Le Con-Seil 3/3

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Même leurs yeux représentaient un entre-deux infâme, placés étrangement, dans une forme ni vraiment draconique ni vraiment humaine, avec trop peu de sclère visible autour de leurs iris - dorées pour le mâle, bleues pour la femelle - pour des humains, et bien trop pour des dragons. Au moins avaient-ils une pupille franchement verticale. Leurs cornes étaient bien trop courtes pour des dragonnets de leur âge, leurs os semblaient trop longs pour leur peau et leurs muscles, menaçaient de les déchirer de l'intérieur à chaque instant. Même pour la dressern, ils faisaient penser à deux carcasses momifiées. À la peau un peu plus normale pour des dragonnets, couleur argileuse comme leur géniteur.

Venait leur démarche. Trop portés en avant pour de vrais bipèdes, le bassin inadapté à la marche quadrupède, ils se dandinaient maladroitement, les antérieures trop longues pour leur dos, trop courtes pour qu'ils marchent sur leurs pattes à cinq doigts griffus, mal positionnés pour qu'ils puissent espérer marcher dessus de toute façon. Leurs postérieures ne les aidaient pas, toutes fines, la peau tendue à l'extrême par les os, au moins avançaient-ils sur des plantes de pieds relativement normales pour des entités draconiques. Novia, la femelle, présentait même des ergots.

Leurs ailes, leur crête osseuse poussive et leur queue courte semblaient bien les seules choses bien proportionnées et aptes à les faire vivre. Tout leur équilibre bancal reposait sensiblement sur les mouvements de balancier de leur queue s'achevant en une masse osseuse, bien plus grossière que la lame des égorgeurs. Mais tout aussi intimidante.

Ainsi se présentèrent timidement les deux dégénérescences de Stavek. Ils n'émirent aucun son, se contentèrent de la humer de loin, protégés par leur père attentif. Ce dernier laissa tout son temps à Sirame, qui se remit à quatre pattes une fois son dégoût développé. Schiarks, que ces horreurs repoussantes approchent de son territoire et elle leur ferait un sort ! Aussi, au moins fleuraient-ils le prédateur, et non le charognard ou l'omnivore. Leur odeur pouvait faire penser à une sous-race draconique inconnue.

Stavek se leva en douceur, recula avec précautions, et laissa sa descendance se presser contre ses flancs. Aucun des trois ne lâcha la dressern du regard, apeuré à raison pour les petits, attentif pour le père.

En première intention, Sirame comptait se détourner et les planter là, sans plus de cérémonie. Mais son instinct lui souffla que ce ne serait pas la meilleure idée. Les petits étaient de puissants mages. Leur père... quelque chose dans son regard ne laissait rien présager de bon. Ce n'était pas de l'hostilité, loin de là. Plutôt de la curiosité. Et une fièvre. Oui, une fièvre dans le regard. Une attention exacerbée, ni prédatrice ni territoriale.

Elle songea également qu'il ne pouvait manquer de nourriture, avec un tel terrain de chasse. Même avec ses deux bouches hideuses à nourrir, ils devaient déjà savoir chasser de toute façon.

Ké schiarks. Sssseh, schiarks. Elle avait entendu dire qu'il existait deux types d'égorgeurs. Des qui vivaient très bien la solitude, comme feu Rhessek. Bien souvent, ceux-là portaient plusieurs rangées de crêtes dorsales. Stavek n'en portait qu'une, et à la réflexion une seule chose pouvait donner du sens à sa faiblesse. Ainsi qu'à son intensité dans le regard et le fait qu'il la colle, alors même que leurs deux espèces peinaient à se tolérer.

L'autre type d'égorgeurs, à une seule crête dorsale comme lui et son engeance, pouvaient se laisser crever de solitude, étaient faits pour les célèbres nuées à plusieurs centaines de dragons. Si elle partait, elle risquait de se confronter au réveil d'un manque de sociabilité, à de l'irrationnel. Pire qu'un parent défendant sa progéniture, car guidé par un instinct détraqué et perverti. Dans quelle bouse était-elle tombée ?

Mal à l'aise, elle prit avec lenteur et sous haute surveillance une certaine distance de sécurité, l'équivalent de deux bonds de la part de Stavek, et s'installa à son tour en boule, montrant son intention de rester.

