à force de rire.
- Bonjour tout le monde, je vois qu’au moins ici, on se marre bien. Finalement, tu es là. J'en étais sûre. Tu te fous de ma gueule ? fulmina-t-elle, une enveloppe à la main.
- Oups…, répondit Tristan qui ne put s’empêcher de lui rire au nez.
- Et ça te fait rire en plus ? Tu es un vrai goujat. Quand je pense que hier soir, on a… Et aujourd’hui, je reçois ça dans la boîte aux lettres. Je comprends mieux pourquoi tu étais pressé d’aller bosser ce matin, s'emporta-t-elle en élevant la voix.
- Marianne s’il te plaît, ne crie pas, on devrait plutôt en parler tous les deux calmement, tu ne crois pas ? répondit Tristan qui avait retrouvé son sérieux.
- Je crie si je veux d'abord. On n’a plus rien à se dire. Je vois qu’une semaine avec Paul t’a suffi à…, dit-elle. Elle les regarda, les yeux noirs de colère.
- Mais qu’est-ce-que tu vas imaginer Marianne ? C’est même moi qui ai conseillé à Tristan de t’écrire cette lettre…
- Non, ça tu n’étais pas obligé de lui dire Paul mais merci quand même, dit Tristan à demi-mot, pétrifié et légèrement amusé.
- Merci beaucoup Paul, moi qui croyais que tu étais un ami…”=
- Mais enfin Marianne, tu mélanges tout... tenta Paul pour se rattraper.
- Tais toi je t’en supplie, n’en rajoute pas Paul. Et toi Tristan, me larguer par lettre, tu aurais pu le faire autrement, tu n’as vraiment aucun respect.
- Tu as rien compris alors, dit Tristan, tout penaud mais avec le sourire au coin des lèvres.
- Et ça continue à te faire marrer en plus ? dit Marianne au bord de l’explosion.
Tristan laissa échapper un long soupir, comme s’il connaissait à l’avance l’issue de la discussion. A ce moment-là, il regarda Marianne dans les yeux. Sa décision était prise.
- Oui, ça me fait rire Marianne, tu es extravagante, comme d’habitude. Mais regarde toi, tu débarques ici comme une furie pour me faire une scène de ménage. Tu te crois où ? J’en ai assez ! dit Tristan d’un ton à la fois joyeux et résolu.
- C’est trop facile de me faire passer pour une hystérique. On a l’impression, quand on te regarde, que tu n’en as rien à foutre. Tu n’es vraiment qu’un minable. Et toi Paul, tu ferais mieux de t’occuper de tes affaires. Quand je pense que tu m’as menti pendant des semaines.
- Je suis désolé les amis que vous assistiez à tout ça, dit Tristan.
- Tu es désolé pour eux ? Et moi alors...mais tu es encore pire que ce que je croyais! Maintenant que tu fréquentes ce café, je vois que tu es perdu à la cause de toute façon... dit Marianne qui n’osait finir sa phrase.
Tom n’apprécia pas sa remarque tendancieuse. Il la regarda durement.
- Autant te prévenir Tom, tes deux copains, tels que tu les vois, ils n’ont pas fait que du ski, crois-moi. Demande leur plutôt ce qu’ils faisaient tous les deux, au lycée, sous les douches. A mon humble avis, ça devait leur manquer, ils ont dû bien en profiter pendant une semaine, lâcha Marianne, prête à tout pour se venger.
Paul et Tristan se mirent à rougir instantanément.
- Merci Marianne pour cette information mais je suis déjà au courant. Ils étaient justement en train de m’en parler quand tu as débarqué d’où nos éclats de rire. Je réalise que j’ai loupé quelque chose, répondit calmement Tom avec un grand sourire.
Marianne se raidit et devint toute rouge à son tour. Les trois garçons ne purent s’empêcher de laisser éclater un rire contagieux.
Marianne, excédée, fit volte face, partit en courant et claqua la porte d’entrée du café derrière elle.
- Et bien, j’ai l’habitude d’en voir des folles ici mais ta copine Tristan, dans sa catégorie, elle tient le haut du panier ! dit Lucas, son plateau chargé de boissons.
Tristan, surpris de sa réplique ne put s’empêcher de rire à nouveau.
- Qu’est ce que je vous avais dit les garçons, c’était trop beau pour être vrai. Je savais que ça allait se passer comme ça. Comment j’ai pu croire un instant qu’elle comprendrait le véritable sens de ma lettre, dit Tristan d’un ton laconique.
- Je suis désolé Tristan, j’aurais jamais dû te donner ce conseil, regretta Paul.
- Si tu es désolé, pas moi. Je voulais me persuader que j’étais incapable de pas me passer d’elle. Je te le disais encore hier soir. Pourtant, c’était déjà joué d’avance, rajouta Tristan, plus déterminé que jamais.
- Une autre tournée ? C’est moi qui régale, dit Tom.
La conversation se poursuivit. Tristan rassura Paul et lui répéta qu’il n’était pas si triste que cela. C’était inévitable. Il était même soulagé car il savait que sa relation avec Marianne venait de prendre fin.
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