Après un long festin aux côtés de la famille royale et de leurs convives, Cirth, Narmacil, Rana et Sauron décidèrent de quitter la salle. Tous les quatre se dirigèrent vers la cour précédant leur réfectoire. Ils s’arrêtèrent dans le jardin et s’assirent sur les bancs en bois, en face d’un petit étang. Cirth et Sauron s’installèrent sur le même banc tandis que Rana s’isolait sur celui d’à côté et que Narmacil faisait des ricochés avec de petits cailloux. La lune et les étoiles éclairaient à elles seules le cocon des compagnons. Cirth s’étira le plus possible en tirant ses bras haut vers le ciel, relâchant un souffle de soulagement.

— Cela faisait des mois que nous n’avions pas eu quelques jours de repos, s’exclama-t-il.

— J’ai l’impression que ça fait des années, répondit Rana en laissant glisser son dos sur le banc pour s’allonger.

— Profitons-en encore un peu. Demain, nous partons pour Ladolar, souligna Narmacil.

— Je serai encore loin de chez moi, remarqua Cirth.

— Tu es à seulement une journée de cheval de chez toi. Narmacil et moi sommes à plusieurs jours, si ce n’est plus.

— Où habites-tu, Cirth ?

— J’habite à Nevrestir, non loin de la cité perdue de Done. C’est une partie du royaume un peu spéciale. Elle a son propre seigneur, mon père, qui règne comme un roi.

— En réalité, ce n’est pas la propriété d’un royaume, seulement une alliance, poursuivit Narmacil. Et toi Sauron, d’où viens-tu ?

— Je viens d’Imrad, c’est un tout petit village, à vrai dire je ne sais même pas le situer, si ça se trouve il ne fait même pas partie du royaume. Personne ne sort jamais du village ou ne voyage. C’est la première fois que je me retrouve ailleurs.

— Je me demande ce qui nous attend à Ladolar. Nous avons déjà élucidé des disparitions, arrêté des sorcières, tué des monstres, mais jamais nous ne nous étions confrontés à toute une armée, déclara Cirth.

— Ce sera le moment de voir de quoi nous sommes capables après toutes ces années dans la Guilde. Et puis, tu ne seras pas tout seul. Tu nous as à tes côtés, et tous les hommes qui suivent Vorondil.

— Nous aurons même des troupes de l’armée royale ! s’exclama Narmacil. Le roi va équiper tous nos compagnons de lames de Hel. Cela fait des années que ç’aurait dû être fait.

— Un peu d’investissement de la part du roi, ça fait du bien ! s’écria Rana.

— Pourquoi le roi ne vous a pas équipés plus tôt avec tout ça ? N’est-il pas stupide que seuls les membres principaux de la Guilde possèdent l’acier nécessaire ? demanda Sauron, perplexe.

— Cela paraît idiot, effectivement, mais le roi ne s’intéressait que très peu aux activités de Vorondil. Pour lui, ce n’était pas une priorité, répondit Cirth.

— Jusqu’à présent ! remarqua Rana. Une attaque aux frontières du royaume, le prince attaqué et les paroles de Nomin, il en a fallu beaucoup pour le faire réagir.

— Les paroles de Nomin ? Que cela signifie-t-il ? ajouta Sauron.

— J’ai entendu Vorondil en parler. Nomin est un magicien au service du roi. Il a évoqué la Nuit Sanglante, un événement où les portes séparant notre monde de celui des démons s’ouvriraient et laisseraient sortir un tas de créatures plus horribles les unes que les autres, expliqua Narmacil.

— Là d’où je viens, la rumeur existe depuis des années. Le roi des démons a oublié quelque chose lors de son dernier voyage dans ce monde, mais il n’est jamais revenu. La Nuit Sanglante signerait le moment de son retour. Certains disent aussi que le roi des démons a été remplacé par une créature monstrueuse assoiffée de sang. Dans toutes les archives rapportant ses actes, il n’aurait jamais tué pour le plaisir. Ce serait donc un roi comme le nôtre, expliqua Rana.

Les compagnons se regardèrent, un peu inquiets. Ils échangèrent quelques mots avant de plonger dans un grand silence. Rana et Narmacil s’étaient assoupis de leur côté. Cirth dormait contre Sauron. Ce dernier resta éveillé et contemplait les nombreuses étoiles dans le ciel. Une légère brise vint délicatement caresser leurs visages. Il n’y avait plus un bruit dans la cour et les torches aux alentours s’étaient éteintes. Derrière eux, une ombre s’approchait… Tout à coup, la brise se leva et un vent glacial envahit les lieux, donnant des frissons aux quatre jeunes hommes jusqu’à en dresser les poils de leurs bras.