La petite famille l'observa un moment, avant que les deux petits ne sentent l'appel du jeu et ne partent se chamailler en silence dans les boyaux de la caverne. Leur père garda une oreille tournée dans leur direction, assis face à Sirame sans la lâcher du regard. Cette dernière n'osa même pas préparer de sort, elle ne voulait pas déclencher l'ire de ce dégénéré. Il ne devait plus survivre que pour sa descendance. Autrement, il aurait cessé de lutter.

Le soleil se couchait, quand il avança, le regard fixe et intense. Sirame tenta de le prévenir qu'elle refusait tout contact, toute approche. Elle se hérissa de plus en plus, à mesure qu'il approchait. Cela ne suffit pas. Elle lui montra les crocs. Feula. Gronda. Fit claquer ses mâchoires, poussa des stridulations outrées. Rien n'y fit, il tenta d'approcher son museau à la corne mortelle de son cou.

Furieuse, Sirame se dégagea de là d'un bond, atterrit au bord de la corniche et rugit sa détestation de ce désaxé. Ce dernier crut qu'elle menaçait ses petits pourtant loin, se dressa sur ses patte arrières et rugit avec une puissance insoupçonnable. La dressern sut que si sur le plan magique, elle avait ses chances, s'il lui mettait la patte dessus elle n'y survivrait pas.

Ils restèrent longuement en chiens de faïence, avant que Stavek ne s'apaise de lui-même. Il trouva même l'intellect de s'éloigner. La nuit avait fini de tomber.

  • Tu... veux bien rester dormir ici ? demanda l'égorgeur.
  • Sûrement pas !

Déçu, il baissa la tête.

  • Et venir nous voir, tous les jours ?
  • Ké schiarks, mais j'ai bien mieux à foutre que voir vos gueules et subir vos puanteurs !
  • ... S'il te plaît... je pourrais partager mes chasses ?
  • Tu m'prends pour un schiarks de charognard ?
  • Non... excuse-moi... simplement... j'ai vraiment besoin... d'au moins une présence. Je te demande juste ça. Une présence. Mio et Novia te laisseront tranquille, je te le promets.
  • Ben sont là, eux. De quoi tu t'plains ?
  • ... Cela ne me suffit pas. Avant... j'appartenais à une colonie de plus de huit cents dragons, avant de vivre quelques années parmi une tribu d'une soixantaine d'humains, qui m'ont vite intégrés à leurs rencontres avec d'autres tribus...

Sirame lui aurait bien recommandé de se laisser crever une bonne fois pour toutes, mais cela menacerait la vie de sa descendance putride. Donc il risquerait de la percevoir comme une menace. Nan, il lui faudrait s'en débarrasser autrement... Profiter du soleil en altitude avec la certitude qu'il se contenterait de l'emmerder par sa présence, sans chercher à lui parler pour autant, voilà qui pourrait représenter un compromis tolérable... Elle lui proposa donc cela. Et il accepta avec soulagement. Répugnant.

Pour la nuit, elle put dormir tranquille, dans une grotte bien trop étroite pour que l'indésirable s'y aventure. Le lendemain, elle prit son temps pour chasser avant de venir subir leur détestable présence sur la terrasse... et y réfléchir à ce qu'elle pourrait faire pour s'en débarrasser.

De toute évidence, ses connaissances ne lui permettaient rien. Alors, elle puisa dans celles de son prédécesseur Rhessek, qui lui avait laissé un véritable trésor de souvenirs. Parmi ceux-là, au bout de quatre jours de somnolence elle trouva une piste solide qu'elle s'empressa de partager.

  • Immondice, j'ai peut-être une idée pour toi et ta descendance.

La désignée immondice soupira. Il commençait à s'habituer aux insultes, à moins que l'énergie et la volonté ne lui manquent pour réagir. Soumis, va.

  • L'esprit des Ténèbres est du genre tolérant... j'peux t'partager un rituel pour l'app'ler et tu pourras tenter d'lui causer.

Tout à son marasme, Stavek ne s'en hérissa pas moins :

  • Tu voudrais que j'appelle ce fils de l'Eau ? Ké schiarks, mais pourquoi il aiderait un fils de la Terre dis-moi ?
  • Sssseh, j'écume les souvenirs d'un ténébreux et t'sais quoi ? Leurs plus cons crèvent jeunes, seuls les plus solides et sages survivent à leur élément, donc imagine l'esprit qui régit ça ! Fils de l'Eau ouais, mais bien moins con et salopard que les autres ! Figure toi qu'les ténébreux sont bien moins impulsifs et plus réfléchis qu'tous les autres, question d'survie. Après, info à prendre ou à laisser.
  • ... Pourquoi cherches-tu une solution ? Je veux dire... tu pourrais... prendre position.
  • J'ai d'jà pris position et y s'en branle ton Con-Seil de schiarks, là. Ma seule chance de r'trouver mes terres, c'est qu'y m'lâchent la grappe. Donc qu'y z'aient tranché sur ton cas.

