Chapitre 1 : Lucy Ford

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14 ans plus tard, printemps 2024, France

Lucy n’était pas une enfant comme les autres. Si elle en avait douté, elle en était désormais sûre. Personne ne cachait de secret…. Enfin si, mais pas tel que celui que Lucy se voyait obligé de garder. Sinon, elle en était persuadée, elle aurait trouvé un livre, un article, une personne comme elle, ou du moins, qui aurait su l’éclairer ! Elle avait pourtant eu beau chercher, interroger, quitte même à passer pour une folle, elle n’avait absolument rien trouvé. Rien, dutout !

Lucy avait 14ans, elle vivait depuis aussi longtemps qu’elle pouvait s’en souvenir dans un petit village breton en France. Elle avait vécu une enfance des plus heureuses depuis le onze mars 2010, depuis que ses parents l’avaient trouvé sur le pas de leur porte. Car oui, Lucy avait été adoptée.

Elle ne s’en plaindrait pas. Certes, elle avait toujours été curieuse de connaitre l’identité de ceux qui lui avaient donné la vie, mais elle avait deux parents aimant, trois frères aussi pénibles qu’adorables et une petite sœur dont elle devait prendre soin.

Elle avait appris à marcher avec Jean qui était de cinq mois son cadet bien que cela ne l’empêche en rien de la dépasser dans absolument toutes les disciplines… Ou presque. Peuvent en témoigner ses premiers pas qu’il aura fait à 8 mois alors que Lucy en avait 13.

Avec Paul et Peter, Lucy avait commis sa plus grosse bêtise, elle s’en souviendrait toute sa vie, elle n’avait aucun doute là-dessus. Et s’ils en riaient aujourd’hui, sur le morment, cela avait été le drame ! Leur oncle leur avait fait croire que dans la vieille cabane au fond du jardin se cachait une vieille sorcière mangeuse d’enfant. Lucy avait alors huit ans, les jumeaux quatre. Ils avaient passé toute la nuit à fabriquer des torches pour ensuite mettre le feu à la cabane, persuadés que cela tuerait la sorcière !

Ce qu’ils n’avaient su que bien plus tard, c’était que se trouvait en réalité dans cette cabane, les cadeaux du père noël arrivés trop tôt. Ils avaient alors reçu à noël des clémentines et des cartons… Lucy ne pouvait s’empêcher d’être nostalgique en y repensant, elle était petite, insouciante… Normale.

Et puis il y avait la jeune Suzanne, une vraie pipelette et une machine à calins. De neuf ans sa cadette, elle vouait une totale adoration à sa grande sœur qu’on ne pouvait retrouver sans l’autre.

“Mademoiselle Ford… MADEMOISELLE FORD !!” Appela une voix aigu qui sortit finalement Lucy de ses pensées. Regardant jusqu’alors par la fenêtre, comme toujours pendant les cours de madame Leroy, elle tourna lentement la tête vers son professeur, à moitié endormie. Qu’ils étaient barbant les cours de madame Leroy !

”Excusez-moi madame, je ne vous ai pas entendu… Pourriez-vous répéter heu… Ce que vous disiez ?

“Je vous ai posé une question. J’aimerais que vous me disiez ce qui est arrivé au dernier roi de France.”

“Il a été… Oh mince ! Lucy venait de faire tomber son stylo sous le regard sévère du professeur. Celle-ci poussa un profond soupir d’exaspération et se tourna vers le seul élève qui suivait le cours, Jean, qui à force de tirer son bras vers le haut, risquait de finalement toucher le plafond.

Lucy observa son stylo. Il était trop loin pour qu’elle le ramasse sans éveiller une nouvelle fois l’attention. Elle jeta alors un coup d’œil à ses camarades. Son voisin dormait si profondément qu’il en bavait, ce qui arracha une grimace à Lucy. Les autres essayaient tant bien que mal de resister au sommeil mais le monologue de Jean qui s’était désormais lancé dans un récit passionnant sur la décapitation ne les aidait en rien…

‘La voix est libre’ pensa alors Lucy en fixant son stylo. D’un geste de la main, elle fit voler le stylo jusqu’à elle.

