Le nouveau chez-soi

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De bon matin, Jules et son parrain passent à l’agence de location de voitures. J’en profite pour me préparer tranquillement. Je fais la visite de cette maison, déjà meublée, dans laquelle nous séjournerons ces trois prochaines années. Notre chambre est assez grande. Mon homme et moi avons déjà décidé où dormiront ses vélos.

Oui, oui, ses vélos. Mon compagnon ne se déplace en deux roues motorisées par la force mécanique de ses propres gambettes. Entre les allers-retours à son travail, les raids VTT et les sorties du club de la fin de semaine, c’est près de six mille kilomètres qui sont parcourus chaque année. Il en va sûrement ainsi pour tous ses fous de cyclistes. Autant dire qu’il ne roule pas en Topbike ou en Btwin. Les bicyclettes sont belles, leur prix aussi également.

Nous envisageons d’acheter de la toile cirée en quantité pour protéger mur et sol de l’espace garage de notre chambre. Jules devra sortir sur la terrasse pour l’entretien de ses engins. Ce faisant la porte vitrée est la bienvenue.

La chambre de notre fille Perle est spartiate. Un lit, un bureau, une chaise, un placard. La vue du climatiseur a fait son bonheur. Il faudra la fliquer pour éviter qu’elle le mette trop fort.

La salle de bain n’est pas bien grande. Elle offre cependant tout le confort possible. Il y a une simple douche au grand désarroi de Perle qui adore les bains. Le lave-linge déjà présent m’enlève un poids. Immense joie pour nous tous, les toilettes sont à part. Ce détail est accueilli comme une victoire pour le peuple.

La pièce principale fait office de cuisine, salle à manger, salon. Le côté cuisine offre de beaux plans de travail, ainsi qu’un four extra large. Je me demande bien ce que je vais pouvoir en faire, moi qui ne prépare que des conserves. Je fais le tour de mon nouveau territoire ; essayant tous les interrupteurs ; ouvrant et fermant tous les robinets ; jugeant tous les placards. Ce logement sera confortable. L’annuaire téléphonique présent sur le buffet du salon retient mon attention. Voilà qui sera bien utile en attendant d’avoir internet.

La grisaille du ciel m’amuse. J’ai l’espoir que la pluie amène un peu de fraîcheur. Quand Jules se gare devant la maison, je prends mon sac à main. Après en bref salut à Perle, nous marchons jusqu’à la banque tahitienne que nous avons choisie. Nous savourons la chance de pouvoir percevoir nos cartes de crédits et notre chéquier le jour de leur arrivée. Les courses faites par le parrain de Jules ont été les bienvenues, même si le café soluble n’a pas notre préférence, il fera l’affaire en attendant notre cafetière. Perle a savouré ses céréales avec bonne humeur. Et pour nous, cet instant de paix a eu un goût de bonheur.

La banque se situe non loin du marché de Pirae. Plusieurs grands bâtiments accueillent à eux seuls les trois banques polynésiennes. La Banque de Polynésie portant l’enseigne de la Société Générale avoisine l’OPT, sœur de la poste française. La Banque de Tahiti, nommée également Socredo, partage le rez-de chaussée d’une grande pharmacie. Nous profitons de notre avance pour faire le tour. Un abri de bois sert de boutique à un vendeur de fruits et légumes locaux. Nous ne résistons pas aux salades de fruits vendues dans le bar à jus. Étonnés qu’aucune table, ni chaise ne soient mises en place pour s’installer, nous mangeons en marchant. Des plaques à l’entrée de l’immeuble de la pharmacie nous apprennent les noms des différents dentistes et commerçants y officiant. Je note, avec une joie qui fait sourire mon homme, les coordonnées de l’institut de beauté. Notre promenade nous conduit dans la rue Afarerii. Il y a une mercerie, ainsi qu’un coiffeur. Le magasin de musique m’intéresse moins que la boutique de prêt-à-porter. Des plaques m’informent de la présence d’un médecin et d’un orthophoniste. Un grand panneau portant en gros le mot « taote » nous amusent.

