6/7

3 minutes de lecture

Numéro 4 arriva au centre névralgique du restaurant d’Exiatis-4 : la cuisine. Spacieuse, luxueuse, animée par cinq chefs possédant autant d’étoiles que l’espace en comptait, et assistés par un bataillon de commis. Ils y préparaient des plats d’une finesse et d’une délicatesse rarement égalée dans une station touristique. L’une des grandes particularités de celle-ci résidait dans son autosuffisance pour certains ingrédients grâce à une production locale. Les clients pouvaient, par exemple, déguster une soupe de potirons cultivés en apesanteur dans une serre aménagée et entretenue à cet effet. Ou encore une salade printanière à la texture différente des légumes de la Terre et des colonies agricoles. Cela faisait partie du discours commercial que Numéro 4 entendait sans cesse. De son point de vue, une tomate qui viendrait de la Terre ou d’Exiatis-4 aurait à peu de choses près le même intérêt.

L’état de la cuisine froissa à tel point ses circuits qu’il dut s’arrêter quelques secondes pour refroidir son processeur. Le plafond arraché avait emporté avec lui presque tous les ustensiles. Les équipements de cuisson, la cave entreposant de nombreux grands crus, ainsi que la moitié du personnel manquaient à l’appel. Les trois commis encastrés dans la cloison allaient se montrer difficiles à ravoir pour Numéro 4. Il commença à frotter les traces de sang, les organes étalés, et rendit au reste des corps leurs membres sectionnés par la traversée d’une barre métallique. Contrairement aux effets des clients, les robots pouvaient manipuler ceux des employés. Numéro 4 avait cependant un doute sur le propriétaire légitime du foie gisant au sol. Il le consigna en objet trouvé. La peinture était, quant à elle, définitivement ruinée. Tout comme le mur percé d’un arc de cercle noir.

L’unité de ménage rangea tant bien que mal les ustensiles éparpillés et signala au Central tous ceux endommagés. Le piano de cuisson principal, une magnifique pièce d’artisanat fabriquée à la main sur Terre, allait devoir être remplacé. Il avait probablement coûté à lui seul plus cher que toute l’armada de machines d’entretien dont faisait partie Numéro 4.

La notification négative du Central n’étonnait plus le robot. Numéro 4 aurait arrêté de signaler tous ces incidents depuis longtemps si son logiciel ne l’y obligeait pas.

Il remit d’ailleurs en question sa programmation à la vue de la piscine adjacente au bar situé derrière le restaurant de la terrasse. De nombreux clients noircis, à la structure incomplète, s’y prélassaient dans une eau trouble d’un dégradé de vert virant au marron. D’après l’indicateur de qualité, la baignade était peu recommandée. Malgré tout, quelques personnes irréductibles continuaient de prendre du plaisir à pratiquer la planche et le concours d’apnée. Numéro 4 chronométra par curiosité le temps pendant lequel les participants arrivaient à retenir leur souffle. Il arrêta au bout de dix minutes, considérant l’information inutile.

Les bouteilles et verres cassés au sol alarmèrent ses systèmes : les risques de blessures des clients avaient atteint des seuils critiques ! L’unité de ménage s’empressa de tout balayer et ramasser. L’hôtel avait frôlé la catastrophe avec un grave déficit d’image, voire des plaintes, et Numéro 4 accomplit sa tâche avec brio. Une étrange sensation de fierté parcourut ses circuits. À l’inverse, si le regard du robot avait pu manifester une forme d’expression, cela aurait été de la colère noire contre son équipier, Numéro 11. Il semblait se prélasser dans l’eau avec les humains. Un manque de professionnalisme et une honte, estima Numéro 4. Le fait que la jambe gauche de l’unité paresseuse soit encastrée deux cent trente-huit centimètres plus loin dans le bar accentuait sa désapprobation. Semer le désordre contredisait leurs directives primaires.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 4 versions.

Vous aimez lire Seb Astien ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0