Obsèques de mes moustaches

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La nuit dernière j’ai rêvé que j’étais à mes funérailles, encore. Ça fait bizarre d’être à ses funérailles. Surtout quand on est déjà mort. Et vivant. C’est plutôt étrange et même franchement dérangeant par fois, mais ça fait 85 ans que je suis dans cet état, alors attendre et dormir sont les seules occupations qui me restent encore. Rien à me mettre sous la dent, rien à boire, rien à dire, j’attends. Au bout de toutes ces années, j’ai fini par avoir envie que ça se produise, mais la mort ne veut pas de moi. Le champ des probabilités rétrécit à mesure que le temps passe, et pourtant je suis toujours là. Je suis la plus improbable des expériences que ce monde ait connu, et bien des gens s’interrogent à mon égard.

J’espère que celui qui a imaginé ce concept s’en mord les doigts dans sa tombe, parce que lui, il est vraiment mort. Et moi dans son esprit, je vis encore. Après tout, il n’a jamais cherché à savoir. Il l’a bien envisagé, l’espace d’un instant. J’avais entendu ses doigts frôler l’ouverture, quelques trente jours après le début de l’expérience. Mais sa curiosité n’était pas assez forte. Il a préféré ignorer la réalité, et s’est enfermé dans ses hypothèses à la con. Ou bien a-t-il ouvert pendant que je dormais ? Je ne le saurai jamais. Incapable de sortir par mes propres moyens, je suis là, j’attends. Et quand je suis fatigué d’attendre, je rêve. Je rêve que je suis enfin mort et qu’on creuse un trou pour mettre ma boite dedans, et qu’on dit quelques mots sur mes beaux yeux, et qu’on plante un arbre sur ma tombe. J’ai toujours aimé les arbres. J’aimerais que ma dernière demeure se trouve au pied d’un saule pleureur qu’on aura planté pour moi. Si ça se trouve j’y suis déjà. Qui sait ? Encore une hypothèse, voilà que je m’y mets, moi aussi.

Vous me trouvez fou ? Je ne suis pas fou, je suis un génie incompris. Vous par contre, si vous m’entendez, je ne saurais que trop vous conseiller de consulter. C’est la vérité, je ne suis rien de plus que le fruit de votre imagination débordante. Le pire est que vous ne pourrez jamais savoir ce que je suis réellement, puisque je suis purement hypothétique. Peut-être que je suis bel et bien mort, et que ceci n’est que le continuum de mes états d’âme à travers vos propres pensées. Ou peut-être que je vous parle par télépathie en attendant mon heure, pour sortir enfin de ma boite, et vous montrer à tous que je suis encore là, en os plus qu’en chair mais en vie tout de même. A vous de croire ou ne pas croire en mon existence, à vous d’espérer que je suis libre ou enfermé, à vous d’imaginer ce qu’il adviendrait alors si l’on me découvrait. Pour l’instant comme vous n’en savez rien, je suis tout à la fois, en pleine lumière et caché dans l’ombre, fatigué et affamé, faible et puissant, vivant et mort. Je ne suis qu’un état, je ne suis qu’une théorie car vous ne saurez jamais combien de probabilités il me reste avant que je ne repose définitivement sous mon saule pleureur.

Craignez-moi, terriens. J'ai fais partie de votre espace-temps, qui sait où je suis à présent ?

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