Oui, voler.

Car c’était ça le secret de Lucy.

Depuis l’âge de 10ans, elle était capable d’agir ainsi… Dieu qu’elle avait eu peur ce jour-là. Elle s’était réveillée entourée d’objets qui flottaient autour d’elle dans sa chambre. Cela continua pendant plus d’une semaine. Pas seulement la nuit, cela arriva également le jour alors qu’elle ne s’y attendait absolument pas. Et puis un lundi, elle a réussi à dire stop. Depuis, elle avait appris à maitriser ce… “pouvoir” afin qu’il agisse uniquement quand elle le décidait.

Plus tard, alors qu’elle approchait de ses onze ans, elle avait prit la décision d’en parler à ses parents. Ils avaient eu peur ce jour-là. Non pas pour Lucy… Ils avaient eu peur DE Lucy.

Ils lui interdirent d’utiliser cette diablerie comme ils l’appelaient. Sous aucun pretexte, jamais !

Evidemment, Lucy les écouta, elle avait une confiance absolue en ses parents, ils savaient ce qui était bon pour elle.

Ils n’en reparlèrent plus après ce jour, comme si cela n’avait jamais eu lieu… Comme s’ils n’avaient jamais su.

Mais Lucy ne fut pas capable d’arrêter d’utiliser cette capacité dont elle avait été dotée. C’était plus fort qu’elle, c’était comme si elle en avait besoin…

“Pssst… Lucy.” Fit une voix derrière son dos.

“Quoi ??” Demanda précipitamment Lucy dont le cœur s’était momentanémant arrêté.

“Le principal veut te voir...” Répondis l’élève endormi. Elle fixa son stylo, sa camarade et sa main. Elle n’était pas sure que son cœur se remette à battre.

“Pourquoi…?” Risqua-t-elle en fixant son camarade dans les yeux, comme pour y déceler la vérité.

“Bas je sais pas, tes frères sans doute?”

“Ah oui ! ça doit être ça, c’est sûrement ça !” Elle osa enfin respirer. Que se passerait-il si quelqu’un finissait par découvrir son secret ? Si même ses parents avaient eu peur, elle n’osait imaginer la réaction qu’aurait n’importe qui d’autre.

Elle se leva, traversa la salle de classe, non sans croiser le dur regard de son professeur et se hâta de rejoindre le bureau du proviseur.

Ce bureau se trouvait à l’autre bout du pansionnat et pour ne rien faciliter, ce dernier était un ancien chateau… Un labyrinthe oui ! Il était rare que Lucy ne s’y perde pas, elle arriva ainsi comme toujours, essouflée devant cette porte qu’elle ne connaissait que trop bien.

“Bonjour…. Monsieur Smith !” Dit-elle entre deux respirations.

“Sacré sens de l’orientation ! Enfin, vous devriez pouvoir refaire le chemin les yeux fermés !”

Il disait vrai. Comme leurs parents ne pouvaient venir à l’internat à chaque nouvelle bêtise des jumeaux, c’était Lucy qui était convoquée pour en faire un rapport détaillé dès qu’elle rentrait un week-end sur deux. Bien évidemment, elle n’en faisait rien, ne témoignant que du strict minimum. Paul et Peter ne faisaient rien de mal, ils ne faisaient qu’attirer l’attention en faisant des farces qui faisaient rire, au pire froncer les sourcils.

En entrant, elle jeta donc un coup d’œil vers les deux chaises présente dans le coin sombre du bureau. Vide… Elles étaient spécialement réservés aux garçons, leur prénoms y avaient même été gravés.

“Paul et Peter...” Commença Lucy dubitative. S’ils n’étaient pas là, ils étaient au cachot et personne n’y allait jamais ! Sauf eux…

“Non.” L’interrompit pourtant le principal. “Aussi étonnant cela soit-il, ils se sont contentés des boules puantes dans le labo cette semaine. Il faut dire qu’ils ont passés des heures entières à nettoyer leur salle de classe. Peut-être ont-ils enfin compris qu’il était plus que temps de s’assagir.”

