Sibérie, 11 août 2019

Quelque part au cœur de la forêt.

— MATRICE RÉINITIALISÉE. REDÉMARRAGE FORCÉ DU SYSTÈME EFFECTUÉ. CHARGEMENT DES DONNÉES SAUVEGARDÉES EN COURS. DONNÉES SAUVEGARDÉES CHARGÉES. LANCEMENT DE L’ANALYSE ANTIVIRUS. IMMOBILISATION TOTALE DE L’HÔTE PENDANT ANALYSE. VEUILLEZ VOUS BRANCHER SUR SECTEUR PENDANT L’ANALYSE ANTIVIRUS. PRISE SECTEUR NON DÉTECTÉE. SURCHAUFFE DU SYSTÈME AUTONOME. ERREUR FATALE.

La puissante voix mécanique s’échappait encore et encore de la bouche de l’impuissante jeune femme aux cheveux bleus, qui se tenait toujours la tête, fumante à cause d’un court-circuit, entre les mains. Elle restait totalement figée dans cette posture, semblable à une statue, à l’exception de ses lèvres qui remuaient pour parler.

Le vacarme qu’elle produisait était sans pareil. Les créatures qui peuplaient la forêt s’enfuyaient à toute vitesse et les oiseaux prenaient leur envol dans des battement d’ailes précipités, désordonnés et bruyants.

La voix mécanique s’affaiblit, grésilla puis s’arrêta totalement. La tête de la jeune femme s’affaissa et ses yeux se fermèrent. Le silence s’imposa.

Sur le sol, une brindille craqua : la jeune fille ne réagit pas. Une silhouette masculine s’approcha et tourna lentement autour d’elle pour l’observer. Puis, contemplant le visage de la jeune femme, l’individu saisit son talkie-walkie à sa ceinture et le porta à ses lèvres.

— Matricule 119359 au BTF du CSSI, cible fantôme neutralisée et prête à être rapatriée. Je lance l’analyse du sujet.

— Responsable du BTF du CSSI à Matricule 119359. Reçu 5 sur 5.

Il appuya sur une touche de la montre à son poignet droit, et une puissante lumière verte en jaillit pour scanner le corps nu toujours inerte devant lui.

— Analyse du sujet terminée. Rapport n°93579875F envoyé à Matricule 119359.

L’agent appuya sur un second bouton de sa montre, et un hologramme reproduisant parfaitement la jeune femme se matérialisa entre eux. En vis-à-vis, les informations collectées sur la jeune femme apparurent.

— Rien d’intéressant… grommela l’homme en faisant une moue dubitative. Cette beauté est un bien étrange Fantôme… remarqua-t-il en laissant son regard glisser sur le corps dévêtu de la jeune femme.

Il soupira en passant une main dans ses courts cheveux noirs en bataille.

— Matricule 119359 au BTF du CSSI, analyse de la cible effectuée. Sexe féminin, 1m67, 38,2kg, cheveux bleus, couleur des yeux encore indéterminée, aucun information sur son lieu de naissance et sur sa famille n’a pu être recueillie.

— Responsable du BTF du CSSI à Matricule 119359. Reçu 5 sur 5.

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Sibérie, 11 août 2019

Laboratoire, premier sous-sol

Bureau de Vladimir, pièce secrète.

Aukje ouvrit difficilement les yeux. Ses paupières étaient lourdes, sa bouche pâteuse, et elle avait un affreux mal de tête. Elle se redressa du lit dans lequel elle était allongée en gémissant, tentant de distinguer quelque chose dans l'obscurité.

Elle porta la main à son front douloureux en fronçant les sourcils, troublée.

— La lune a explosé… murmura-t-elle pour elle-même, dans l'incrédulité la plus totale.

Essayant de rassembler ses souvenirs, elle se demanda comment elle était arrivée ici. Elle ignorait l'existence même d'une infirmerie dans le laboratoire…

Elle n'eut toutefois pas le temps de s'interroger plus avant, car une lumière vive l'aveugla tandis qu'une voix grave, glaciale, retentit dans la pièce, dans un grognement faussement amical qu'elle trouva hostile, sarcastique, effrayant et animal.

— Vous être très perspicace, Aukje.

Dans la bouche de l'homme, son nom et son prénom sonnaient comme une insulte, et elle se sentit méprisable, indigne de confiance, incompétante et inutile.

Elle le jaugea des pieds à la tête, longuement. Elle observa d'abord les mocassins de cuir noirs rutilants en se disant qu'ils devaient valoir au moins plusieurs mois de son salaire. Puis son pantalon, qu'elle devina être sur mesure, retenu par une ceinture de cuir noire aussi rutilante que les mocassins. Son regard remonta sur un torse musclé sur lequel la chemise blanche qui le recouvrait semblait minuscule. Enfin, ses yeux sondèrent un magnifique visage au traits durs et des pupilles d'un noir profond qui lui glaça le sang.

— Vova… Où suis-je ? souffla-t-elle d'une voix rauque, sous le choc, se retenant de se couvrir la poitrine de ses bras.

La température de la pièce était basse, et elle n'était vêtue que d'une mince blouse d'hôpital, ouverte dans le dos. Elle se sentait encore plus méprisable et sans valeur, mais elle refusait de montrer qu'elle était intimidée ni qu'elle avait froid.

Elle déglutit puis s’efforça de le regarder droit dans les yeux, malgré l’incertitude qui la tenaillait et les frissons qui lui parcouraient tout le corps.

— En Enfer, Aukje, en Enfer…