Le rendez-vous avec le banquier restera à jamais gravé dans ma mémoire. Pas de costume cravate en Polynésie, mais une chemise à fleur. Même si nous avons été prévenus du tutoiement habituel, voire respectueux, nous n’en sommes pas moins abasourdis de l’entendre de la bouche de cet homme respectable.

Le vouvoiement du conseillé de la poste qui nous valide l’abonnement internet nous remet dans le vingt et une énième siècle, marqué par sa mondialisation à l’occidentale.

Sans se départir de notre bonne humeur, nous retournons chercher la voiture et Perle pour aller au supermarché de Arue, plus grand que celui de Pirae. Ce n’est pas le dépaysement escompté. Rien de tel qu’une enseigne française pour ressembler à une grande surface tout ce qu’il y a de plus français. Nous nous dirigeons vers le rayon radio réveil pour constater que ce sont les mêmes qu’en France, en cinquante hertz, au lieu de soixante. Un vendeur nous confirme l’aberration de ces articles. Nous devrons attendre la caisse maritime dans laquelle j’ai glissé mes petits réveils.

Le rayon fruits et légumes n’est pas plus motivant. Des pommes, des poires, et pour le coup, on y inviterait bien des scoubidous. Quelques rares légumes semblent sortir un peu de l’ordinaire, mais si peu, que pas. Seuls les rayons de produits asiatiques et américains apportent la différence entre le magasin de la métropole et celui d’ici.

Le parrain de Jules nous a invité à déjeuner chez lui. Sa femme et lui nous racontent les anecdotes de leur séjour polynésien. De bonnes et de mauvaises expériences se mélangent. Je suis soulagée en écoutant la femme. Ce qu’elle narre n’est ni plus, ni moins que des difficultés auxquelles je m’attendais. A part pour la climatisation dans les classes de cours qui semblent être un réel problème. Attraper un rhume au pays de l’éternel chaleur fait moyennement rire. Mais j’ai toutefois l’impression qu’il n’y aura que très peu de différences avec ce que j’avais déjà affronté en Métropole. L’après-midi, une visite touristique des administratifs est au programme, faite en l’espace d’une heure de voiture, les hommes dans le véhicule des nouveaux venus, les femmes dans celui des futurs partants. La mairie de Pirae est montrée rapidement pour aboutir au centre de la mère et de l’enfant. Nous passons devant le futur lieu de travail de Jules, poursuivons dans la direction de Mahina. Je suis heureuse de voir la plage Lafayette. « Belle » n’est pas le terme qui me vient. Le sable de couleur noir me surprend. Il ne nous faut pas longtemps pour arriver en haut du col du Tahara’a et de son belvédère. Les voitures garées, nous marchons quelques centaines de mètres avant de monter l’escalier menant au panorama qui dévoile la côte tahitienne. Les yeux grands ouverts, nous prenons vraiment conscience d’être à Tahiti. L’océan immense nous enchante. Le parrain de Jules et sa femme nous décrive le paysage avec un plaisir manifeste. Sur la gauche, Moorea se dessine avec ses monts reconnaissables à leur forme ressemblant à des ailerons de requin. Sur la droite le pic formé par le parc du Tahara’a coupe l’horizon. L’aménagement du site offre des bancs aux promeneurs. Bien que le ciel soit couvert, il fait une chaleur lourde. Nous savourons d’autant plus ce moment passé au grand air. Tout ce bleu est surréaliste pour les métropolitains que nous sommes. Avoir passé six ans en plein milieu des terres nous a fait oublier l’horizon maritime. Si nous venions d’une région en bord de mer, le décalage serait certainement moins grand.

À peine rentrée, Perle se jette sous la douche. L’idée de sortir à nouveau ne m’enchante pas, malgré notre manque de motivation à cuisiner. Quelle que soit votre manière de vous alimenter, il est quasi impossible de vivre sur l’île de la capitale polynésienne et de ne pas les voir. La famille du parrain de Jules nous en a abondamment parlé. Et c’est à notre grande surprise, que nous entendons Perle proposer d’aller y manger. Nous nous préparons donc, pour aller faire notre premier repas aux roulottes.

