Chapitre 30 - La Montagne de Sanire
Sauron se leva aux bruits des flèches qui virevoltaient rapidement dans le vent. Il descendit les marches de la tour et arriva sur une grande place fleurie où Cirth s'entraînait à tirer. Les plumes de corbeau sur le bout de ses flèches brillaient au soleil, ce qui leur donnait un certain cachet. Anario discutait avec Nessa sur le côté, assis à une table en train de boire du café chaud, tandis qu'un serviteur était posté de l'autre côté, confectionnant de nouvelles flèches pour Cirth. Il ne manquait aucune de ses cibles, il ajustait son œil de lynx à chaque moment. Nessa releva la tête lorsqu'elle vit Sauron arriver de l'autre côté.
— Tu n'es pas matinal à ce que je vois, lui dit-elle.
— J'ai eu du mal à m'endormir, répondit Sauron. Quelle heure est-il ?
— Dix heures passées.
— Déjà ?! s'exclama-t-il, surpris.
Il s'assit à côté d'Anario et but une grande tasse de café au lait très rapidement. Le son des flèches s'enfonçant brutalement dans leur cible et celui des écoulements de cascades berçaient cette chaude matinée.
— Quel est le programme de la journée ? demanda Sauron.
— J'ai une entrevue avec le seigneur Lomion concernant notre stratégie militaire et la lettre de mon père. Je pense que ça me prendra une bonne partie de la journée.
— Et nous, nous allons chercher ce dragon ! s'exclama Cirth.
— Pourquoi crois-tu qu'il s'entraîne depuis ce matin ? ajouta Nessa en souriant.
— Exactement ! S'il nous attaque, je lui enverrai deux flèches en plein dans les yeux.
C'est sur ces mots qu'il pencha légèrement son arc, tira la corde de toutes ses forces, et tout en tournant ses doigts au moment où il lâchait le fil, atteignit deux cibles en même temps à l'aide de deux flèches lancées simultanément.
— BOUM ! s'écria-t-il. Viens essayer Sauron !
Sauron accepta avec plaisir. Il se leva et s'avança jusqu'à lui. Cirth lui tendit son arc. Il lui montra comment placer ses jambes, son torse incliné sur le côté, son coude au niveau de l'oreille et son autre bras bien tendu devant. Enfin, il positionna une flèche sur le cordon et lui fit signe de tirer de toutes ses forces. Sauron suivit chacune de ses instructions, il tendit le fil le plus loin possible en tirant son coude vers son oreille, ferma un œil et se concentra sur la cible colorée. Il inspira, expira et, d'un coup, lâcha prise. Tout le monde suivit la flèche du regard, celle-ci arriva à l'extérieur du cercle mais ne s'arrêta pas. Elle traversa complètement la plaque de bois et fut emportée par la cascade d'en face. Cirth reprit rapidement son arc.
— Je crois que je vais le garder finalement, se moqua-t-il.
— Tu ne sais pas du tout viser, mais on ne peut nier ta puissance, mon garçon, ajouta le seigneur Lomion qui arrivait avec un garde.
— Mon seigneur, salua Anario en se levant de sa chaise.
— J'étais justement venu vous chercher.
— Je vous suis.
Le seigneur Lomion salua Sauron et partit aux côtés d'Anario. Les deux hommes allaient tenir un conseil avec les dirigeants de Nevrestir afin de discuter la requête du roi Calion. Dans sa lettre, le roi demandait des renforts auprès de Lomion pour Ladolar. Il pensait que ce serait bien d'envoyer des spécialistes analyser la situation. Si l'acier de Hel pouvait tuer certaines de ces créatures, les habitants de Nevrestir auraient sûrement plus d'informations sur ces dernières et sur comment les vaincre pour de bon. De plus, il demandait personnellement à Lomion de mener ses propres recherches sur la Nuit Sanglante et ce qu'elle signifiait réellement pour les habitants de ce monde.
De son côté Cirth était bien décidé à emmener Sauron à la chasse au dragon. Ils empruntèrent ainsi le pont de sortie et s'aventurèrent à pied dans la forêt. Ils suivirent le sentier pendant une vingtaine de minutes avant de couper vers la montagne de Sanire. La forêt était brillante, éclairée par le soleil qui tapait fortement sur les alentours de Nevrestir. Le chant des oiseaux était emporté par le vent. Sur leur droite se trouvait un large étang en plein cœur de ce paradis de verdure. Cirth s'arrêta, se baissa légèrement comme s'il se cachait et fit signe à Sauron de s'approcher discrètement derrière une pierre, le couvrant à moitié.
— Regarde, un loup de glace de l'autre côté ! s'exclama Cirth.
