CHAPITRE 2 : JUIN 2013
"Quand tu donnes, tu perçois plus que tu ne donnes,
car tu n'étais rien et tu deviens."
Antoine de Saint-Exupéry
Comme prévu, nous nous trouvons devant la bibliothèque et une limousine noire s'arrête près de nous. Boris est au volant, chauffeur, garde du corps, homme de confiance, je ne sais pas quel est le titre que je dois lui donner. Ce dont je suis certaine, c'est qu'il fait partie de la famille depuis quelques années déjà. Boris veut sortir pour nous ouvrir la porte, mais Julian est plus rapide. Il bondit littéralement hors de la voiture, et j'adore qu'il se jette sur moi pour me prendre dans ses bras. Comme je l'ai dit à Jackson, je suis tombée amoureuse de Julian, il doit y avoir vingt-quatre ans, le jour de ma naissance, je pense. J'ai toujours été attirée par lui, je ne sais pas comment l'expliquer, c'est comme cela. Julian ne veut pas céder, j'ai eu droit à un petit quelque chose pour mes dix-huit ans, mais depuis lors, à part des démonstrations comme celles-ci, c'est tout, et je veux plus, beaucoup plus.
Cela nous fait du bien de nous voir, cela fait six semaines que je n'ai vu ni Julian, ni mon père, ni les autres membres de la tribu et ils me manquent, tous en général, Julian en particulier. Thomas, Hector et Hugo sont sortis de la voiture à leur tour. Les accolades familiales font du bien.
— Bonjour ma puce, je suis heureux de te voir, me dit mon père en me prenant dans ses bras.
— Papa, tu m'as manqué !
— Toi aussi ma puce, toi aussi.
— Bonjour Jackson, ça va ?
— Bonjour papa, oui bien merci, et vous, votre tournée ?
— Content d'être avec vous, vous m'avez manqué, tous les deux, nous confirme-t-il en nous embrassant tendrement.
Je suis heureuse de revoir mon père, ma famille. Lorsque nous rentrons dans la voiture, je m'installe à côté de Julian, il me prend dans ses bras et j'ai l'impression d'être à ma place. Son bras se glisse autour de mes épaules, il embrasse mes cheveux, ma main se dépose sur ses genoux. À nous voir, quelqu'un pourrait penser que je suis la fille de Julian et pas celle de Thomas. J'ai l'impression que nous avons deux papas. Tout le groupe s'est toujours occupé de nous, mais papa et Julian ont toujours été les plus proches. J'ai toujours tout confié à Julian : les bonnes ou les mauvaises notes, les petits amis, ou encore la première boîte de préservatifs. Quand papa disait non, j'essayais chez Julian qui lui aussi disait non, mais je tentais le coup tout de même.
Nous nous arrêtons dans un restaurant français, la table est réservée et nous passons un très bon moment. Sur place, Jennifer l'épouse d'Hugo, nous rejoint. Ces deux-là sont soudés comme les doigts de la main. Mariés depuis de nombreuses années, et malgré le temps qui passe, ils n'arrivent pas à détacher leur regard l'un de l'autre. Ils font plaisir à voir, le grand amour existe, j'y crois, surtout en les voyant. Chiara, l'épouse d'Hector et ses deux filles nous rejoignent aussi. Le déjeuner est excellent et l'ambiance est au top, comme d'habitude. Je suis très casanière, j'aime les grandes tables familiales, les repas qui durent plusieurs heures. Jackson est entouré de Talia et d'Anna, même si elles savent qu'elles n'ont aucune chance avec mon frère, elles apprécient de petits moments tout comme moi, j'apprécie ceux partagés avec Julian.
Papa nous commande un grand cru de champagne afin de fêter cela dignement. Nous savons que nous avons réussi, il nous manque notre diplôme "papier", mais nous avons terminé notre année avec une grande distinction, tous les deux.
— À vous mes enfants, félicitations pour votre diplôme !
— À vous les kids ! Bienvenus dans le monde des adultes, ajoute Hector.
— À vous ! Je t'aime Jessi !
Julian et ses petits mots gentils. Cela va me manquer quand je serai en Europe. Il faut que je lui parle, c'est indispensable.