De bon matin, Jules et son parrain passent à l’agence de location de voitures. J’en profite pour me préparer tranquillement. Je fais la visite de cette maison, déjà meublée, dans laquelle nous séjournerons ces trois prochaines années. Notre chambre est assez grande. Mon homme et moi avons déjà décidé où dormiront ses vélos.

Oui, oui, ses vélos. Mon compagnon ne se déplace en deux roues motorisées par la force mécanique de ses propres gambettes. Entre les allers-retours à son travail, les raids VTT et les sorties du club de la fin de semaine, c’est près de six mille kilomètres qui sont parcourus chaque année. Il en va sûrement ainsi pour tous ses fous de cyclistes. Autant dire qu’il ne roule pas en Topbike ou en Btwin1. Les bicyclettes sont belles, leur prix aussi également.

Nous envisageons d’acheter de la toile cirée en quantité pour protéger mur et sol de l’espace garage de notre chambre. Jules devra sortir sur la terrasse pour l’entretien de ses engins. Ce faisant la porte vitrée est la bienvenue.

La chambre de notre fille Perle est spartiate. Un lit, un bureau, une chaise, un placard. La vue du climatiseur a fait son bonheur. Il faudra la fliquer pour éviter qu’elle le mette trop fort.

La salle de bain n’est pas bien grande. Elle offre cependant tout le confort possible. Il y a une simple douche au grand désarroi de Perle qui adore les bains. Le lave-linge déjà présent m’enlève un poids. Immense joie pour nous tous, les toilettes sont à part. Ce détail est accueilli comme une victoire pour le peuple.

La pièce principale fait office de cuisine, salle à manger, salon. Le côté cuisine offre de beaux plans de travail, ainsi qu’un four extra large. Je me demande bien ce que je vais pouvoir en faire, moi qui ne prépare que des conserves. Je fais le tour de mon nouveau territoire ; essayant tous les interrupteurs ; ouvrant et fermant tous les robinets ; jugeant tous les placards. Ce logement sera confortable. L’annuaire téléphonique présent sur le buffet du salon retient mon attention. Voilà qui sera bien utile en attendant d’avoir internet.

La grisaille du ciel m’amuse. J’ai l’espoir que la pluie amène un peu de fraîcheur. Quand Jules se gare devant la maison, je prends mon sac à main. Après en bref salut à Perle, nous marchons jusqu’à la banque tahitienne que nous avons choisie. Nous savourons la chance de pouvoir percevoir nos cartes de crédits et notre chéquier le jour de leur arrivée. Les courses faites par le parrain de Jules ont été les bienvenues, même si le café soluble n’a pas notre préférence, il fera l’affaire en attendant notre cafetière. Perle a savouré ses céréales avec bonne humeur. Et pour nous, cet instant de paix a eu un goût de bonheur.

La banque se situe non loin du marché de Pirae. Plusieurs grands bâtiments accueillent à eux seuls les trois banques polynésiennes. La Banque de Polynésie portant l’enseigne de la Société Générale avoisine l’OPT, sœur de la poste française. La Banque de Tahiti, nommée également Socredo, partage le rez-de chaussée d’une grande pharmacie. Nous profitons de notre avance pour faire le tour. Un abri de bois sert de boutique à un vendeur de fruits et légumes locaux. Nous ne résistons pas aux salades de fruits vendues dans le bar à jus. Étonnés qu’aucune table, ni chaise ne soient mises en place pour s’installer, nous mangeons en marchant. Des plaques à l’entrée de l’immeuble de la pharmacie nous apprennent les noms des différents dentistes et commerçants y officiant. Je note, avec une joie qui fait sourire mon homme, les coordonnées de l’institut de beauté. Notre promenade nous conduit dans la rue Afarerii. Il y a une mercerie, ainsi qu’un coiffeur. Le magasin de musique m’intéresse moins que la boutique de prêt-à-porter. Des plaques m’informent de la présence d’un médecin et d’un orthophoniste. Un grand panneau portant en gros le mot « taote » nous amusent.