Sauron observa devant lui et, effectivement, sur l'autre rive de l'étang se trouvait un loup de glace. Il avait le pelage très blanc avec des reflets bleutés légèrement brillants, des yeux d'un bleu profond, des dents et des griffes qui ressemblaient à du verre et la pointe de ses oreilles gelée. Lorsqu'il marchait, chacune de ses pattes laissait une trace de givre derrière elle. D'ailleurs, quand il se pencha pour boire dans le point d'eau, la surface se cristallisa d'une très fine couche. Sauron était émerveillé. Il ne pensait jamais voir une telle chose. Il avait vu des wendigos et ce loup hybride, mais jusque-là, il ne pensait en voir une qui ne lui voudrait pas de mal et qui inspirait la sérénité. Ils reprirent leur chemin en prenant soin de faire très peu de bruit pour ne pas l'attirer. Rapidement, ils arrivèrent au pied de la montagne. Ils s'arrêtèrent quelques instants et se regardèrent. Cirth fixa le sommet, plus très sûr de son choix.
— Je passe devant, déclara Sauron en poussant Cirth de sa main.
Il marcha, se faufila entre les arbres et arriva devant l'entrée d'une grotte. Ils n'étaient pas très hauts. Sauron décida d'entrer le premier, suivi de Cirth. Ils avancèrent tout doucement et méfiants. La grotte était très sombre mais tout de même éclairée par de petites pierres bleues sur les parois comme des étoiles dans la nuit. Les deux jeunes hommes étaient concentrés sur les alentours et quelque peu hypnotisés par ces douces pierres. Ils avaient de plus en plus de mal à avancer car le sol était en relief. Ils marchaient sur de gros cailloux qui les obligeaient à ralentir.
— Ces cailloux sont un vrai enfer ! Les gens auraient dû créer un chemin. Tu ne crois pas Sauron ?
Sauron ne répondit pas dans l'immédiat. Il s'arrêta net et recula d'un pas. Il fixa le sol et se pencha légèrement puis, en sortant sa claymore, il répondit :
— Ce ne sont pas des cailloux. Ce sont des crânes.
— Des crânes humains ?! cria Cirth.
— Chut ! répliqua Sauron en se tournant vers son ami. Imagine que ce soit vraiment un dragon qui les ait amenés ici !
C'est sur ces mots que Cirth vit le mur du fond bouger sur lui-même. Non, ce n'était pas le fond de la grotte qu'ils regardaient depuis quelques minutes, mais une énorme queue recouverte d'écailles. Un gémissement se fit entendre jusqu'à l'entrée, traversant la roche.
— Sauron...
— J-J'ai entendu, répondit-il en pivotant tout doucement.
Lorsqu'il se retourna, il vit une énorme bête, quatre pattes musclées et très épaisses aux longues griffes noires, une énorme mâchoire pouvant manger une poignée d'hommes en une bouchée, deux grandes cornes sur le front ainsi que sur la pointe des ailes. Le corps était visqueux et recouvert d'écailles noires aux reflets rouges, tout comme ses deux grands yeux globuleux. Sauron et Cirth furent tétanisés, ils ne pensaient pas que la bête serait aussi grande. Elle faisait plusieurs mètres de haut et ne pouvait même pas se lever complètement dans la grotte tellement celle-ci était étroite pour elle.
— Cirth ! On court ! cria Sauron.
Sur ces mots, Sauron s'élança vers lui avec difficulté sur les crânes qui le ralentissaient. Il glissa sur l'un d'entre eux et se rattrapa sur ses paumes de mains. Cirth, craignant qu'il ne se fasse blesser, dégaina deux flèches et les lança sur la bête, mais c'était peine perdue. Elles ricochèrent comme de vulgaires bâtons, mettant la bête en colère. Alors que le dragon n'allait sûrement pas les poursuivre, il se déchaîna après avoir reçu les flèches. Il agrippa les murs avec ses pattes de devant pour courir vers eux. Sauron se releva rapidement et courut de toutes ses forces derrière Cirth. Arrivé à la sortie, il attrapa Cirth par le bras et le traîna sur la gauche pour descendre la montagne au plus vite.
Ils étaient effrayés. La bête était sortie de la grotte et avait déployé ses imposantes ailes. Une boule de feu éclaira sa gorge et sortit de sa gueule entre ses crocs épais. Sauron poussa Cirth en avant pour éviter les flammes. Il trébucha et l'emporta dans sa chute. Ils tombèrent tous les deux, glissèrent et roulèrent le long de la montagne. Ils se prirent plusieurs branches, des coups de rochers dans le dos et se coupèrent le visage avec des écorces se trouvant sur le sol.
