Le voyage

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Les valises sont sorties devant la maison en attendant que l’employé de l’agence de logement boucle l’état des lieux et récupère les clés. Cette formalité faite, nous prenons la direction de l’hôtel. Nous faisons rouler nos six valises sur les trottoirs pas toujours réguliers, pas toujours propres, pas toujours accessibles. Devant la multitude de véhicules stationnés sur l’espace dédié aux piétons, nous finissons par occuper une partie de la route. Les klaxons des automobilistes furieux d’avoir à partager leur espace à eux fait rire Perle. Un homme baisse sa vitre pour râler. Perle le regarde avec un immense sourire et lui jette un « on s’en fout, on part habiter à Tahiti ». Le conducteur médusé, la bouche béante, nous fixe. Hilare, nous nous étalons un peu plus sur la voie de circulation. Notre joie n’est pas entachée par l’étage qu’il faut grimper pour s’installer dans notre chambre d’hôtel. Le dîner prit dans un restaurant a un goût délicieux.

Le lendemain matin, nous quittons l’hôtel après le petit-déjeuner. Nous avons prévu large dans les horaires, afin de ne pas avoir à courir dans les transports. Les trajets de l’hôtel à la gare, de la gare de Paris à l’hôtel près de l’aéroport Charles de Gaulle, tout cela est fait tranquillement et sans heurte. La chambre étant libre de suite, nous pouvons déposer nos valises, avant de nous d’étendre dans la piscine. Sans toutefois prendre un cinq étoiles, Jules n’a pas opté pour un hébergement bas de gamme. Le vol sera long. Il lui a semblé plus que nécessaire de passer une bonne dernière nuit sur le sol français. De plus, entre deux hôtels, l’un avec piscine, l’autre sans, le tout presque au même prix, le choix a été vite fait.

Le lendemain matin, le bus faisant la navette jusqu’à l’aéroport nous dépose très tôt. Commence la longue traversée des couloirs qui nous mènent au comptoir d’enregistrement des bagages. Les postes de sécurités passées, nous nous détendons avant l’embarquement.

Je déambule à petits pas près de la porte d’embarquement qui va nous mener vers notre nouvelle vie. Un sentiment étrange me cintre le cœur. Sûrement l’excitation du grand départ, car je m’apprête à faire vingt-deux heures de vol.

La pression appuie sur ma poitrine en passant la porte d’embarquement. Nous longeons un couloir formé par la passerelle pour aboutir, enfin, dans l’avion. Ma tribu s’installe chacun à sa place et nous découvrons les tablettes, inestimables trésors. Nous nous amusons à y regarder tous les menus ; à envisager les films que nous allons zieuter durant le voyage. Cela nous fera agréablement passer le temps.

Et le temps, laisse-moi te dire que nous en avons eu. Le seul dont je me serais bien passé, c’est celui écoulé à Los Angeles.

Que dire ?

Je ne sais plus quelle personne a dit un jour que les Français étaient des moutons. Probablement De Gaulle. Il faut croire qu’il n’a jamais fait escale à l’aéroport de Los Angeles. Rien à voir avec le fait d’être Français. L’Homme y est du bétail, ni plus, ni moins. Pourquoi être traité autrement me diras-tu, puisque le personnel ne parle pas ma langue.

De plus, c’est bon ! L’Amérique m’a bien dans ses fichiers. Il lui manque peut-être encore mon ADN. Mais ma photo et mes empreintes, si ce n’était pas clair aux bornes pour l’ESTA, ça l’est au guichet des passeports. J’aimerais presque que ma fille me fasse une bonne crise d’angoisse pour pouvoir devenir prioritaire.

Mais non. Pas la moindre petite crise en vu. Même pas après le énième portique où nous devons ôter nos chaussures, dont on a cessé de refaire les lacets. Mon homme garde sa ceinture à la main et sa montre dans la poche. L’heure avance à une vitesse folle et la peur que notre avion parte sans nous commence à se faire sentir.

