La rencontre - partie 1
Zhang est à mes côtés, ses mains posées sur mes épaules, en train de me parler et probablement de me secouer. Néanmoins, à cet instant, je ne l'écoute pas et ne comprends pas un mot de ce qu'il dit. Toutes mes pensées sont pour Xiao Bai que je continue de regarder prendre la fuite.
– Wei Jie ! Hurle alors Zhang, me secouant fortement, pour me ramener les pieds sur terre.
– Quoi, murmuré-je tout en l'observant pendant que je me relève avec son aide.
– Je ne t'ai demandé qu'une seule chose. De faire attention. Pourquoi faut-il toujours que tu n'en fasses qu'à ta tête ? Hein, continue-t-il de crier.
– Je suis désolée, dis-je alors que je me mets à pleurer. Je n'ai pas fait exprès, je...
Incapable de poursuivre avec des mots, mes larmes s'en chargent pour moi, ce qui attriste Zhang qui m'a toujours considéré comme sa fille.
– C'est pas grave, dit-il tout en caressant mes épaules. Arrête de pleurer.
Il m'attire à lui et me console.
– Va dans ma cabine et change-toi. Si tu gardes tes vêtements mouillés, tu vas attraper froid.
Honteuse de l'avoir mis dans l'embarras, je lui réponds silencieusement d'un signe de la tête avant de rejoindre son chalutier, de gagner la cabine pour en sortir des fringues sèches et de les enfiler aussitôt. Je m'observe ensuite devant le miroir et attrape un peigne pour coiffer mes cheveux. Au sec, je jette un dernier regard à mon reflet avant de sortir du bateau et de rejoindre le quai sur lequel Zhang m'attend.
– Maintenant que tu es au sec, suis-moi, m'ordonne-t-il sans même me laisser le choix.
Bizarrement, plus nous avançons, plus je me sens mal, parce que le chemin qu'il emprunte nous mène tout droit au restaurant de Xiao Bai. Prise de panique, je m'arrête subitement, lorsque Zhang se retourne et me trouve plantée sur place.
– Que fais-tu ? Demande-t-il après m'avoir rejointe.
– N'y a-t-il pas d'autres restaurants que celui-ci ?
– Celui-ci est le plus proche, alors ne discute pas. Tu dois reprendre des forces et un peu de couleurs, lance-t-il, un léger sourire sur les lèvres. Wei Jie, ne m'oblige pas à t'y amener de force.
En entendant le ton qu'il emploie, même s'il n'est pas sévère, j'ai plutôt intérêt à le suivre. En effet, même s'il n'est pas de ma famille, c'est tout comme. Lorsque j'ai aménagé ici, puisqu'il allait me former, mes parents lui ont demandé de devenir mon tuteur sur l'île. C'est un rôle qu'il a pris très au sérieux, notamment lorsque l'on connaît leurs coutumes et leurs croyances. Du coup, je ne dis rien et me contente de le suivre.
Arrivés sur place, nous nous installons autour d'une table avant que l'on vienne nous servir. Comme si le destin avait décidé de se jouer de moi, c'est Xiao Bai en personne qui vient nous apporter la carte.
– Merci, lui sourit poliment Zhang.
– Au lieu de me remercier, tu devrais plutôt enseigner à tes matelots comment ne pas tomber à l'eau, commence-t-il sur un ton acerbe, ce qui m'exaspère au plus haut point, une grimace déformant mon visage à ce moment-là. Surtout s'ils n'ont pas le pied marin, poursuit-il tout en m'observant droit dans les yeux.
Bizarrement, moi qui espérais qu'il pose enfin les yeux sur moi, pour une raison qui m'échappe, je les fuis. Honteuse, je baisse mon visage, trifouillant mes doigts entre eux avant de murmurer :
– Je n'ai pas demandé à être sauvée...
– Wei Jie ! Intervient Zhang tout en tapant sa main sur la table, n'ayant pas été si discrète finalement.