“N’en soyez pas si sur...” Répliqua Lucy un sourire en coin, regrettant aussitôt. Il la fusilla du regard et elle baissa les yeux en signe d’excuse.

“Enfin bref… Je vous ai convoqué ici car un homme est venu vous rendre visite. Il prétend être un membre de votre famille et semble-t-il, doit vous parler de toute urgence. C’est pourquoi je vous dispense du reste des cours de la matinée. Il va de soi que votre frère Jean, vous fera rattraper !

“Heu… Merci ?” Déclara la jeune fille abasourdie. Jamais au grand jamais monsieur Smith ne les dispensait de cours. Encore moins pour aller voir un potentiel étranger.

Elle commença ainsi à partir avant de rebrousser chemin, l’air stupide.

“Ou puis-je le trouver au fait ?”

“Dans le jardin Est, celui avec l’étang. Si vous ne connaissez pas cet homme, je vous prierais de revenir me voir sur le champ.”

“Bien monsieur...” Et elle s’en alla.

Il lui fallut s’y prendre à trois fois avant d’enfin trouver le bon chemin. Alors qu’elle était enfin quasiment sûre d’y être parvenue, elle se mit à réfléchir. Qui était donc cet homme ? Que lui voulait-il ? Si ça avait concerné un autre membre de sa famille, ses frères auraient également été convoqués, au moins Jean… A moins que ça ne soit vraiment grave ?

De nouveau perdue dans ses pensées, Lucy ne remarqua pas la jeune femme qui portait une pile de livres plus grande qu’elle, et la bouscula, faisant tout s’écrouler.

“Oh excuse-moi Daphné, je ne t’avais pas vu...”

“C’est moi qui ne voit pas les gens d’habitude !” Répondit Daphné en souriant. Elle s’accroupit ensuite pour essayer d’attraper les livres mais étant aveugle, la tâche s’avéra compliquée. Elle était bien malheureuse la pauvre, les élèves du pansionnat adoraient jouer de son handicap en la faisant tomber et en se moquant d’elle. Alors que Lucy allait emprunter un livre à la bibliothèque il y a quelques temps de cela, elle l’avait surprise, entourée de deux garçons qui avaient eu la bonne idée de lui prendre ses étiquettes qu’elle devait coller pour trier les livres. Lucy avait alors eu le courage d’intervenir, elle l’avait défendu et, par un miracle qu’elle ne s’expliquait toujours pas aujourd’hui, elle avait réussi à les faire partir. Depuis, Lucy avait lié une sorte d’amitié avec la bibliothécaire et lui rendait régulièrement visite. Elle avait au moins quelqu’un avec qui parler qui ne s’appelle pas Jean ou monsieur Smith.

“Merci pour ton aide Lucy.”

“Ce n’est rien Daphné, mais je dois y aller… On m’attend !”

“N’es-tu pas censée être en cours ?”

“J’ai une visite, je ne sais même pas de qui… Mais je suis en retard, je me suis encore perdue !”

“Pourquoi cela ne m’étonne pas ? Bon, file alors, tu me raconteras !”

“Bien sûr !” Et elle poursuivie son chemin pour enfin trouver la fameuse porte arrondie qui donnait sur le jardin Est.

Là, elle respira un bon coup. Peu importe ce que cet homme lui voulait, elle devait savoir !

Elle poussa la porte qui s’ouvrit lourdement dans un grincement sinistre et s’avança dans la lumière extérieure du soleil d’été précoce.

Là, sur le banc de pierre, près de cerisier, elle l’aperçut, cet homme qui attendait, patiemment.

Quand elle put mieux le distinguer, elle remarqua qu’il avait des yeux verts et une barbe brune, presque rousse, qui lui fit penser à une barbe de charpentier.

“Bonjour Lucy, je t’attendais.”

“Qui êtes-vous ?” Non, décidemment, elle ne connaissait pas du tout cet homme, elle ne l’avait jamais vu nulle part !

“Mon nom est Astor, Astor du bois vert. Tu ne me connais peut-être pas Lucy, mais moi, je sais qui tu es… Et j’ai une histoire à te raconter… Ton histoire.”

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