Nous terminons notre repas, retournons à ma chambre et à celle de Jackson afin de récupérer nos affaires. Tout est emballé, tout le monde aide tout le monde, c'est comme cela chez nous. Boris range le tout comme il faut dans le coffre de la voiture. Julian vient se changer dans ma chambre, les autres sont avec Jackson.
Nous prenons une douche, chacun à notre tour. Je suis au téléphone avec Stéphanie, ma sœur. Enfin ma demi-sœur. Papa s'est remarié avec Dorothé et il a eu quatre enfants avec elle. Si Dorothé ne nous aime pas, ne nous a jamais aimés, nous nous entendons très bien avec notre sœur Stéphanie et nos trois frères, Jesse, Jordan et Luke. J'avoue que j'ai beau avoir ma sœur au téléphone, lorsque Julian sort de la salle de bains juste avec une serviette autour des hanches, en s'essuyant les cheveux, je loupe une partie de la conversation. Surtout lorsqu'il le remarque et qu'il me fait un clin d'œil. Julian a quarante-deux ans, tout comme papa, tout comme les autres membres du groupe. Thomas et Julian sont unis comme les doigts de la main, mais sont aussi différents que peuvent l'être le jour de la nuit. Papa est grand, blond, les yeux bleus, des cheveux ondulés. Julian est grand, les cheveux noirs lisses, des yeux verts émeraude. Ils font partie du "Top ten" des plus beaux hommes de la planète et ce depuis des années, mais rien à faire, Julian a ce petit quelque chose de plus qui attire. Lorsqu'ils sont tous dans une pièce, c'est Julian qui brille de mille feux. Il est beau comme un Dieu. Pour moi il représente le péché originel sur terre, il est l'incarnation du sexe vivant, et je ne suis pas la seule à le penser. Mes amies sont sous le charme, du groupe, de papa, de Julian en particulier. Bien sûr, ils font du rock, du métal, ils remplissent des stades, ils attirent des milliers de personnes, mais Julian est le seul célibataire du groupe, et pour lui l'expression "une fille dans chaque port" est tout à fait adaptée.
Il se sèche les cheveux qui lui arrivent à la hauteur des omoplates et se dirige vers moi, enfin ce que j'espère. Mais non, il me prend mon portable et dit simplement bonjour à Stéphanie. Je profite de sa proximité, c'est peu, très peu mais dans quelques jours, je n'aurai plus accès à ce genre de choses et j'en ressens déjà le manque. Nous nous habillons. Il m'aide en bouclant ma fermeture éclair et en me passant mes stilettos aux pieds. Je me délecte de ces moments, l'homme que j'aime est à genoux devant moi et m'aide à m'habiller. Je l'ai aussi aidé, j'ai mis ses boutons de manchette, en forme de guitare, je lui ai fait son nœud papillon autour de sa chemise et dans ses cheveux. Il a mis du vert, assorti à ses yeux. Cet homme est à tomber ! Jackson frappe à la porte. Nous sommes tous prêts et nous nous dirigeons vers l'auditoire dans lequel la remise des diplômes se fait.
Jackson a accaparé papa, et j'avoue que j'en suis contente, je peux me mettre au bras de Julian. En traversant le campus, tout le monde se retourne sur notre passage. De nombreuses femmes font des commentaires sur Julian et le fait que je sois à son bras, mais je n'en ai rien à faire, je profite de ces moments, précieux pour moi.
Le recteur fait son discours d'ouverture, puis papa et Julian montent sur l'estrade. Ils sont acclamés, surtout par la gente féminine. Ils ne laissent perspnne indifférent c'est certain, ni homme, ni femme. Comme d'habitude, ils ont travaillé ensemble sur le discours et c'est ensemble qu'ils montent à la tribune.
— Bonsoir à tous,
Permettez-nous tout d’abord de vous souhaiter à toutes et à tous, la bienvenue à cette traditionnelle Fête de fin d’année universitaire. Nous sommes personnellement très attachés à cette rencontre chaleureuse et conviviale, et nous sommes extrêmement sensibles à la présence de chacune et chacun d’entre vous. Tout au long de l’année, vous vous êtes mobilisés, toutes et tous, pour donner le meilleur de vous-même. Et grâce à vous, cette université fait un bond en avant chaque année, chaque jour !
