[Partie II - D'un royaume à l'autre] Chapitre 4 : L'interrogatoire
Chapitre 4 : L'interrogatoire
Alors que maître Cabesos avait quitté la cellule depuis plusieurs minutes, laissant Drake à la fois inquiet et consterné par la situation, les portes s’ouvrirent, laissant apparaitre 2 stratos casqués et armés.
– Drake Valdebone, vous êtes invité à nous suivre pour participer à l’interrogatoire prévu au titre de votre incarcération.
Drake ne contesta pas, suivant machinalement les 2 gardes, impassible. Il put alors constater, dans un couloir blanc et bleu qui paraissait infini, que des dizaines de cellules étaient alignées. Il accompagnait le pas militaire de ses escortes qui le firent traverser des couloirs interminables, tous aussi déshumanisés les uns que les autres avant d’atterrir, après avoir emprunté un ascenseur silencieux, dans une salle circulaire au milieu de laquelle trônait une table moderne blanche. Deux instructeurs étaient déjà installés, l’air grave, un homme aux cheveux grisonnants et une femme au nez aquilin prononcé qui prit la parole :
– Avancez-vous, Monsieur…Valdebone, c’est bien cela ?
Drake s’installa sur l’une des chaises placées en face des deux hommes.
– Votre avocat commis d’office ne devrait pas tarder, l’interrogatoire démarrera alors, lança l’homme plongé dans ses papiers.
Un blanc interminable s’installa alors, laissant les trois individus dans un état de malaise palpable. Drake scrutait inlassablement ses deux interlocuteurs alors que l’homme restait plongé dans son dossier, faisant semblant de griffonner des mots qui n’en étaient pas, et que la femme regardait ses mains qu’elle prétendait examiner.
Après des minutes qui semblaient être des heures, les deux instructeurs finirent par se lancer un regard dérouté, mélange d’agacement et de consternation. La femme prit de nouveau la parole, comme pour briser ce silence insupportable et donner un semblant de consistance à cette situation :
– Maître Cabesos doit être retenu sur une autre affaire, espérons qu’il ne tarde pas.
Un soulagement général se fit sentir lorsque la porte s’actionna, laissant entrevoir l’avocat essoufflé qui justifia son retard par un problème de badge qui ne fonctionnait pas.
– Bien, l’interrogatoire va pouvoir commencer, en présence de Maître Cabesos et son client Drake Valdebone. L’interrogatoire sera mené par les sergents Bricourt et Kalmino.
Les deux instructeurs firent alors la lecture des accusations portées contre Drake que son avocat avait déjà partagées avec lui dans la cellule.
– La parole est laissée à Maître Cabesos.
Ce dernier, grattant alors sa gorge comme pour amorcer une plaidoirie que les manuels retiendraient en exemple, prît la parole :
– Mon client conteste formellement les faits qui lui sont reprochés. Il se trouvait dans la zone neutre de Palalais et non dans les eaux lampayousaines. Son arrestation est donc infondée.
Drake, considérant que cet interrogatoire ne mènerait à rien, demanda une prise de parole qui lui fut accordée, sous le regard sombre de son avocat :
– Vous savez comme moi que les faits ne sont pas avérés puisque c’est vous qui nous avez attaqués sur les terres neutres. Vous savez comme moi qu’il s’agit d’une déclaration de guerre contre le Royaume Yachmahaï. Les conséquences seront désastreuses pour votre nation si je ne suis pas libéré sur le champ. D’ailleurs que sont devenus mes hommes ? Ils doivent aussi être libérés immédiatement faute de quoi ma nation lancera une attaque de riposte contre votre monarchie. Vous rendez-vous compte de l’engrenage dans lequel vous entrez ?
Impassibles, les deux instructeurs prirent la parole en même temps, prononçant les mêmes mots :
– Monsieur Valdebone…
Les deux sergents, amusés par la situation, se regardèrent avant de laisser s’échapper un rire contenu. La femme prit alors la parole, reprenant un air sérieux impénétrable :
– Monsieur Valdebone, nous détenons les preuves physiques, enregistrements de cartes radars à la clef, de votre présence dans nos eaux. Vous pouvez le contester mais devant la cour ces éléments sont indiscutables.
Hors de lui, Drake hurla :
– Et mes éléments, alors ? Je pourrais apporter la preuve que vous mentez si vous me laissiez l’accès à nos données de cartographie. Vous mentez et vous le savez. Où sont mes hommes ? Nous sommes des prisonniers de guerre.
– Monsieur Valdebone, au vu de la situation, votre dossier est, en effet, géré par la cour militaire de la Couronne. Vous et les soldats de votre division serez jugés par la même cour et vous serez donc amenés à répondre de vos actes de manière collective. Dans l’attente, la procédure prévoit un interrogatoire individuel mais vous aurez, bien entendu, l’occasion d’échanger avec vos compatriotes le temps voulu. S’agissant des contre-preuves que vous évoquez, elles ne vaudront rien face à nos preuves incontestables, j’en suis navré. Une balise furtive du Royaume Yachmahaï a été interceptée dans nos eaux, nous la possédons et en voici une photo accompagnée d’une copie de la cartographie de son positionnement. Cela s’appelle de l’espionnage. Vous ne faites qu’essayer de gagner du temps et vous le savez.
Drake, acculé, ne pouvait que reconnaître la sonde qui avait été envoyée illégalement pour surveiller les mouvements de la Couronne dans leurs propres eaux.
La femme reprît la parole, son visage fermé trahissant la gravité de la situation :
– Vous n’êtes pas sans savoir qu’une telle infraction au code militaire, au vu de sa caractérisation en déclaration de guerre, peut aboutir à une condamnation à mort pour vous et…vos hommes. Je vous invite donc à plus de retenu.
Le visage de Drake devint blême, l’intéressé se sachant inexorablement coupable et voué à une condamnation lourde, au pire létale. Il avait conscience de sa propre responsabilité dans la situation, ayant pris l’initiative de l’envoi d’une balise de détection autogérée afin de surveiller les mouvements des bâtiments ennemis dans leur propre mer. Il ne savait pouvoir alors compter que sur la diplomatie afin de les libérer, lui et sa division, d’un avenir sombre voire funeste.
Son avocat, au vu de la tournure de la situation, s’empressa de prendre la parole :
– Je demande une interruption de l’instruction afin de pouvoir m’entretenir avec mon client en vertu de la présentation de preuves dont nous n’avions pas connaissance.
Sigmun Cabesos connaissait malgré tout son sujet, sachant pertinemment que la réponse à sa demande serait favorable. Le sergeant Kalmino prit alors la parole à son tour :
– Votre demande est acceptée en application des dispositions du code juridique. L’instruction est interrompue pour une durée de 24h. Il est donc mis fin à l’interrogatoire.
Les deux sergents se levèrent machinalement avant de quitter la salle par la porte qui se trouvait derrière eux.
Drake et Sigmun restèrent assis quelques secondes sans dire un mot, hébétés et conscients l’un comme l’autre de l’impasse dans laquelle ils se trouvaient.
– Vous auriez dû me dire toute la vérité Drake… Vous n’avez pas conscience ou ne voulait pas admettre ce qui se joue pour vous en ce moment. Vous risquez le peloton d’exécution, sachez-le.
L’avocat, fermé, se leva d’un bond avant de se diriger vers la sortie, sans jeter un regard vers son client. Les deux stratos qui étaient restés tapis au fond de la salle le temps de l’instruction ramenèrent Drake à sa cellule, dépité et troublé.
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