Le verre
Le temps passe toujours, insensible aux tumultes de nos vies, insouciant des
histoires qui nous entourent. Nous le regardons tracer sa ligne impénétrable,
constituer sa frise chronologique dans laquelle nous n'apparaîtrons pas.
Il ne s'émerveille aucunement de nos exploits et n'a que faire de
nos sottises. Il ne se grise jamais de nos bonheurs mais ne se
moque pas plus de nos dérives. Il conserve le secret de
son éternité, poursuit son chemin, serein, indifférent
de tout et de tous. À son insu, il sème le grain
du doute dans nos existences
frêles et mortelles. Nous
lui tendons
une
main,
lui
offrons
parfois
notre
mort,
mais
il
ne
rép
ond
jamais.
Nous lui vouons
du désir et du respect,
car il est à la fois
le guide
et le fruit
de
nos
rêves.
Nombreux sont
ceux qui auraient voulu le côtoyer,
jetant un œil malavisé sur ses rouages, gaspillant
de longues heures de leur vie à la recherche de son secret. Sans sournoiserie ni rancune, sans même une once d'intérêt, le temps ne leur a jamais rendu la moindre seconde. Nous menons nos guerres, érigeons notre amour, combattons sans cesse, mais le temps gagne toujours. Placide. Inaliénable. C'est pourquoi je trinque à sa gloire et lève ce verre, qu'il ne boira pas, en son honneur.
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