Bradbury 1 Les vacances de Kayzer

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Mathéo accueillit toute l'équipe avec bonne humeur. Il louait ses prés au même centre équestre depuis bientôt trente ans, et s'en réjouissait toujours. Les animaux lui entretenaient le terrain et y passaient du bon temps, leurs propriétaires se réjouissaient de les savoir heureux et entre de bonnes mains.

On lui présenta les nouveaux, lui énonça les divers groupes de chevaux compatibles ou non et sous quelles conditions. Ses enfants et petits-enfants venaient chaque été chez lui s'occuper des bêtes, invitaient leurs amis ; à ce stade cela tenait de la tradition.

Les chevaux furent libérés dans le pré au compte-goutte, les incompatibles soigneusement séparés et tous surveillés avec attention. Tout le mois d'août, chacun d'entre eux serait attentivement observé par des passionnés, de jour comme de nuit.

Les membres du club s'attardèrent, admirèrent leurs chouchous s'égailler dans leur domaine de plaisance. Bien vite, l'un des jeunes chevaux attira l'attention. Tandis que le troupeau s'éparpillait dans son nouveau territoire, le grand Kayzer se mit à hennir, taper du pied, tourner sur lui-même.

Le pré dessinait une cuvette, séparé en deux parts inégales par un ruisseau. De toute évidence, cet ancien de Vincennes craignait le mini cours d'eau. Néanmoins, avec le temps, nul doute qu'il dépasserait cette peur.

D'autant plus que ses appels étaient bien entendus ! Déjà, le dominant du groupe excécuta plusieurs aller-retours, avant de se lasser et de retourner gambader. Une petite ponette vint défier le trotteur réformé, ce qui lui fit longer cette barrière infranchissable du ruisseau. Les cavaliers ne doutaient pas un instant que Kayzer passerait lui aussi de bonnes vacances d'été, ni même qu'il continuerait à prendre du poids. C'est qu'on lui devinait encore les côtes, à ce grand dadais, et tous comptaient bien le retrouver moins osseux au retour ! Mathéo n'en doutait pas, le bon air normand leur réussissait toujours.

Au soir, le fils de Mathéo lui jura que Kayzer était retourné près du passage à gué où avait traversé le troupeau et y somnolait. Le propriétaire du terrain ne douta pas un instant qu'en un mois, le trotteur vaincrait sa peur.

Pourtant, au terme du séjour il fallut se rendre à l'évidence. Certes, le grand échalas avait apprécié l'air normand et gagné quelques centimètres. Mais quand les membres du centre équestre revinrent le chercher... eh bien...

  • Mathéo, je rêve ou il a piétiné au même endroit tout l'été ?
  • Ben... ouais Gégé. Pourtant, on a essayé de le longer, de l'attirer avec des bonbons... il a pas bougé !
  • ... Et en plus il a maigri...
  • Sûr que sa poussée de croissance a pas aidé... enfin, qu'il reste dans la même flaque de gadoue non plus. On a du lui donner du foin en plein été, rends-toi compte ! Et en plein pré !

Le palefrenier et deux cavalières pouffèrent. Gégé elle, hallucinait. Mathéo pouvait comprendre. Les chevaux brillaient peu par leur intelligence, enfin celui-là...

L'arrivée du camion n'avait attiré qu'un cheval, tandis que les autres ignoraient superbement les humains. Kayzer, ne se sentant plus de joie, caracolait, donnait des coups de cul, faisait des sauts de mouton dignes d'un poulain, allait et venait le long de la barrière du pré. La cavalière qui lui mit le licol résuma parfaitement la situation, tandis qu'il tâtait ses poches du bout du nez :

  • Tu serais pas un peu con, toi ?

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