Chapitre III — Comment Panurge resforma l'escole maternelle
Après cela Panurge entendist parler de la gent pour laquelle il avait fait le plus : celle enfantine, car il avoit engendrez desja mil deux cens de ses membres, dont les plus affreus laiderons, ce qui sembloit qualité primordiale dans le monde de la marmaille. Et voilà donc que ceus-ci lui demandoient a nouveau de s'occuper d'eux ? Les petits ingrats ! Ne leur avoit-il poinct desja donnez le jour, qu'il leur faille en plus une esducation et austres calembredaines ? Ne pouvoient-ils poinct se contenter d'estre fessez en cadence et de beaucer comme tout le monde ?
« Allons ! se resolut-il un matin. Partons voir ces creatures squameuses ! » Et, s'en repartant sonner le même quidam : « Dis-moi, brave homme, qu'enseigne-t-on dans ces especes de menageries ou l'on se debarrasse des morveus ?
— Eh, par mes fesses ! Elles se nommoient escoles primaires et maternelles et nous montrent comment devenir citoyens esclairez. L'on y apprend a lire, escrire, compter...
— Lire ? Escrire ? Saint-Frusquin me preserve de ses couillasseries ! Que l'on offre plutost des activitez capables de les tenir en laisse, sans quoy ils nous feront chier de par leurs questions jusqu'a ce que nous nous noyions dans la merde ! »
Ainsi parloit le bon Panurge, en père de famille attentif, et descidoit d'apprendre aux gamins le coloriasge. Mais vous escrierez-vous, en ces temps lointains, les coloriages n'existoient poinct puisque l'on venoit a peine d'inventer le crayon ; ainsi ce livre estoit menteur et ne datoit poinct de l'espocque de Pantagruel. La verite estoit qu'en ces temps reculez, les crayons estoient rares, mais bien presents ; il falloit se les fabriquer soi-mesme, et pour cela descendre a la mine des mines de crayon. Les enfants trimoient dur et frabriquoient leurs crayons a la sueur de leur front. Et s'escrouloient de fatigue des le premier mandala, ce qui fist dire à Panurge que ces activitez estoient plesnement reposantes, et capables de relaxer plutost que d'enerver car il s'y trouvoit toujours impossible de ne poinct despasser les contours ; icelle légende existoit encore de nos jours.
Plus tard, Panurge fust pris de remords, car il lui vinst à l'esprit qu'il avoit oubliez quelque chose. Ce n'estoit point de remunesrer les prophes, qu'il consideroit comme savants singes et les payoit dans la monnaie reservee a ce rang, mais plutost un element descoratif, capable d'unir la nation et faire se dire à tous ces mioches qu'ils estoyaient françoys et devaient par consequent tous lui obéir (y compris ces petits salopiots de sarrasins qu'il faudroit bien bouter un jour ou l'austre). Il lui vinst alors l'idée de mestre partout des estendards et des bannieres de drapeaux françoys, mais comme en ces temps-la la France estoit divisee en moult petites seigneuries, chacun afficha sa banniere a soi et tous les escoliers se ruerent contre le fief voisin. Quand on annonça à Panurge a son grand desespoir qu'il restoit des survivants, il descidoit finalement de faire arborer dans toutes les escoles le drapeau de son choix, aux couleurs de sa mirificque braguette, et de disposer un peu partout de bustes de luy et de Pantagruel.
C'estoit ainsi qu'encore de nos jours on peut lire un peu partout dans toute la France des devises sur les frontons d'escole telles que : LONGVE VIE AV BON PENTAGRVEL, que l'on changeoit ensuite souvent en RIPAILLE MANGEAILLE BOUSTIFAILLE ou quelque chose de ce genre. Certains lecteurs pourroient me respondre qu'ils ne les ont jamais vues enseignees nulle part ; a cela je respondrais : vous n'estoyez pas suffisamment alles a l'escole quand vous estiez petits.
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