CHAPITRE 6 : JACKSON
Je monte dans le taxi, je donne notre adresse. Jackson est encore dans le salon, il lit. Je le regarde, je suis incapable de dire quoi que ce soit. Je retourne dans le hall pour enlever ma veste. Il me rejoint, dépose sa main sur mon épaule. Je me retourne et je me mets dans ses bras. Une fois de plus je pleure. Il me berce, merde, c'est moi l'adulte des deux.
— Tu n'es pas un connard. Tu es un homme exceptionnel, c'est la raison pour laquelle ma sœur t'aime. Je peux comprendre ta crainte vis-à-vis de papa, mais essaye de comprendre Jessica. Elle t'aime, toi, pas un autre et tu ne veux pas d'elle. C'est une femme aujourd'hui, elle a besoin de plus que d'un rock endiablé, ou d'une main qui se pose sur ses épaules.
— Je sais tout cela Jackson, mais comment j'explique à votre père que je me tape sa fille ? Et toi, cela fait combien de temps que tu sais cela ?
— Depuis toujours ! Dès que Jessica a su parler, elle a mis" Julian" dans toutes les phrases. Faut pas être devin pour savoir ce qu'elle ressent, me confirme-t-il en souriant.
— Quelqu'un d'autre est au courant ?
— Non personne, Julian, enfin je ne pense pas. Moi je le vois parce que je le sais, mais les autres te voient comme un second papa. Quand Stéphanie est présente, tu joues aussi beaucoup avec elle, cela passe inaperçu. Je suis désolé de t'avoir traité de connard.
— Je suis un connard. Une femme exceptionnelle s'ouvre à moi, elle m'aime, je l'aime et je suis incapable de prendre la bonne décision.
Je m'éloigne, en lui disant "bonne nuit, fils", puis je me retourne en l'écoutant :
— On part lundi, vol de NY onze heures du matin. Julian réfléchit, l'amour avec un grand A ne se rencontre pas tous les jours. Toi tu as la chance d'y avoir accès, ne laisse pas cette chance passée. Bonne nuit Julian.
— Bonne nuit Jackson et merci, merci pour tout.
Je m’étale sur mon lit, j’ai mal à la tête, j’ai froid. Je ne vais pas bien et ce n’est pas physique, loin de là. Jackson a raison. L’amour avec un grand A, ne se présente pas tous les jours à la porte, moi j’ai cette chance et résultat, je la laisse fuir. Je dois être con, j’ai un problème quelconque, ce n’est pas possible d’être aussi idiot. Une fois de plus, je rumine, ressasse, je n’arrive pas à expliquer à Thomas que j’aime sa fille, ce n’est pas possible, c’est impensable. Que va–t-il croire durant toutes ces années, je ne peux pas faire cela, il faut que je la laisse partir. Malgré tout, une petite voix me dit et si malgré tout, Thomas t’acceptait comme gendre ? Je délire, complètement ! Je deviens fou à lier !!!! Je redescends au salon, j’ouvre le bar et je prends une vodka, une de plus. Je baise de trop, bois de trop, pour essayer d’oublier et cela ne fonctionne absolument pas.
Le réveil est pénible, mais j’entends les bruits de couverts et des rires au rez-de-chaussée. Je prends une douche, m’habille, descends et je me joins à la tablée, à ma place habituelle, à côté de Jessica. Elle est aussi silencieuse que moi. Nous nous mêlons à la conversation, mais le cœur n’y est pas. Je n’ai plus de cœur, la femme que j’aime vient de m’annoncer qu’elle me quittait. Mon cœur est brisé, en milliers de morceaux et à chaque respiration, un morceau de plus se brise. Je prétexte un mal de crâne, je vais m’allonger sous un olivier, les jambes au soleil. Jessica s’approche, prend la crème solaire et en dépose sur mes jambes.
— Arrête ma belle ! On ne peut pas continuer comme cela.
— On va continuer, Julian comme d’habitude, je ne veux pas que papa sache quoi que ce soit, alors laisse toi faire.
Ses yeux me fixent, mais son regard est éteint. Elle est aussi bouleversée que moi, elle ne veut pas partir, mais elle le fait.
— Pourquoi pars-tu ? je l'implore pratiquement en posant la question.
— J’ai signé un super contrat, alors je pars, me répond-t-elle, tout en me massant les mollets.
J’adore avoir ses mains sur moi.
— Foutaises !
— Pas du tout, le contrat est excellent !
— Jessi, tu ne pars pas à cause de ton contrat.
— Non, Julian, je pars parce que je dois faire ma vie et avec toi à mes côtés, je n’y arrive pas. Je veux plus et depuis toujours, et jamais tu n’as cédé, alors je pars. Je veux construire quelque chose avec quelqu’un et tant que tu seras dans mon environnement proche, je n’y arriverai pas, alors je pars. Je t’aime, je sais que tu es mon âme sœur, mais je n’ai pas l’intention de te supplier. Tu ne veux pas de moi, c’est d’accord, aujourd’hui je l’accepte et je te souhaite tout le bonheur du monde. Tu es un homme exceptionnel, tu mérites d’avoir une femme qui te rendra heureux. Tu verras dans quelques années, on n’en parlera plus. Bronze bien !
Elle se lève d’un coup, ses mains quittent mes jambes et mon sang se glace dans mes veines. Je m’allonge sur le transat, mes larmes coulent à flot le long de mes joues. Mon cœur est brisé, mon âme est fendue et personne ne pourra jamais réparer cela.
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