23/ Guerre des clans
— Qu'est-ce que je vous avais dit, bordel ? râla Karkoff en s'approchant des cadavres. Pourquoi vous n'avez pas tiré, putain ?
— Jankürl semblait mener le combat, s'excusa l'archère Yassnä. Tout s'est passé si vite.
— Vous aussi vous auriez pu tirer ! lui reprocha Morlan, un des élites, en fixant le dernier leader en vie.
— Je n'étais pas bien positionné !
— C'est bon, c'est bon, calmez-vous, ce débat ne sert à rien, raisonna Milœf.
— Toi, le gamin, tu n'as rien à faire dans cette conversation, dit âprement Durbann.
— Je ne suis pas si jeune que je le parais...
— Non, c'est toi qui ne devrais pas parler, contrattaqua Karkoff. C'est toi qui as incité mes archers à ne pas tirer en affirmant que Jankürl était surpuissant !
— Oh, c'est vrai que vous autres, tenues de boue, êtes incapables de prendre des décisions par vous-même ! railla Durbann.
Londock s'éloigna du torrent d'insultes qui se formait autour des deux dépouilles. Il n'aimait pas les disputes. Vraiment pas. Il s'éloigna seul, voltigeant entre les feuillages, retenant les larmes qui se formaient dans le creux de ses yeux. C'était lui, le responsable. Il avait fourni les armes aux deux combattants et avait eu la possibilité de... non, il ne pouvait rien faire, et c'était sans doute pire ainsi. Jamais il n'avait eu de choix.
— Un peu de respect, c'est trop demandé ? exigea Karkoff, tentant d'asseoir son autorité. Je vous signale que, conformément au règlement, je suis votre chef légitime pour l'instant.
— Hors de question d'avoir un tenue de boue pour chef ! proscrit Durbann.
— Il va le falloir jusqu'à ce que...
— Élisons tout de suite un nouveau chef ! proposa Morlan.
Karkoff soupira.
— Faîtes ce que vous voulez...
— Non ! cria Yassnä. Il est temps que vous obéissiez aux règles ! Ce n'est pas parce que vous vous croyez supérieurs que vous avez le droit de...
— La gonzesse, elle se tait ! réclama Morlan.
— De... Oh, je vais me le faire celui-là !
— Arrêtez de vous battre ! demanda Milœf. Ce n'est pas raisonnable !
— Il me veut quoi l'embryon ?
— Londock n'aimerait pas te voir nous insulter, Morlan... Je te rappelle que toi et lui êtes...
— Justement, où il est passé ? demanda Karkoff en jetant un regard alentour.
— Ces ahuris l'ont fait fuir ! cracha Yassnä. Tu devrais le savoir qu'il déteste les embrouilles, Morlan !
— Je vous signale que notre chef est mort ! Normal que je dérape un p...
— Non, pas normal !
— Mais arrêtez ! hurla Milœf d'une voix fatiguée.
Au milieu du chahut, une main remua sur le sol et prit appui dessus. Des genoux se soulevèrent, des jambes reprirent équilibre. Une carrure imposante s'anima. Ses yeux d'ébènes détaillèrent ceux qui l'entourait. Alors que les disputes faisaient rage autour de lui, faisant omettre à leurs participants leur environnement, quelqu'un le remarqua.
— Euh... Les gars ? fit Karkoff d'un timbre étranglé malgré lui. Il... Il est encore debout.
Personne ne l'avait entendu, ni ne remarqua la lame qui s'élevait désormais vers le ciel, sauf le jeune Milœf. À peine ses yeux rencontrèrent l'épée qu'un cri s'échappa de sa gorge, rappelant tout le monde à l'ordre. Yassnä se tourna vers lui, d'un air interrogatif. Il répondit en soulevant son bras face à lui. Au bout de son doigt, l'archère découvrit un soldat. Le soldat. Quand Morlan se décida enfin à regarder dans la même direction que ses collègues, il vit l'humain esquisser un large sourire qui écarta les poils de sa barbe de trois jours. Sa voix fut un mélange d'ironie et d'euphorie.
— Je vous avais manqué ?
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