Après une folle chute, les deux garçons arrivèrent brutalement au pied, pleins de terre et dans un piteux état. Ils se relevèrent avec peine et regardèrent derrière eux. Pas de traces du dragon. Ce dernier n'avait même pas pris la peine de les suivre. Il ne voulait sans doute pas s'aventurer trop loin dans le monde des humains et était reparti se cacher au fond de sa tanière. Sauron et Cirth savaient qu'ils avaient eu de la chance. Toutes les personnes qui s'y étaient aventurées avaient été tuées, et si elles avaient été épargnées elles aussi, elles n'avaient sûrement jamais eu le courage de revenir, sachant pertinemment qu'elles se feraient tuer. Cirth secoua ses vêtements pour en enlever toutes les saletés. Sauron fit de même et fit craquer son dos après avoir eu si mal. Ils se regardèrent et se mirent à rire.
— Quelle idée !
— Quelle folie ! ajouta Sauron.
Sauron se retourna et vit une cité en ruine. Elle avait l'air complètement déserte. Il s'avança et se tourna vers Cirth pour lui demander où ils se trouvaient.
— C'est la cité perdue de Done. Personne n'y met les pieds si ce n'est pour se rendre dans une autre ville.
— La cité de Done ?
— Oui, il nous suffit de la traverser pour rentrer. Ne t'inquiète pas, plus personne ne l'habite depuis des siècles !
Cirth s'avança le premier pour ouvrir la route, suivi de son compagnon. La cité était immense. Il y avait de grands bâtiments architecturaux semblables à des cathédrales, en pierre grise, des jardins suspendus avec des arbres poussant sur les toits et les ruelles, de la mousse et des lierres grimpant sur les murs ainsi que plusieurs points d'eau qui traversaient les environs où des barques abandonnées suivaient le courant. Cirth et Sauron retombèrent complètement en enfance. C'était comme un immense terrain de jeu. Ils pouvaient grimper aux arbres et se retrouver sur le toit d'un bâtiment pour ensuite emprunter un simple escalier torsadé pour retourner en bas. Tout était vraiment magique. Ils en oubliaient complètement leur mésaventure dans la grotte de Sanire. Ils s'amusaient comme des enfants à explorer chaque recoin de la cité et des pièces abandonnées. Ils décidèrent finalement de grimper au sommet de la plus haute citadelle. Arrivés sur le balcon, ils furent émerveillés par la vue qu'elle offrait.
— C'est agréable, tu ne trouves pas ?
— Si. C'est si apaisant. Finalement, nous avons eu raison de venir jusqu'ici, répondit Cirth.
— Pourquoi personne ne vient jamais ici ?
— Je ne sais pas trop. Je n'ai jamais vraiment entendu d'histoires au sujet de ce lieu, répondit Cirth en pointant l'horizon.
Les deux garçons profitèrent du moment, côte à côte. Ils se sentaient libres et prêts à conquérir le monde. Cirth plongea son regard au loin. Il crut voir du mouvement à plusieurs mètres et plissa les yeux pour essayer de distinguer correctement ce qui avançait vers eux. On aurait dit un groupe d'une vingtaine de personnes qui marchait dans leur direction mais leurs silhouettes étaient bien plus grandes que celles d'un homme ordinaire. Soudain, Cirth, qui avait une vue plutôt surprenante, distingua clairement un troupeau de wendigos.
— Merde ! Ce sont des wendigos ! Mon père m'avait prévenu qu'il y en aurait dans les alentours mais je ne pensais pas qu'ils viendraient à notre rencontre.
— Dépêchons-nous de partir avant qu'ils n'arrivent jusqu'à nous ! murmura Sauron.
Les compagnons se précipitèrent en bas de la citadelle. Alors que Sauron descendait les deux derniers mètres qui le séparaient du sol, un wendigo fonça sur lui. Il n'avait plus d'autre choix que de sauter, ce qu'il fit avec difficulté. Il atterrit brutalement dans la terre et dégaina sa claymore. Lorsque ce dernier s'approcha suffisamment, il lui trancha le bras qui essayait de l'agripper avant de lui transpercer le cœur. Le wendigo poussa un horrible cri qui retentit dans toute la cité.
— Vite Cirth ! Ils vont tous rappliquer ! s'écria Sauron.
— Trop tard. Ils sont presque tous déjà là, répondit Cirth en sautant à pieds joints.
Histoire écrite par A.L MATHERS ♥ IG @a.l_mathers
Illustrée par Noémie DUMONT ♥ IG @la_noun
Corrigée par Mélany BIGOT
Actuellement disponible sur Amazon en version papier !
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