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Numéro 4 arriva au centre névralgique du restaurant d’Exiatis-4 : la cuisine, spacieuse et luxueuse, animée par cinq chefs possédant autant d’étoiles qu’il y en avait dans le ciel assistés par un bataillon de commis. Ils y préparaient des plats d’une finesse et d’une délicatesse rarement égalée dans une station touristique. L’une des grandes particularités de celle-ci résidait dans son autosuffisance pour certains ingrédients grâce à une culture locale. Les clients pouvaient, par exemple, déguster une soupe de potirons qui ont poussé en apesanteur dans une serre aménagée et entretenue à cet effet. Ou encore une salade printanière à la texture différente des légumes de la Terre ou des colonies agricoles. Cela faisait partie du discours commercial que Numéro 4 entendait sans cesse. De son point de vue, une tomate qui viendrait de la Terre ou d’Exiatis-4 aurait à peu de choses près le même intérêt.

L’état de la cuisine froissa à tel point ses circuits qu’il dut s’arrêter quelques secondes pour refroidir son processeur. Le plafond arraché avait emporté avec lui presque tous les ustensiles, mais aussi des équipements de cuisson, la cave entreposant de nombreux grands crus, et la moitié du personnel. Les trois commis encastrés dans la cloison allaient se montrer difficiles à ravoir pour Numéro 4. Il commença à nettoyer les traces de sang, les organes étalés, et rendit au reste du corps ses membres sectionnés par la barre métallique qui l’avait traversé. Contrairement aux effets des clients, les robots avaient l’autorisation de manipuler ceux des employés. La peinture était, quant à elle, définitivement ruinée, tout comme le mur percé d’un arc de cercle noir.

L’unité de ménage rangea tant bien que mal les ustensiles éparpillés et signala au Central tous ceux endommagés. Le piano de cuisson principal, une magnifique pièce d’artisanat fabriquée à la main sur Terre qui avait probablement coûté à elle seule plus cher que toute l’armada de robots d’entretien dont faisait partie Numéro 4, allait devoir être remplacé.

La notification négative du Central n’étonnait plus l’automate. Numéro 4 aurait arrêté de signaler tous ces incidents depuis longtemps si son logiciel ne l’y obligeait pas.

Il remit d’ailleurs en question sa programmation à la vue de la piscine adjacente au bar situé derrière le restaurant de la terrasse. De nombreux clients noircis et à la structure incomplète s’y prélassaient dans une eau trouble d'un dégradé de vert tombant sur le marron qui ne donnait vraiment pas envie d’y aller. Parmi les activités prisées des baigneurs figuraient la planche et le concours d’apnée. Numéro 4 chronométra par curiosité combien de temps les participants parvenaient à retenir leur souffle. Il arrêta au bout de dix minutes, considérant l’information inutile.

Les bouteilles et verres cassés au sol alarmèrent ses systèmes : les risques de blessures avaient atteint des seuils critiques et l’unité de ménage s’empressa de tout balayer et ramasser. L’hôtel avait frôlé la catastrophe avec un grave déficit d’image, voire des plaintes, et Numéro 4 accomplit sa tâche avec brio. Une étrange sensation de fierté parcourut ses circuits. À l’inverse, si le regard du robot avait pu manifester une forme d’expression, cela aurait été de la colère noire contre son équipier, Numéro 11, qui semblait se prélasser dans l’eau avec les humains. Un manque de professionnalisme et une honte, estima Numéro 4. Le fait que la jambe gauche du robot paresseux soit encastrée deux cent trente-huit centimètres plus loin dans le bar accentuait sa désapprobation. Semer le désordre contredisait leurs directives primaires.

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