Stavek prit le temps de réfléchir. Pour son malheur, Sirame pouvait le comprendre. Cet élément conférait de l'autorité sur toute la part sombre de la création. Elle en savait quelque chose sur la puissance des ténébreux, Rhessek l'avait bien maudite, pour protéger ses chers humains et la garder, même après sa mort sur une voie qui lui convenait. Depuis le temps, elle savait vivre avec et éviter le déclenchement de pics de terreurs.

Dans un soupir résigné, Stavek lui demanda comment appeler cet esprit.

  • Déjà t'es gentil, tu l'fais seul sans personne à côté. Sinon, tu l'appelles comme t'appellerais l'esprit d'la Terre. À part que çui-là demande pas d'sang ni d'os. Et qu'son nom d'invocation, c'est Téhendéris.

Le jeune père prit son temps, mais finit par émettre un vague ronronnement de remerciement. Considérant qu'il s'agissait d'une autorisation à se barrer, Sirame fila dans sa caverne. Les jours suivants, rien ne changea... jusqu'à la disparition pure et simple du détestable.

Soulagée de retrouver sa chère solitude, Sirame s'empressa de chasser et d'affiner son maniement de la magie. Vu son temps d'absence, il était évident qu'elle devrait chasser des intrus de son domaine. Puis, par vengeance qu'elle les extermine sur leurs propres territoires à eux, pour bien les humilier. Elle en profiterait pour que les populations humaines sur ces terres adoptent la culture de ses humains et prolongent les territoires où les sacrifices sanguinaires ont lieu. Voilà qui promettait de la belle occupation. Puis que les équilibres culturels entre humains se trouvent, ce qui prendrait bien un siècle ou deux. Elle, ça l'aménerait à son premier millénaire d'existence. Puis elle verrait bien ensuite, déjà se projeter autant sur l'avenir lui faisait mal à la tête et la mettait mal à l'aise.

Une lunaison de plus passa. Les petits de Stavek ne cherchèrent pas à la croiser, eux devaient mieux vivre la solitude. Ou savaient se contenter... de toute façon elle s'en foutait. Stavek revint bien vivant à la nouvelle lune, l'appelant en faisant vibrer son estomac, émettant un son qui parcourait de vastes distances, fort pratique pour communiquer sans empiéter sur le territoire.

Dépitée de le savoir toujours en vie, elle ne le rejoignit pas moins. Il allait de mal en pis, même ses écailles perdaient de leur lustre désormais. Dès qu'elle fut posée, il la salua, avant d'attaquer :

  • J'ai... appelé... Téhendéris. Elle... accepte de m'aider...
  • Meeeeeerveilleux, baîlla la dressern.
  • Ça me coûtera la vie.
  • Et j'serais plus emmerdée avec tes histoires, parfait.
  • Jure-moi...
  • Ssseh ta gueule, j'vais rien t'jurer ! J't'ai tenu compagnie, offert une solution, maint'nant merde !

Stavek voulut insister, argumenter, mais Sirame demeura ferme. Elle ne voulait même pas savoir sur quoi portait cette demande d'engagement. Elle avait déjà fait beaucoup, maintenant qu'il se démerde sans elle.

Vaincu, Stavek daigna lui foutre la paix. Quelques jours plus tard, il subit l'appel du Con-Seil, sans que Sirame ne soit dérangée.

Les quatre lunaisons qui suivirent, elle bénéficia d'une paix totale. À part qu'il ne s'agissait pas de son territoire, et qu'elle ne doutait pas de violentes conséquences si elle osait revendiquer ces terres, elle vivait plutôt bien. Gardant les hideux hybrides dans un coin de l'esprit, elle peaufina encore sa maîtrise et ses connaissances de la magie de la Terre, ainsi que celle du sang qui s'amenuisait, faute d'offrandes suffisantes à l'esprit idoine.

