La nuit était tombée sur la ville. Celle-ci l'enveloppait de son obscurité, éclipsant les étoiles par des nuages aussi sombres que de lourds secrets enterrés.

Dans ce coin, un train effectue son trajet sur des rails rouillés, crissant à chaque courbe et ayant pour seule lueur, une lampe à pétrole qui éclairait les visages fatigués des passagers. Chacun était perdu dans ses pensées, loin des raisons qui les avaient poussés à emprunter ce voyage.

Esther se trouvait dans un des wagons, son coeur battant au rythme des rouages de la machine. Elle avait toujours aimé voyager seule, mais ce soir-là une étrange tension pesait dans l'air.

Les voies résonnaient d'un cliquetis mélancolique, et la pluie tapait si fort sur les carreaux que cela donnait une symphonie lugubre. Esther tentait de se concentrer sur son livre,mais une sensation d'oppression l'envahissait. Le train transportait quelques passagers mais ceux-ci semblaient résignés comme conscients de ce qu'il allait se passer.

Soudain, une mélodie s'éleva dans l'air stagnant des compartiments, cela ressemblait à une berceuse. La voix était faible, chantante mais tellement sinistre. Hormis Esther, aucun des passagers ne leva les yeux, comme indifférents à ce qu'il se passait. D'où provenait cette musique ? Un frisson parcourut l'échine de la jeune femme assise près de la fenêtre. Elle se retourna, scrutant le fond du wagon, mais rien ne semblait inhabituel.

La berceuse continuait de s'élever, de façon croissante, hypnotique. Des paroles de chanson parvinrent aux oreilles de cette voyageuse, porteuse de promesses et de menaces.

- « Dors, petit ange, le monde est à l'endroit... »

Esther frissona, sentant une brise glaciale lui caresser la nuque. Elle sentit les coeurs des passagers battre au rythme de cette danse macabre. L'angoisse lui monta à la gorge, tel un serpent qui s'enroule autour de sa proie.

Qui chantait ? Pourquoi était-elle la seule à l'entendre ?

Malgré cela, Esther se sentit happée par la mélodie, qui voulait la plonger dans les profondeurs d'un rêve dans lequel elle était déjà perdue.