Un réveil difficile

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Quel mal de crâne ! Je peine à ouvrir les yeux et, une fois cet effort passé, je me sens perdue dans l’obscurité de ma chambre à coucher. Comment ai-je atterri là ? Je porte la main à mon front : il est poisseux de sueur et je sens que la fièvre est encore là, tapie dans mon corps, prête à s’en emparer de nouveau.

Je me redresse. J’ai mon tee-shirt de nuit. OK… Cela se complique… Je me revois me déshabiller sommairement en rentrant chez moi. J’étais en collant et chemisier sur mon canapé et… et… Putain de trou noir ! Je grogne. Un bon doliprane devrait me remettre les idées en place. Je me lève avec un frisson. J’ai besoin d’une douche mais je ne me sens pas le courage de la prendre tout de suite. Je pénètre dans le salon et allume la lumière de l’entrée pour éviter d’accentuer ma migraine. Melchior, sur le dos, est sous le sapin (qui est debout !). Il est en train de donner des coups de pattes innocents à une boule dorée. Par la fenêtre, je vois quelques flocons de neige tomber. Je passe à côté du chat et le pousse du pied, évitant de justesse des griffes réprobatrices.

– Méfie-toi, p’tit con : y’avait pas de chat dans la crèche, alors déconne pas sinon j’te fous dehors sous la neige !

J’espérais que ma menace soit prise au sérieux, mais Melchior me tourne le dos et quitte la pièce en ondulant des fesses, queue dressée, trou de balle visible. Ce chat se fout royalement de moi !

Je m’apprête à fouiller dans mon tiroir de cuisine à la recherche d’un cachet quand je m’arrête brutalement : une pensée vient frapper mon esprit. Qui a remis le sapin debout ? Les yeux sur l’arbre, je reste plusieurs secondes à le fixer, la bouche entrouverte comme si une bonne ventilation allait repousser le brouillard de ces dernières heures. La seule réponse qui me vient à l’esprit est « le fils du père Noël ». Non, mais sans blague ? C’est quoi cette idée ? Je me secoue et attrape un cachet que j’avale avec un verre d’eau, non sans fixer de nouveau le sapin qui croule sous des décorations toutes plus moches les unes que les autres. Qui a remis ce sapin sur pied ? Un brun… En rouge… Le fils du Père Noël ?

Je râle et vais m’asseoir un instant sur mon canapé. Une sensation étrange me revient : quelqu’un me tient la main. Une voix grave me murmure que je peux dormir. Quoi ? C’est quoi ce délire ? Il y avait un mec chez moi ? Là ? Je tente de calmer les battements de mon cœur qui se précipitent et augmentent ma migraine. Ah c’est malin ! Je me masse le crâne mais rien n’y fait. Je recommence à frissonner, preuve que je ne vais pas échapper à une nouvelle poussée de fièvre. Quelle poisse !

Je jette un coup d’œil sur mon téléphone resté sur la table basse : des SMS s’y enchaînent. Mes parents qui m’attendent au resto. Puis les mêmes qui me souhaitent un prompt rétablissement et un joyeux noël. Des copains qui m’envoient leurs vœux pour cette superbe soirée. Sans rire ? Mes parents encore qui m’envoient des photos de leur tablée avec le reste de la famille en me disant qu’ils pensent à moi. Bien sûr ! Pas un qui me demande réellement comment je vais ni si j’ai besoin de quelque chose. Ah si : ma grand-mère ! Elle m’a envoyé un petit SMS perdu au milieu des autres pour me dire que Laurent lui avait dit de ne pas s’inquiéter pour moi, que c’était sans doute une bonne grippe.

Laurent… Lorenzo… Le brun… Le fils du Père Noël ! Punaise, ça me revient ! Enfin, si on peut dire, car je suis incapable de savoir à quoi il ressemble vraiment.

Mon regard se perd dans la boule de Noël qui traîne sur ma table basse. Un des rares cadeaux d’Alex : un truc futile et pas cher. Parfait pour illustrer notre relation. L’unique déco de Noël de mon appartement, hormis le sapin. Et de tout aussi mauvais goût ! Et ça, Melchior n’aurait pas eu la bonne idée de lui coller un coup de patte pour la faire tomber de la table et qu’elle se brise. Ce chat ne s’attaque jamais aux affaires d’Alex. À croire qu’ils se sont mis d’accord tous les deux pour me pourrir la vie après notre rupture. Cette boule à neige, j’aurais dû la jeter depuis longtemps. D’ailleurs, c’est ce que je vais faire pas plus tard que maintenant. J’attrape l’objet et l’emmène dans la cuisine. J’ouvre la poubelle et lance un dernier regard au gros bonhomme de neige qui semble se moquer de moi à l’intérieur : il me fixe avec une lueur moqueuse dans le regard et un sourire complaisant. Il me juge du haut de ses cinq centimètres, entouré de paillettes qui flottent autour de lui. Ce sont bien les seules paillettes qu’Alex a mises dans ma vie, celles-là ! Elles tournent autour du personnage et j’ai soudain l’impression qu’il se met à bouger. Comme s’il allait descendre de son petit piédestal pour venir taper à la vitre de la boule. Je jette l’objet dans la poubelle avec un petit cri et referme le couvercle. Putain de fièvre ! Je suis grelottante, pieds nus sur le carrelage de ma cuisine. Ah, c’est malin de vouloir jeter la boule à neige maintenant !

Inutile de vouloir faire autre chose : je sens mes forces qui m’abandonnent de nouveau. Je me traîne jusqu’à mon lit dans lequel je tombe en frissonnant. Il me semble que les heures qui suivent se déroulent entre sommeil et éveil, sans vraiment définir la limite entre ces deux états. Une pensée tourne en boucle dans ma tête : le fils du Père Noël va-t-il revenir me voir ? Si oui, on pourrait aller à la patinoire et glisser sur la glace, virevolter comme ces paillettes dans la boule à neige, et on rentrerait dans le gros bonhomme de neige qui exploserait sous notre poids…

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