Nous sommes très heureux d'être ici présents avec vous en ce merveilleux jour. Nous sommes très fiers, car nous avons la chance que nos enfants fassent partie des diplômés. N'hésitez pas, foncez, lancez-vous dans votre vie, dans vos rêves ! N'oubliez jamais qu'à partir du moment où vous êtes capable de vous regarder dans une glace, vous êtes dans le bon. Foncez ! Ne reculez pas devant un obstacle ou alors pour mieux le surmonter par après. La vie n'est pas toujours facile, mais il ne faut pas vous laisser déstabiliser par une embûche ou une autre. Posez-vous la question de savoir pourquoi vous avez rencontré cette impasse. Il y a toujours une raison à ce que l'on doit subir ou encaisser. Parfois même si cela semble négatif au premier abord, vous y trouverez du positif et croyez-nous, nous savons de quoi nous parlons. Si aujourd'hui nous remplissons des stades, il y a une époque où l'on remplissait difficilement le bar du coin, mais jamais, vous m'entendez, jamais nous n'avons baissé les bras.
De nombreux enseignants se sont impliqués dans le soutien et l’aide à la réussite de nos étudiants. Ils seront à nouveau opérationnels dès la rentrée avec notamment la création d’un bureau d’aide à l’insertion professionnelle. Mais comme vous le savez tous, la réussite des étudiants ne décrète pas. Elle est le résultat d’un ensemble complexe de motivations que nous tentons de solliciter au travers de l’organisation d’activités sportives et culturelles. Nous voudrions à ce sujet souligner le dynamisme du service culture, qui avec peu de moyens, concocte pour les étudiants et pour l’ensemble du personnel, spectacles, ateliers et stages. Vous avez eu la chance de connaître toutes ces personnes, n'hésitez surtout pas à en tirer profit, en gardant contact, en utilisant une méthode qu'ils ont pu vous enseigner, en vous remémorant une parole entendue. N'oubliez jamais que c'est l'ensemble de plusieurs personnes qui fait avancer les choses et non pas une seule personne. Nous ne sommes rien sans les autres.
Maintenant, il est vrai que nous avons eu la chance de rencontrer des personnes formidables, sans lesquelles nous ne serions pas ce que nous sommes. N'oubliez jamais que la vie est précieuse, ne perdez pas votre temps avec des gens que vous n'appréciez pas. Vivez avec les personnes que vous aimez et vous verrez tout sera beaucoup plus simple, pour tout le monde.
Leur discours est très apprécié et souvent interrompu par des tonnes d'applaudissements, enfin ils ont l'habitude de gérer cela durant leurs concerts.
Une vingtaine de minutes plus tard, le recteur reprend la parole, cite les noms des diplômés et nous nous levons afin de prendre notre précieux document en mains. Papa et Julian sont un peu plus loin sur l'estrade et nous félicitent :
— Bravo ma chérie, je sais que tu as beaucoup travaillé pour y arriver. Je suis très fier de toi ma puce.
— Merci papa, merci pour tout. Tu nous as toujours soutenus et sans toi, on n'y serai pas arrivé. Merci papa !
J'en profite pour me blottir dans les bras de mon père, j'ai besoin de lui, aujourd'hui plus que tous les autres jours. Je rejoins Julian qui termine les embrassades avec mon frère.
— Félicitations Mademoiselle Da Vinni, je suis très fier de vous !
— Merci Julian, merci pour tout !
Les larmes montent dans mes yeux et je m'installe dans ses bras afin d'éviter qu'il ne me voit pleurer, mais comme d'habitude, il le sait, m'embrasse dans les cheveux et ajoute :
— Ne pleure pas ma belle, je t'aime ne l'oublie pas ! me dit-il en essuyant mes larmes.
— Je t'aime Julian.
Je sais que c'est vrai, cet homme m'aime et peu de personnes ont la chance de connaître un amour comme celui-là. C'est pur, mais platonique et c'est justement ce que je lui reproche. Je veux plus, beaucoup plus et je ne sais pas comment faire craquer Julian, pourtant j'ai essayé, de nombreuses fois, mais il n'a jamais cédé, malheureusement pour moi.
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