— Sauroooon… murmura une voix sombre.

— Qui va là ?! cria-t-il en se retournant.

— Tu nous as déjà oubliés ? Pourtant, nous ne cessons de t’observer.

Sauron se leva du banc en prenant soin de poser Cirth sur le côté pour ne pas le réveiller. Il s’avança vers le couloir d’où provenait la voix inconnue. Il marcha tout doucement, un pas après l’autre, en agrippant le manche de sa claymore.

— Mais qui êtes-vous ?

— Sauron… Sauron, croyais-tu que les démons cesseraient de te suivre ? Ne t’avait-il pas prévenu lorsque tu l’as tué ?

— Montrez-vous !

— Nous ne cesserons de te suivre. Nous te regarderons tuer tes amis, et si tu ne le fais pas, nous t’y obligerons.

— Tuer mes amis ? HORS DE QUESTIONS !

Sur ces mots, Sauron arracha son épée de son dos et la pointa en avant tout en courant vers le côté obscur du couloir. Un vent et un cri surprenant, évoquant les ténèbres, s’avancèrent vers lui comme une force. Soudain, au moment où il allait entrer en confrontation avec cette puissance inconnue, une lumière fit tout disparaître. C’était Vorondil, une torche à la main, qui était apparu. Surpris par Sauron et son arme, il fit un bond en arrière. Tous deux se regardèrent, les yeux écarquillés.

— Sauron ? Mais qu’est-ce que tu fais ! Tu aurais pu me blesser, idiot !

— E-Excuse-moi, bredouilla-t-il. Je ne t’avais pas vu, je… m’exerçais.

— À cette heure-ci ? Bah voyons, il y en a qui ne manquent pas d’énergie. Allez, viens. Je dois te parler avec Cirth.

— Il s’est endormi sur le banc avec les autres.

Sauron et Vorondil s’avancèrent vers le centre de la cour jusqu’au banc où se trouvait Cirth, assoupi. Vorondil se baissa sur lui et le secoua en l’appelant. Vite, ce dernier ouvrit les yeux, se les frotta, s’étira rapidement et se redressa. Rana et Narmacil se réveillèrent à leur tour, interpellés par la voix de leur chef.

— Que se passe-t-il ? demanda Cirth.

— J’ai besoin de vous parler à tous les deux. Comme vous le savez, nous partons demain pour Ladolar.

— Ce n’est pas comme si tout le monde en parlait dans le château.

— Eh bien, je ne veux pas que vous veniez avec nous.

— Pourquoi donc ? Tu ne nous en crois pas capables ? se vexa Sauron.

— Au contraire, je sais que vous êtes forts. Surtout toi, Sauron. Tu as fait d’énormes progrès. Mais j’ai une autre mission pour vous. Je veux que vous alliez à Nevrestir, voir le père de Cirth. J’expliquerai tout dans une lettre venant directement du roi.

— Je pensais qu’Anario y allait, fit remarquer Sauron, curieux.

— Effectivement, je veux justement que vous l’accompagniez.

— Je t’aurais bien dit que je vais y réfléchir, mais cela fait tellement de temps que je n’ai pas vu mon père que je ne discuterai pas davantage. Ne t’inquiète pas Sauron, ce sera très bien d’y aller.

— Et la bataille alors ? répondit-il.

— Rien n’est sûr. Je ne sais même pas encore ce que nous y trouverons et si nous aurons besoin de mener la guerre. Mais vous nous rejoindrez dès votre tâche accomplie.

Sauron et Cirth acceptèrent la mission confiée par le prince qui les remercia grandement. Après tout, la lettre venait directement du roi Calion et tout homme aurait été honoré de devoir transmettre ses mots à un puissant seigneur tel que Lomion. Cirth se leva le premier et souhaita une bonne nuit à tous ses coéquipiers avant de partir dans ses quartiers. Sauron le suivit jusqu’à leur chambre où ils s’écroulèrent, exténués, sur leurs lits.

Histoire écrite par A.L MATHERS ♥ IG @a.l_mathers

Illustrée par Noémie DUMONT ♥ IG @la_noun

Corrigée par Mélany BIGOT

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