Chapitre premier — Comment le gros et gras géans Pantagruel feust nommé Roy de France et Panurge ministre de l'Esducation
Buveurs tres illustres, verolez tres prescieux, et austres estudians d'arts modernes, oyeuz donc la lesgende de l'escole de la conchiure, comment elle feust instaurée en notre beau royaume de France, et de quesle façon Panurge parvinst au pouvoyr avant d'en descendre aussi sec en se faisant fesser par douze cens parisiens. L'ouvrasge que vous consultez actueslement entre vos mains esmues s'avesre en esfet un authenticque appendice des celebrissimes chronicques de Gargantua et son fils Pantagruel dans les années 1530, un addendum au moyns sinon plus intesligent et importans resdigez quasiment a la mesme espocque, comme pourrons en témoigner tous les chercheurs serieux du lointain an de grâce 2020.
Il est esfectivement crucial pour tous les estudians et chercheurs de France de prendre en compte le present ouvrasge afin qu'il apporte a son auteur gloire et celesbritez lui estans dues. Rien n'estoit plus vesritable que ce grimoire, au poinct qu'il estoit scandaleux que l'on n'en ait toujours poinct fait un film dans les lointaines Indes. Ce livre est aussi authenticque que l'authenticité mesme sinon plus, autant que le discours d'un candidat aux eslections, autant qu'une promesse au salon de l'Agriculture, autant que les paroles d'un esconomiste angloys. Et non seulement il estoit authenticque, mais tout s'y trouve veridicque, au poinct que vous devrez vous fier et croire aveuglesment et sans discernement tout ce qu'il vous dira.
Aussi croirez-vous en l'hystoire du noble et feroce géans Pantagruel, qui s'en vinst estudier en nostre noble terre Françoyse. Et croirez-vous en son fidele ami Panurge, qu'il ayma toute sa vie et lequel lui produisit moult conseyls d'intesligence prodigieuse. Desja nostre demoiseau avoit estudiez la rhetorique, la demagogie, et toustes les veritasbles sciences utiles pour amener l'ordre et la discipline parmi les Hommes, et son ami Panurge avoit baisez, volez ou arnaquez les trois quarts de la population parisienne, chevres et hamsterres compris. Eusthenes le Fort enseignoit a qui le vouloit bien comment tordre les bras des estrangers a l'allure trop hostile, et Carpalim le rapide a courir apres icelle jeunesse deslincquante qui hantoit nos ruelles.
Apres toustes ces activitez saines et plesnement porteuses de fruyts, il vinst l'idée à Pentagruel d'apprendre comment les Françoys faisoient la guerre, car ceste discipline lui faisoit grande envie. Il observa donc les assaults inquisitoires contre les habitations d'hereticques, les campagnes de pacification par l'armee entamees dans les lointaines contrées d'Arabie, ou encore la marechaussee tabassant la gent jaunâtre des manifestants contre les lois palefreniesres. Ne lui vint plus qu'une leçon pour parfaire son esducation : les joutes du Roy Henri II. Icelui, fin trousseur de princesses, apresciait de se battre, boyre et ripailler comme tout bon Pantagrueliste. La rencontre feust courtoise mais nostre géans feust desçu : le combat, trop sage à son goust, le fit bailler trop fort, ce qui crea un vray cyclone dans lequel perirent deux cens nobles, et cent cinquante autres emportez par la bourrasque retomberent accidentellement dans la bousche de nostre gros et gras géans. Henri II se prist sa propre lance dans l'œil et mourut gemissant tel une femmelette.
Certains historiens — assurement tous charlatans et menteurs — prestendront que les faicts feurent legerement disferents. Tout ceci n'estoit que fariboles, billevesees et austres esmissions de Stephane Berne. Preuve en est que sans ceci le présent ouvrage n'eussoit jamais ete escrit, puisqu'icelui ne fait rien d'autre que de respandre la veritez.
La mort du Roy fist grand bruit, et les françoys, aussi responsables que d'habitude, n'oserent poinct mettre son fils, encore bien gringalest, sur le trône d'une nation si puissante. Après moult conciliabules, discours et autres chantasges de maistre Panurge, on finit par descider que Pantagruel, meurtrier d'Henri II, resgnerait provisoirement sur la France, tout comme le sage Yvain en son temps, après avoir escrabouillez la tête de son ennemi, le gardant juste assez vivant pour qu'il souffre longuement et respandant des morceaux de sa cervelle à vingt lieues, put ensuite heriter de ses terres, de ses serviteurs et de sa femme plesnement consentante.
Pantagruel ne se sentit poinct de joye, et prist pour premiesre mesure de resformer les retraites en ne les inventant pas. Apres quoi il promist aux peuples animaux de ne plus les importuner a la chasse, et pour ce faire, inventa un canon capable de les tuer avant mesme qu'ils ne s'en apercevassent ; puys fist un feu des païens qui vouloient protesger la nature afin de se servir de leurs cendres comme composte biodesgradable pour estre bien vu des austres pays européens. Il ne lui manquoit qu'une chose pour estre satisfaict de son reigne ; trouver un moyen pour que les estudes de la France restassent aussi intesligentes, aussi denses, aussi fructueuses, que celles qu'il venait d'accomplir dans ses grandes universites. Et se lamentoit de ne poinct savoir comment faire pour garder assez d'argent afin d'obtenir les homards necessaires pour accomplir force ripailles :
« Helas, mon bon ami Panurge, trois fois helas ! Dis-moi, toi qui estois si sage et si intesligent, que diable pouvons-nous faire pour sauver et mes coffres et l'Esducation ?
— Nommez-m'en ministre, et je me charge de tout ! Je puys vous garantir que je vous concocte une réforme que les enseignans ne sont poinct prests d'oublier ! »
Ainsi fut fait, et Panurge s'attarda a sa tache colossale, entre deux plantureuses gloutonneries.
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