Le rendez-vous avec le banquier restera à jamais gravé dans ma mémoire. Pas de costume cravate en Polynésie, mais une chemise à fleur. Même si nous avons été prévenus du tutoiement habituel, voire respectueux, nous n’en sommes pas moins abasourdis de l’entendre de la bouche de cet homme respectable.

Le vouvoiement du conseillé de la poste qui nous valide l’abonnement internet nous remet dans le vingt et une énième siècle, marqué par sa mondialisation à l’occidentale.

Sans se départir de notre bonne humeur, nous retournons chercher la voiture et Perle pour aller au supermarché de Arue, plus grand que celui de Pirae. Ce n’est pas le dépaysement escompté. Rien de tel qu’une enseigne française pour ressembler à une grande surface tout ce qu’il y a de plus français. Nous nous dirigeons vers le rayon radio réveil pour constater que ce sont les mêmes qu’en France, en cinquante hertz, au lieu de soixante. Un vendeur nous confirme l’aberration de ces articles. Nous devrons attendre la caisse maritime dans laquelle j’ai glissé mes petits réveils.

Le rayon fruits et légumes n’est pas plus motivant. Des pommes, des poires, et pour le coup, on y inviterait bien des scoubidous. Quelques rares légumes semblent sortir un peu de l’ordinaire, mais si peu, que pas. Seuls les rayons de produits asiatiques et américains apportent la différence entre le magasin de la métropole et celui d’ici.

Le parrain de Jules nous a invité à déjeuner chez lui. Sa femme et lui nous racontent les anecdotes de leur séjour polynésien. De bonnes et de mauvaises expériences se mélangent. Je suis soulagée en écoutant la femme. Ce qu’elle narre n’est ni plus, ni moins que des difficultés auxquelles je m’attendais. A part pour la climatisation dans les classes de cours qui semblent être un réel problème. Attraper un rhume au pays de l’éternel chaleur fait moyennement rire. Mais j’ai toutefois l’impression qu’il n’y aura que très peu de différences avec ce que j’avais déjà affronté en Métropole. L’après-midi, une visite touristique des administratifs est au programme, faite en l’espace d’une heure de voiture, les hommes dans le véhicule des nouveaux venus, les femmes dans celui des futurs partants. La mairie de Pirae est montrée rapidement pour aboutir au centre de la mère et de l’enfant. Nous passons devant le futur lieu de travail de Jules, poursuivons dans la direction de Mahina. Je suis heureuse de voir la plage Lafayette. « Belle » n’est pas le terme qui me vient. Le sable de couleur noir me surprend. Il ne nous faut pas longtemps pour arriver en haut du col du Tahara’a et de son belvédère. Les voitures garées, nous marchons quelques centaines de mètres avant de monter l’escalier menant au panorama qui dévoile la côte tahitienne. Les yeux grands ouverts, nous prenons vraiment conscience d’être à Tahiti. L’océan immense nous enchante. Le parrain de Jules et sa femme nous décrive le paysage avec un plaisir manifeste. Sur la gauche, Moorea se dessine avec ses monts reconnaissables à leur forme ressemblant à des ailerons de requin. Sur la droite le pic formé par le parc du Tahara’a coupe l’horizon. L’aménagement du site offre des bancs aux promeneurs. Bien que le ciel soit couvert, il fait une chaleur lourde. Nous savourons d’autant plus ce moment passé au grand air. Tout ce bleu est surréaliste pour les métropolitains que nous sommes. Avoir passé six ans en plein milieu des terres nous a fait oublier l’horizon maritime. Si nous venions d’une région en bord de mer, le décalage serait certainement moins grand.

À peine rentrée, Perle se jette sous la douche. L’idée de sortir à nouveau ne m’enchante pas, malgré notre manque de motivation à cuisiner. Quelle que soit votre manière de vous alimenter, il est quasi impossible de vivre sur l’île de la capitale polynésienne et de ne pas les voir. La famille du parrain de Jules nous en a abondamment parlé. Et c’est à notre grande surprise, que nous entendons Perle proposer d’aller y manger. Nous nous préparons donc, pour aller faire notre premier repas aux roulottes.

1Marques de vélo réputées pour être peu onéreuses.

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