Je sursaute et relève aussitôt mon visage vers lui, avant de reporter mon regard sur Xiao Bai, qui lui, continue de me dévisager, un sourire narquois sur les lèvres. À cet instant, même si je lui en veux de me traiter de la sorte, sachant que je ne lui ai rien fait, je ne peux m'empêcher de le trouver sexy. Ainsi, ma peine disparaît aussitôt, laissant place à un grand sourire, ce qui, visiblement, met mal à l'aise Xiao Bai, qui ne comprend pas mon changement soudain d'attitude. Il lève les yeux au ciel, puis s'en va, le temps de nous laisser choisir ce que l'on souhaite manger.
Zhang prend du Khaeng Luang, un plat composé de poissons et de légumes variés, assaisonné de curry. Pour moi, du Mi Hokkian, plat à base de nouilles frites avec des crevettes fraîches, du porc, des coquillages, des crustacés et du chou vert, ne pouvant pas manger ce qui est épicé.
Nous mangeons tranquillement tout en nous prélassant au bord de l'eau, lorsque Zhang demande l'addition après avoir terminé. J'en profite alors pour me rendre aux toilettes. Arrivée près de la porte, un vertige me surprend. Je me retiens de justesse à l'embrasure, secouant légèrement ma tête, pensant que c'est le contre coup de ma noyade. Lorsque je retrouve mon calme, je tourne mon visage vers la droite avant d'apercevoir Xiao Bai qui m'observe.
– Depuis quand me surveille-t-il ? Pensé-je bêtement.
Je secoue de nouveau ma tête, prenant une grande inspiration avant d'expirer longuement, puis je me rends enfin aux commodités. Une fois terminé, je me lave les mains, quand de nouveau, un vertige me frappe, suivi de vomissements. J'ai mal dans la poitrine et mes mains tremblent. Je ne comprends pas ce qu'il m'arrive. C'est donc fébrile et pâlotte que je rejoins Zhang, en grande discussion avec Xiao Bai.
Lorsque je m'assois, lourdement, je l'admets, leurs yeux se braquent sur moi, et l'inquiétude que je lis dans le regard de Zhang ne me rassure pas.
– Tu es sûre que tout va bien ? Me demande celui-ci, son regard plongé dans le mien.
Je lui réponds affirmativement d'un signe de la tête, n'ayant pas la force de parler, ma bouche étant pâteuse, et l'haleine sentant probablement encore le vomi.
– On dirait pas pourtant, lâche subitement Xiao Bai avant d'approcher sa main de mon front.
Instinctivement, probablement pour me protéger, je dégage sa main tout en l'observant, curieuse et à la fois furieuse.
– J'ai dit que j'allais bien alors... dis-je tout en fronçant les sourcils, un haut le cœur me surprenant.
– Tu vas mal, Wei Jie, constate Zhang. Je devrais t'amener à l'hôpital pour te faire examiner.
– Ce ne sera pas la peine. J'ai juste besoin de repos, affirmé-je tout en me levant alors que je perds de nouveau l'équilibre.
Malheureusement ou pas, je saurai le dire, je me retiens à la chemise de Xiao Bai, qui s'ouvre sur son torse, tandis que lui, me retient par la taille d'une main, l'autre posée sur celle qui agrippe sa chemise. Il me fixe droit dans les yeux et pendant que je me débats pour me libérer de son emprise, il resserre la sienne autour de moi, passant ensuite son autre main sur mon front.
– Est-ce que tu continues de vomir ? Demande-t-il sérieusement, avec ce regard que je ne lui connais pas. Peu importe notre passé, ne néglige pas ta santé, lance-t-il en détournant son regard.
Je ne m'étais donc pas trompée, il se souvient parfaitement de moi. Il sait qui je suis. Alors, pourquoi agit-il comme le dernier des crétins à cet instant ? Qu'ai-je bien pu lui faire pour qu'il soit aussi infâme avec moi ?
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