Mise à mort
Qui est cette fille, là-bas, qui ne nous ressemble pas ? Regarde-la ! Regarde comme ça l'amuse d'être différente ! Elle croît qu'en exhibant ses vices, elle sera plus intéressante ! Mais ce n'est qu'une ratée. De quel droit ose-t-elle être elle-même ? Serait-elle folle ? Il faut bien qu'elle le soit pour ne pas avoir honte de la chose dégueulasse qu'elle est, pour ne pas chercher à enfouir au plus profond d'elle-même sa véritable nature et tâcher, tout comme nous, de rentrer dans la norme.
Comment peut-elle s'assumer ? Ce supposé courage ne peut être que le fruit de sa perversité. La perversité qu'elle exhibe, il faut l'anéantir. Détruisez l'insolente par la force de vos injures, et si cela est vain tuez-la sous vos coups ! Elle n'est pas comme nous : c'est un monstre, un humanoïde contre-nature dont le cœur pourri ne peut pas prétendre savoir ce qu'est l'amour, qu'il confond avec un amas de fantasmes écœurants ! Éradiquez ce déchet avant qu'il ne nous contamine tous !
Vos discours me font rire, sans pouvoir m'ébranler. Vous alignez un flot de propos contradictoires et tentez de m'abattre avec des armes qui ne peuvent atteindre leur but.
On me dit que je suis contre-nature, mais on me reproche de suivre la mienne. Car oui, je suis ma propre nature. On me pointe du doigt car je sais qui je suis, je n'ai pas peur de ce que je suis ni que les autres le voient. On m'accuse simplement de faire preuve d'honnêteté. Et la haine de mes congénères n'est que jalousie : ils ne supportent pas de me voir libre en dehors du moule étroit qu'ils sont trop lâches pour quitter. Comme il est rassurant de se recroqueviller dans une étouffante norme imaginaire !
Ils ont peur de celle qui n'a rien à cacher et accordent leur confiance à tous ceux qui ignorent eux-même qui ils sont, parce que tous se voilent la face. Ils ne peuvent pas accepter les différences d'autrui puisqu'ils sont incapables de reconnaître les leurs.
Enfin, pour me faire entendre une soi-disant raison dont ils se veulent les défenseurs, ils emploient la violence et s'acharnent sur moi. Ils pensent qu'être agressifs suffira à me soumettre. Mais jamais je ne m'abaisserai à leur niveau ! Jamais je ne feindrai d'être une autre que moi, pour le simple plaisir d'individus dont seule la rage rythme les battements du cœur.
Ils peuvent bien me rouer de coups, si cela les amuse, si leur seule distraction consiste en ma mise à mort. Mais ce qu'ils ne parviennent pas à comprendre, c'est que ma mort ne m'arrachera pas à mes valeurs, ni à mes idées. Peu importe si mon corps n'est plus que poussières; le sang qui inonde les pores de ma peau ne peut encrasser mon esprit. Morte ou vive, mes sentiments – car oui, je ressens- perdureront éternellement.
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