Puis au terme de cette période de tranquilité, Stavek revint. D'un vol pathétique, il réintégra la caverne où l'attendait sa descendance. Méfiante, Sirame resta cachée loin de son propre lieu de repos. L'autre devait être blessé, potentiellement suivi. Quel prédateur pouvait résister à l'envie d'achever une proie facile ?

Au bout d'un moment, l'égorgeur l'appela. Résignée, elle y retourna. Avant même d'atterrir, elle huma l'odeur tentante de gangrène et de sang. Stavek approchait de la fin, Sirame de la délivrance.

  • Je voulais... te remercier, haleta l'agonisant.

Quelle perte de temps, songea la dragonne. Il lui déblatéra les quatre lunaisons écoulées, la tournure des débats, sa décision de fuir à la première occasion pour accepter ce que lui avait suggéré Téhendéris. Il s'offrirait aux Ténèbres, en échange de quoi l'esprit soustraierait son sang aux sens du Con-Seil et de ceux sous son influence. Charge ensuite, à ses petits, de se trouver leur place en ce bas monde, comme n'importe quel vivant.

Tout ça pour ça. Le dressern de ténèbres aurait pu tous leur épargner ces conneries en conseillant le condamné ! Et elle avait eu envie de parader devant ce débile...

Un mauvais pressentiment arracha Sirame à ses ruminations et râleries. Quelque chose dans le ciel. Elle ne savait pas quoi pour le moment, mais le ciel, dans la direction d'où venait Stavek, l'inquiétait, l'angoissa même. Aux aguets, elle tenta de percevoir la menace.

Une aura lumineuse. Ké schiarks.

  • Ton copain la vouivre arrive, coupa-t-elle en se mettant au bord de la terrasse, prête à décoller.

Stavek gronda, avec une force impossible dans son état. Il pourrissait vivant et voulait se battre ? Ça pouvait vraiment mener à ce genre de situation, l'instinct parental ?

L'égorgeur de terre incanta. Sirame ne put s'empêcher de tendre l'oreille, pétrifiée. Il usait du langage de la création, seuls les bénis des esprits pouvaient s'y risquer, et seuls les bénis des esprits pouvaient espérer comprendre ces paroles. Plus rarement encore, ils pouvaient se souvenir d'incantations entendues, sinon, tout ceci était voué à un oubli immédiat. Sirame n'était pas une bénie des esprits, sa magie du sang ne comptait pas. Elle payait pour cela.

Puis l'Horreur. Dans son état le plus pur, le plus brut, s'appropria Stavek derrière elle. Sirame se retourna en se faisant toute petite, terrassée par la peur de se qui se passait derrière elle. La vouivre qui les chargeait, toutes serres dehors l'inquiétait infiniment moins que les filaments noirs qui ravageaient le dragon sur la terrasse. Il en émanait du pouvoir à l'état pur, de celui qui anéantissait quiconque tenterait d'y insuffler sa volonté. Une puissance incontrôlable, issue de toute la noirceur du monde. Mort, peur, maladie, excès, faim, folie, lâcheté, inconscience, douleur... Tout... tout ceci est des choses bien moins nomables mais bien présentes se nourrissaient de l'égorgeur à une vitesse phénoménale.

Il n'en resta rien. Pas une goutte de sang. Pas une écaille. Même les pierres qui avaient reçu quelques gouttes ou traces de lui avaient été rongées par les Ténèbres.

La vouivre approchait, ne cherchait pas à se dévier des objets de sa colère. Il se contenta d'un sort de Lumière, persuadé que cela suffirait à contrer les Ténèbres brutes. Ces dernières firent subir le même sort au dragon bipède. En un éclair noir, il n'en resta rien. Pas même un écho. Pas un courant d'air. Il existait, il n'existait plus.

Sirame ignora que faire. Si elle bougeait, elle craignait d'attirer l'attention de cet élément hors de tout contrôle. Un temps impossible à estimer s'écoula, insensible à ses angoisses. Du fond de la grotte, elle finit par entendre les petites griffes de la descendance ignoble approcher.

Ces derniers approchèrent avec circonspection. Quand ils se trouvèrent à quelques pas de lieu où avait disparu leur père, les Ténèbres devinrent de nouveau visibles. Des éclairs noirs s'agitèrent en une sphère silencieuse, puis cédèrent la place à une égorgeuse à la puissance comparable à sa prestance. Noire aux reflets bleus et argentés, les anneaux absorbant la lumière, les griffes, les cornes et les crocs mêlant blanc éclatant et reflets métaliques. Ses yeux. Verts. Sublimes. Hypnotiques. Elle cilla, rompant le charme.

