Prologue
Les deux hommes avaient fini de creuser. Dans une grande solennité, ils installèrent délicatement la dépouille tout au fond puis y déposèrent le collier que toujours il portait.
Puis ils se recueillirent avant de prononcer des paroles douces et rythmées. Comme une mélopée lancinante. Leur peuple avait pour coutume d’accompagner les défunts dans l’au-delà sur ces chants traditionnels.
Un petit attroupement s’était formé autour de cette modeste cérémonie. Ces hommes et femmes étaient âgés pour la plupart ; ils observaient la scène à distance, silencieux, en signe de respect. Puis au moment du chant ils joignirent leurs mains en croix sur le torse et baissèrent la tête, c’était leur manière de rendre hommage au disparu.
Par pudeur, Gvär retenait ses larmes. Il savait que c’était la dernière fois qu’il voyait Chinook. Même mort l’animal était encore présent. Dès le lendemain son absence s’en ferait ressentir, durement.
Thoron à ses côtés avait les yeux fermés. Il repensait à tout ce qu’ils avaient accompli tous les trois, ensemble, toujours unis, par monts et par vaux, qu’il vente ou qu’il neige. Chinook n’était pas son chien, pourtant l’animal avait ressenti instinctivement le lien fraternel qui unit les deux hommes.
Dans la douleur, Gvär était perdu dans ses pensées, il imaginait le moment où son fils Cléac’h apprendrait la disparition de son compagnon à quatre pattes. Ce serait plus qu’un déchirement. Il se demandait comment il lui annoncerait la terrible nouvelle. Il avait le temps d’y penser et de s’y préparer. Il savait qu’il ne reverrait pas Cléac’h avant des lunes.
Les deux compagnons firent signe aux badauds qui étaient encore là de les laisser seuls. Le petit groupe s’en alla. Thoron et Gvär se serrèrent dans les bras, puis échangèrent quelques mots pour se réconforter mutuellement. C’est les yeux mouillés qu’ils se tournèrent vers l’horizon.
Ils étaient postés sur un promontoire. Leurs silhouettes se détachaient sur le ciel orangé.
Au loin le soleil se couchait. Sur la mer.
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