Un accident en 3 versions
Version 1
Des voitures à l'arrêt.
Embouteillage à l'horizon.
Débris sur le bitume.
Tombeaux de plastique
Et tôle amassés
Sur une âme mourante.
Un siège auto brisé,
Éclats de verre à l'entour,
Lente agonie
D’un homme
Et de son véhicule ;
Moteur en surchauffe,
Enflammé,
En fumée.
Odeur de soufre
Et images de souffrance.
Taches de sang :
La mort sur l'autoroute.
Suffocation inévitable,
Tremblements.
Écho de soi.
Notre vie est si fragile,
Notre vie peut prendre fin.
Comme cette vision de soi,
Cette vision d'effroi,
Cette peur dans le regard
Dans lequel on se voit.
Des conducteurs se retournent.
Des conducteurs accélèrent.
Que penser
En cet instant ?
Comment agir
Quand c'est réel ?
Coup d'œil dans le rétro
À la recherche d'un indice.
L'horloge tourne,
Les secondes s'égrènent,
Se transforment
En minutes.
Les pensées se bousculent
Le monde bascule,
Écho de soi.
Que faire en cet instant
S’il n’est pas trop tard ?
Les secours, enfin,
La circulation reprend.
Ne plus penser.
Se dire que c'est fini
Que ce n'est pas nous.
Ne plus s'en faire
Que pour soi.
Version 2
Sur la
route,
nous
t'avons
croisé.
Les
feux
éteints
comme
ta vie
en cet
instant tragique. Une mauvaise appréciation, un sursaut malvenu
Simple perte d’adhérence. La vie s'en est allée. La peine, installée. Sur
la route, nous t'avons croisé, et immédiatement, nous avons compris.
Plus
d’espoir
en nous.
Ne sub-
siste
que le
silence.
Sur la
route,
nous
t’avons
croisé,
et tu
n’es plus. Repose en paix. Nous
nous retrouverons peut-être un
jour, ailleurs, dans un autre monde.
Version 3
C'est la fin d’une journée que la lune n’éclaire pas encore. Elle se cache sous un nuage, craintive d’un mauvais présage, d’un fait divers habituel qu’elle ne veut plus voir,
Une vie s’éteint sous les regards désintéressés d’automobilistes pressés — pressés mais sans aucune raison,
Insistant incessamment sur tout conducteur les précédant par un concert interminable de klaxons.
Les chauffeurs envoient leurs invectives, éhontés, suffisants, impatients, et les insultes résonnent longuement sous la brume du soir.
Des urgences, des prérogatives, des besoins ou rendez-vous
Il ne faut être en retard, car la vie n’attend jamais.
Elle s’effile à chaque instant — et chaque instant s’efface à nouveau, transformé
En image du passé : souvenir malplaisant qu’on oublie loin de tout.
Des secondes, des minutes, des heures tombent lentement,
Les secours fendent la file comme l’on dissèque une bête,
Un silence épais et lourd s'abat soudainement,
La Mort se dévoile quand la Vie est distraite,
Elle rit de ces faits, s’installe puis dévore.
Un soir que la lune n’éclaire pas encore.
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