Sa voix correspondait à sa nature. Multiple, envoûtante et menaçante. Un écho qui ne pouvait venir de ce monde accompagna sa prise de parole :

  • Votre père a fait le bon choix. Tant que vous ne serez pas en mesure de vous débrouiller seuls, je veillerais sur vous. Telle est sa volonté. En attendant, partez. Le Conseil des Mémoires arrive, prenez de l'avance.

Les deux s'excécutèrent en silence, Mio ménagea un tunnel dans la montagne, Novia lui emboîta le pas. Ils rampèrent sur les coudes comme des humains. Sirame éprouvait bien trop de peur pour en éprouver de la répugnance. Toujours pétrifiée, elle attendit que l'Esprit des Ténèbres en personne lui adresse... la parole ? un regard ?

Bien qu'ayant déjà fait appel à l'Esprit de la Terre, Sirame ne l'avait jamais vu. Elle faisait face à un esprit pour la première fois de son existence, et sentait toute la différence de puissance entre de simples dragons, aussi vieux fussent-ils, et leurs très lointains ancêtres, les esprits. Déjà, les membres du Con-Seil étaient en mesure de la balayer en le voulant juste un peu. Là, à peine une infime volonté de la part de Téhendéris, et Sirame subirait le même sort que Stavek et la vouivre. La protection de ce dernier n'avait servi à rien.

L'Esprit se tourna avec retenue vers elle. L'air ondulait, noircissait autour de l'entité plus ancienne que le monde. La pierre sous ses pattes, sous son ventre subissait le même sort. Même la pierre donnait l'impression de succomber et se racornir devant tant de puissance. Vaincue sans combattre, Sirame se fit toute petite, s'attendant à un pire hors de portée de son imagination.

  • Merci, Sirame, de lui avoir donné Mon Nom. Tu avais deviné juste, cette situation serait restée bloquée jusqu'à sa mort, se serait soldée par le massacre de ses petits... et le tien, pour empêcher tes souvenirs de se transmettre.

L'Esprit s'interrompit, huma l'air. Elle s'arracha quelques écailles, souffla dessus de la brume noirâtre. En réaction, ses écailles s'imbibèrent de magie, s'étirèrent, jusqu'à ressembler à des amphiptères sans plumes, à la peau lisse et blanche comme un os et luisante comme un galet en bord de rivière. Malgré l'absence de plumes ou même de membrane entre les doigts de leurs ailes, ces écailles aux yeux gris acier, vides, sans naseaux ni bouche s'élevèrent comme des feuilles mortes. Glissant sur des courants n'existant que pour eux, ils s'élancèrent dans une direction.

  • Un peu de temps de gagné, et peut-être une mise en garde suffisante pour épargner des vies. J'ai eu une couvée, avec Rhessek, il y a bien longtemps. L'Assemblée des Esprits les a exterminés. Trop puissants pour des mortels, pas assez pour nos petits jeux. Alors, quand Stavek m'a raconté ce qui lui arrivait... il a eu le choix qu'on ne m'a pas laissé. Grâce à toi.

Chose inconcevable, l'Esprit inclina la tête. Le mouvement équivalait à l'épaisseur d'une écaille. Mais un Esprit la remercait. Schiarks... Téhendéris l'observa, toujours roulée en boule sur son promontoire. Puis, son corps ondula comme un mirage, avant de s'évanouir totalement, laissant un vide presque aussi angoissant que sa présence.

Sonnée, Sirame demeura là un temps indéfinissable. Un Esprit... même pas de son élément. Qui non seulement l'avait laissé vivre, mais en plus l'avait remerciée. Quand elle reprit conscience de ce qui l'entourait, elle se rendit compte que des rugissements d'agonie l'avaient sonnée et sifflaient encore à ses oreilles.

Soit. Elle pouvait donc retrouver son territoire. Tous les autres détestables devaient désormais affronter la colère d'une mère en colère et d'un père désespéré. Pour elle désormais, la vie pouvait reprendre là où elle s'était arrêtée, sur son territoire.

Encore remuée par la fin des évènements, elle retrouva ses terres avec soulagement, sans savoir ni même se soucier que son intervention allait durablement changer le monde et, à terme, la place des dragons.

Mais ceci est une autre histoire.

Fin.

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