Ô miracle suprême qui se produit devant mes yeux ébahis, quand un homme, personnel de cette monstruosité d’aéroport, nous parle, non seulement dans un Français parfait, mais en plus nous guide, au pas de course, jusqu’à notre porte d’embarquement. Je me mets à râlouser abondamment en regagnant ma place dans l’avion qui n’attendait manifestement plus que nous pour partir. Cette période de stress et de non-respect du vivant ne m’empêche pas d’avoir peur au décollage. Si l’envie de pleurer m’avait prise en quittant la France, ce n’est pas le cas à Los Angeles. J’ai peur. Je me centre sur ma respiration, ce qui me détend un peu. Je vois le sol américain s’éloigner de nous avec joie.

Une petite bouteille de mousseux nous est proposé durant le vol. Jules et moi trinquons à notre passage de l’équateur et à cette nouvelle tranche de vie qui s’annonce. Pour le coup, même Perle accepte de boire avec nous. Bien que ce ne soit pas du champagne, ce qui pour les Champenois que nous sommes pourrait passer pour un sacrilège, nous apprécions l’acte tout à fait symbolique de ce verre prit à je ne sais quelle distance du sol.

Autant te dire que malgré la lourdeur humide de l’aéroport (oui encore un) de Tahiti, notre joie d’arriver sur le sol polynésien est immense. Fatigués, sales, dégoulinants de sueur, mais soulagés. Je suis étonnée de voir autant de personnes pour nous accueillir. On nous offre des colliers de fleurs en signe de bienvenue. Je ne suis pas surprise que Perle les refuse d’un ton ferme et catégorique. L’odeur pourrait être agréable, mais la fatigue n’aide pas à apprécier pleinement le geste. C’est tels des zombis que nous avançons jusqu’aux voitures.

Quand tu fais un long voyage, ton esprit n’est pas, mais absolument pas au tourisme. À peine entré dans notre nouveau logement, la seule idée qui me réconforte est bien celle de pouvoir prendre une douche avant de dormir dans un vrai lit. L’avantage d’aller à l’autre bout de la terre dans le sens inverse du soleil, c’est de partir le matin et d’arriver le soir du même jour.

Les draps sont presque jetés sur les lits. Et comme on dit chez nous, quand on fait son lit, on se couche.

1Système électronique d’autorisation de voyage (ESTA) permet aux voyageurs éligibles de se rendre aux États-Unis sans visa et d’y rester jusqu’à 90 jours. ilare, nous nous étalons un peu plus sur la voie de circulation. Notre joie n’est pas entachée par l’étage qu’il faut grimper pour s’installer dans notre chambre d’hôtel. Le dîner prit dans un restaurant a un goût délicieux.

Le lendemain matin, nous quittons l’hôtel après le petit-déjeuner. Nous avons prévu large dans les horaires, afin de ne pas avoir à courir dans les transports. Les trajets de l’hôtel à la gare, de la gare de Paris à l’hôtel près de l’aéroport Charles de Gaulle, tout cela est fait tranquillement et sans heurte. La chambre étant libre de suite, nous pouvons déposer nos valises, avant de nous d’étendre dans la piscine. Sans toutefois prendre un cinq étoiles, Jules n’a pas opté pour un hébergement bas de gamme. Le vol sera long. Il lui a semblé plus que nécessaire de passer une bonne dernière nuit sur le sol français. De plus, entre deux hôtels, l’un avec piscine, l’autre sans, le tout presque au même prix, le choix a été vite fait.

Le lendemain matin, le bus faisant la navette jusqu’à l’aéroport nous dépose très tôt. Commence la longue traversée des couloirs qui nous mènent au comptoir d’enregistrement des bagages. Les postes de sécurités passées, nous nous détendons avant l’embarquement.

Je déambule à petits pas près de la porte d’embarquement qui va nous mener vers notre nouvelle vie. Un sentiment étrange me cintre le cœur. Sûrement l’excitation du grand départ, car je m’apprête à faire vingt-deux heures de vol.

