Là où se meurent les âmes
Près d'un village isolé, niché entre les montagnes et la forêt, existe un lieu appelé « l'Abîme des souffrances ». Enveloppée d'une brume intense, la vallée était redoutée par tous. On raconte que ceux qui arrivaient à y pénétrer ne revenaient jamais. Les anciens disaient que le brouillard était alimenté par des âmes perdues, cherchant désespérément la paix et devenues prisonnières de leur désespoir.
Zephyra était une jeune femme au cœur intrépide, devenue une puissante guerrière. Elle avait grandi avec ces histoires et avait perdu son grand frère, Faelan, quelques années auparavant. Grand combattant, il était parti s'aventurer dans ce lieu interdit, attiré par la promesse d'aventure, et n'était jamais revenu. La douleur d'une telle perte était devenue une part d'elle-même ; elle s'était juré de partir un jour libérer son âme perdue et de devenir la première guerrière à en ressortir vivante.
Le jour de son départ, Zephyra avait orné son armure de runes de protection, baigné ses deux épées dans une huile magique spécialement conçue contre les esprits, et préparé un sac de provisions et de potions. Elle jeta un dernier regard à son village bien-aimé et emprunta le sentier étroit en direction de la vallée maudite. Le chemin était escarpé, bordé de racines sortant de la terre et s'entrelaçant. L'air se faisait de plus en plus lourd à mesure qu'elle avançait, et le chant des oiseaux laissait place à un silence de mort.
Finalement, elle arriva à l’entrée d’une grotte.
Son instinct lui disait qu’elle était proche, et son cœur résonnait comme un tambour de guerre. Des murmures résonnaient dans la cavité, des voix lointaines remplissant l’air de souvenirs oubliés. Zephyra ferma les yeux un instant, laissant ses émotions l'envahir. Elle pouvait presque discerner la voix de Faelan, mais ce n’était qu’une illusion. Elle alluma sa torche avant de continuer.
Au fur et à mesure qu’elle avançait dans l'antre, elle remarquait des symboles d’un autre temps sur les murs de la caverne. Des silhouettes commençaient à flotter autour d’elle, des âmes en peine, comme des étoiles perdues dans un ciel de tempête. Zephyra remarqua avec horreur que certaines d’entre elles étaient des personnes de son village ; elle se concentra alors en espérant voir celle de son frère.
Soudain, elle fut surprise par un cri. Zephyra dégaina une de ses épées, au cas où elle devrait se défendre, même si le hurlement ressemblait plus à de la détresse qu’à une attaque imminente. Une lumière pâle avançait vers elle. Par précaution et par respect pour les esprits perdus, elle parla d'une voix assez forte :
- « Qui es-tu ? Où est mon frère ? »
Émergeant de l'ombre, la lumière se transforma en silhouette. Une femme, un spectre. Elle avait le regard triste et le visage marqué par la douleur.
- « Je suis la gardienne des âmes perdues, » dit-elle d'une voix éthérée. « Ici, les esprits se meurent et sont emprisonnés par l'absence d'amour et de rédemption. »
La jeune guerrière comprit que ces entités autrefois humaine, erraient non seulement parce qu'elles étaient perdues, mais parce qu'elles se raccrochaient à leurs douleurs, à leurs liens inachevés dans le monde des vivants. Zephyra se remémora la dernière fois qu'elle avait vu Faelan, leurs rires et leurs promesses.
Le coeurs serré, elle demanda à cette gardienne :
- « As-tu vu mon frère ? Il est prisonnier ici et je dois le retrouver. »
Celle-ci hocha la tête.
- « Faelan, ton grand frère est ici, son âme est enchaîné par le chagrin. Pour le libérer, tu fois affronter tes propres démons et lui offrir ce que son coeur désire le plus : la compréhension et le pardon. »
Zéphyra se sentit alors submergée par des visions du passé. Elle revit les derniers instants passés avec Faelan : la colère dans ses yeux et ses paroles à son égard au moment de son départ. Elle avait refusé de lui dire au revoir ; elle lui en voulait de l'abandonner, comme leurs parents avaient pu le faire auparavant. Elle avait rejeté les bras de son grand frère dans un moment de colère, immobilisée par son propre chagrin.
Les larmes coulaient sur ses joues.
- « Je suis tellement désolé Faelan, tu es mon frère et tu me manques tellement... »
À cet instant, une lumière irradia de la grotte. La silhouette de Faelan apparut, son visage était doux et rempli d'amour.
- « Pardonne-moi, ma chère petite sœur, je ne voulais pas t'abandonner... La mission s'est compliquée et toute l'équipe n'y a pas survécu... Je m'en veux de t'avoir laissée seule. Je t'aime. » Il embrassa Zephyra sur front. « Je suis fière de toi, tu es devenue une grande guerrière, tu me surpasses aujourd'hui. »
Ils s'enlaçèrent une dernière fois, l'amour fraternel transcendait l'espace et le temps.
- « Je t'aime aussi grand frère, je suis désolée également. »
Faelan fut le premier à disparaître.
La spectre qui observait la scène remarqua que la brume de la vallée était en train de disparaître.
- « L'amour et le pardon sont les clés qui libèrent l'âme. Cela ne peut arriver que si l'on accepte ses erreurs et que l'on apprend à guérir de ses blessures. » murmura-t-elle avant de s'élever et disparaître peu à peu avec les autres ombres qui l'accompagnaient.
Le brouillard disparut du Vallon, laissant place à un ciel ensoleillée.
Zephyra comprit que la vie devait continuer, pour elle mais aussi en hommage à son frère. Pour la première fois une pronfonde paix envahit son être. Elle sortit de la grotte, le chemin qu'elle avait emprunté pour venir était devenue fleurie par le soleil. Elle comprenait que l'amour qu'elle avait pour son frère avait été la clé depuis le début pour lever la malédiction.
Elle retourna au village, portant avec elle la lumière et l'écho de Faelan, prête à partager le récit de son voyage car elle était la première à revenir et à vaincre l'Abîme des souffrances.
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