La pression appuie sur ma poitrine en passant la porte d’embarquement. Nous longeons un couloir formé par la passerelle pour aboutir, enfin, dans l’avion. Ma tribu s’installe chacun à sa place et nous découvrons les tablettes, inestimables trésors. Nous nous amusons à y regarder tous les menus ; à envisager les films que nous allons zieuter durant le voyage. Cela nous fera agréablement passer le temps.

Et le temps, laisse-moi te dire que nous en avons eu. Le seul dont je me serais bien passé, c’est celui écoulé à Los Angeles.

Que dire ?

Je ne sais plus quelle personne a dit un jour que les Français étaient des moutons. Probablement De Gaulle. Il faut croire qu’il n’a jamais fait escale à l’aéroport de Los Angeles. Rien à voir avec le fait d’être Français. L’Homme y est du bétail, ni plus, ni moins. Pourquoi être traité autrement me diras-tu, puisque le personnel ne parle pas ma langue.

De plus, c’est bon ! L’Amérique m’a bien dans ses fichiers. Il lui manque peut-être encore mon ADN. Mais ma photo et mes empreintes, si ce n’était pas clair aux bornes pour l’ESTA(1), ça l’est au guichet des passeports. J’aimerais presque que ma fille me fasse une bonne crise d’angoisse pour pouvoir devenir prioritaire.

Mais non. Pas la moindre petite crise en vu. Même pas après le énième portique où nous devons ôter nos chaussures, dont on a cessé de refaire les lacets. Mon homme garde sa ceinture à la main et sa montre dans la poche. L’heure avance à une vitesse folle et la peur que notre avion parte sans nous commence à se faire sentir.

Ô miracle suprême qui se produit devant mes yeux ébahis, quand un homme, personnel de cette monstruosité d’aéroport, nous parle, non seulement dans un Français parfait, mais en plus nous guide, au pas de course, jusqu’à notre porte d’embarquement. Je me mets à râlouser abondamment en regagnant ma place dans l’avion qui n’attendait manifestement plus que nous pour partir. Cette période de stress et de non-respect du vivant ne m’empêche pas d’avoir peur au décollage. Si l’envie de pleurer m’avait prise en quittant la France, ce n’est pas le cas à Los Angeles. J’ai peur. Je me centre sur ma respiration, ce qui me détend un peu. Je vois le sol américain s’éloigner de nous avec joie.

Une petite bouteille de mousseux nous est proposé durant le vol. Jules et moi trinquons à notre passage de l’équateur et à cette nouvelle tranche de vie qui s’annonce. Pour le coup, même Perle accepte de boire avec nous. Bien que ce ne soit pas du champagne, ce qui pour les Champenois que nous sommes pourrait passer pour un sacrilège, nous apprécions l’acte tout à fait symbolique de ce verre prit à je ne sais quelle distance du sol.

Autant te dire que malgré la lourdeur humide de l’aéroport (oui encore un) de Tahiti, notre joie d’arriver sur le sol polynésien est immense. Fatigués, sales, dégoulinants de sueur, mais soulagés. Je suis étonnée de voir autant de personnes pour nous accueillir. On nous offre des colliers de fleurs en signe de bienvenue. Je ne suis pas surprise que Perle les refuse d’un ton ferme et catégorique. L’odeur pourrait être agréable, mais la fatigue n’aide pas à apprécier pleinement le geste. C’est tels des zombis que nous avançons jusqu’aux voitures.

Quand tu fais un long voyage, ton esprit n’est pas, mais absolument pas au tourisme. À peine entré dans notre nouveau logement, la seule idée qui me réconforte est bien celle de pouvoir prendre une douche avant de dormir dans un vrai lit. L’avantage d’aller à l’autre bout de la terre dans le sens inverse du soleil, c’est de partir le matin et d’arriver le soir du même jour.

Les draps sont presque jetés sur les lits. Et comme on dit chez nous, quand on fait son lit, on se couche.

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(1) Système électronique d’autorisation de voyage (ESTA) permet aux voyageurs éligibles de se rendre aux États-Unis sans visa et d’y rester jusqu’à 90 jours.

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